Si vous croisez une vieille Chevrolet jaune en mauvais état, une vraie poubelle, prudence ! Il pourrait se faire que ce soit Eduardo Sosa qui erre dans la ville avec ses vipères –Beti, Carmela, Loli et Valentina– quatre charmeuses avec lui, quatre tueuses pour le reste du monde. En fait Eduardo, narrateur de la première partie, a pris la vie et l'identité d'un clochard ex-assassin et ex-ingénieur du nom de Jacinto Bustillo, et est parti venger ce dernier, semant la peur, la mort et la désolation, du centre-ville aux quartiers résidentiels, en passant par une station-service et un centre commercial.
La narration passe ensuite à la troisième personne. La caméra-stylo de l'auteur suit Lito Handal, le flic de choc, commissaire soigneux de sa personne comme un Colombo. Puis, une journaliste de El Grafico, cette Rita que suit comme son ombre un photographe de presse, alias le Zompopo. Dans une brève quatrième partie, Eduardo Sosa reprend sa confession hallucinée et rentre chez lui, chez sa soeur Adriana…
Dans sa virée sous cocaïne, Eduardo Sosa élimine sans le vouloir un réseau de policiers-traficants de drogue, relance l'enquête sur un scandale financier, élimine sans le savoir le candidat à la présidentielle, met en danger les institutions de la République, et fait plus trembler la population que le réveil du volcan ou la reprise de la guerre civile, une horreur qui n'est jamais très éloignée dans la fiction de Moya (Cf. L'Homme en arme, et Déraison).
Étrange thriller, ce court roman intense fait monter l'adrénaline au moins autant qu'il génère le rire, pulvérise les pavés pesants d'auteurs à la mode l'été, et fait plonger dans le ridicule autobiographies et fictions qui se prendraient au sérieux. Non, le roman n'est pas mort !
• Horacio CASTELLANOS MOYA : Le Bal des Vipères.
Traduit de l'espagnol par Robert Amutio. Les Allusifs, 160 p., 2007. (Baile con serpentes)Du même auteur : L'Homme en arme, Déraison