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Au sens strict l'École de Paris désigne l'ensemble des peintres d'origine étrangère établis dans la capitale durant la première moitié du XX° siècle. L'expression « École de Paris » a été créée en 1925 par André Warnod dans un article de la revue Comœdia pour désigner cette convergence de peintres, immigrés, souvent  originaires d'Europe centrale et orientale et juifs.

 

 

Dans ce tableau d'hommage à l'École de Paris, Marevna, alias Maria Vorobieff-Stebelska, a voulu se souvenir de l'époque disparue . Marqué par l'image centrale d'Amedeo Modigliani , le groupe ici réuni est représentatif du cosmopolitisme de ce milieu artiste. De gauche à droite : Diego Rivera venu Mexique, Marevna née en Russie, leur fille Marika seule Parisienne de naissance, le journaliste russe Ilya Ehrenbourg, Chaïm Soutine né près de Minsk dans l'actuelle Biélorussie et qu'on reconnaît à sa coupe de cheveux, Modigliani natif de Livourne, Jeanne Hébuterne native de Meaux son modèle, Max Jacob natif lui de Quimper dans l'unique famille juive locale, Moïse Kisling de Cracovie, et le marchand de tableau Zborovski venu d'Ukraine autrement dit de l'Empire russe d'alors. 

 

—————————  ILS SONT VENUS DE TOUTE L'EUROPE  ————————

 

L'attractivité de Paris

Après 1890, les jeunes peintres affluent de toute l'Europe vers Paris devenu un aspirateur de talents. Ils viennent d'Espagne (comme Juan Gris, Pablo Picasso), d'Italie (comme Modigliano, Giorgio de Chirico), de Suède (comme Nils von Dardel), de l'Empire Austro-Hongrois, et plus encore de l'Empire russe qui s'étendait alors à l'Ukraine, à la Biélorussie, aux Pays Baltes et à la Pologne. Le chilien Manuel Ortiz de Zarate rencontre à Florence la polonaise Edwige Piechowska : en 1906 ils s'installent à Montparnasse attirés par l'activité artistique régnant aux pieds de la tour Eiffel : il est comme dit Apollinaire l'unique « Patagon » de Paris. C'est un milieu cosmopolite qui s'est créé au cœur de Paris, espace de liberté, de créativité qu'ils ne trouvaient pas dans leur pays. « L'amour de l'art, plus que toute autre chose, a poussé ces gens à venir à Paris » écrit André Warnod.

Quand la guerre éclate en 1914, ce petit monde est en partie dispersé, certains retournent sous les drapeaux dans leur pays d'origine (comme Louis Marcoussis), d'autres s'engagent dans l'armée française ou la Légion étrangère (comme Zinoviev), d'autres s'exilent en pays neutres comme l'Espagne (Sonia Delaunay y séjourne dès 1914, puis expose à Stockholm en 1916). La Première guerre mondiale et la grippe espagnole une fois passées, de nouveaux artistes émigrés arrivent au début des années 20. L'ukrainien Yosef Pressman débarque en 1922 à Paris juste « pour voir des Cézanne » ! L'année suivante, c'est au tour de Chagall .


 

Paris par la fenêtre de Chagall - 1913. C'est l'une des œuvres phare de cette époque. La Tour Eiffel est déjà devenue un symbole de Paris.

Depuis l'Exposition Universelle de 1889, Paris n'en finit pas d'attirer par son prestige de Ville-Lumière et plus encore par le tintamarre de ses avant-gardes successives, par la présence d'artistes dont la renommée dépasse les frontières. Beaucoup d'entre eux  se retrouvent dans le quartier de Montparnasse, lieu de rassemblement de toute une bohème intellectuelle. Elle fait société dans les nombreux cafés du quartier. Parmi tous les établissements qu'ils fréquentaient, subsistent aujourd'hui Le Dôme, La Rotonde et La Closerie des Lilas.

 

Café de La Rotonde par Marie Vassilieff, 1921. Il pourrait s'agir d'un autoportrait représentant l'artiste avec son enfant sur les genoux. Elle a peint des panneaux décoratifs à l'intérieur de La Coupole en 1927.

 

La bohème artiste y rencontre des peintres déjà établis, comme Pablo Picasso, en mesure de leur apporter une aide matérielle — car beaucoup vivent dans une misère noire. Ils y rencontrent aussi des critiques d'art, des poètes : Guillaume Apollinaire est l'un et l'autre. C'est le moment de rappeler qu'il était né sujet polonais de l'empire russe, même s'il avait vu le jour à Rome. Son livre sur les peintres cubistes a fait connaître cette avant-garde. De plus, Apollinaire avait des relations avec les galeristes qui exposaient  l'art moderne.

Mais  encore faut-il assurer le quotidien, apprendre et travailler. Maria Vassilieff  ouvre une cantine pour ses émigrés russes affamés. La Ruche, passage de Dantzig dans le 15° arrondissement, près de la gare Montparnasse, est une sorte de phalanstère où échouent tous les artistes sans le sou, venus de l'Empire russe, qui y louent de petits ateliers : ainsi d'Archipenko, Baranoff-Rossiné, Brancusi, Chagall, Epstein, Chana Orloff, Soutine. Beaucoup ne parlent bien que le yiddish et un russe approximatif. 

 

Les nouveaux venus rejoignent l'École des Beaux-Arts et d'autres académies où enseignent des maîtres réputés. Nils von Dardel et plusieurs autres Suédois arrivent dans les années 1910-1912 pour suivre les cours de Matisse. Aux Beaux Arts : Kikoïne, Krémègne, Mané-Katz et Soutine, par exemple, suivent les cours de Fernand Cormon. Gwodecki co-dirige une Académie polonaise des Beaux-Arts . Marie Vassilieff fonde une Académie russe de peinture et de sculpture au 21 de la rue du Maine. En 1903 l'Académie Julian attire Bela Czobel et Louis Marcoussis qui viennent juste d'arriver en France. Alicja Halicka s'inscrit aux cours de Sérusier et Maurice Denis à l'Académie Ranson. Et parfois leurs modèles deviennent célèbres à force d'être peints, telle Jeanne Hébuterne, ou Kiki de Montparnasse.

 

Kiki de Montparnasse à la robe rouge, Moïse Kisling, 1933.

 

Les galeristes, incontournables 

On connaît Paul Guillaume (1891-1934) — le chapeau et la cigarette ! — parce que sa collection personnelle est devenue celle du Musée de l'Orangerie, à côté du Louvre et qu'elle comprend 5 Modigliani et 22 Soutine pour ne citer que les représentants les plus connus de l'École de Paris. 

 

Paul Guillaume peint par Modigliani en 1915

Paul Guillaume peint par Eberl en 1930

 

Dans la galerie de Paul Guillaume, le Dr Barnes acheta son premier Soutine : Le Petit Pâtissier — une version différente de celle du musée de l'Orangerie. Demandant à voir d'autres œuvres du même artiste, on le conduisit chez Zborovski. Du moins, c'est ce que dit la légende.

Le galeriste Zborovski par Modigliani

Léopold Zborovski a ouvert sa galerie rue de Seine. Débarqué d'Ukraine à 24 ans, « Zbo » est introduit dans le milieu de Montparnasse par Moïse Kisling : la chance arrive en 1922 quand le Dr Albert Barnes lui achète quinze Modigliani et cent cinquante Soutine (3 000 dollars en décembre 1922)! Prospérité éphémère : la crise de 1929 le ruinera. En 1918 quand la Grosse Bertha bombarde Paris, c'est Zborovski qui expédie dans le Midi ses protégés, Soutine et Modigliani.

Mais auparavant, c'est Berthe Weill devenue la marchande de Picasso et de Matisse qui a organisé en décembre 1917 l'unique exposition de Modigliani de son vivant : aucune toile ne fut vendue ! La galerie de « la petite Mère Weill »  (selon Dufy) resta en activité jusqu'en 1939. Elle exposa Czobel, van Dongen, Kisling, Pascin, Reth, Eberl, ou encore Tadeusz Makowski, d'abord avec son ami Gromaire, puis seul en 1927-1928.

Portrait de la galeriste Berthe Weill par Georges Kars, 1933.

 

La Galerie Berheim-Jeune : ouverte en 1906 boulevard de la Madeleine, expose le futuriste Boccioni en 1912, Alicja Halicka et Moïse Kisling en 1922, Eberl en 1929. Une fois la galerie déménagée au 27 de l'avenue Matignon, on y voit les oeuvres de Mela Muter, Chana Orloff, ou encore Tamara de Lempicka dans les années 30. La Galerie Duret accueille Hayden en 1929, la Galerie Zak  Arapoff en 1930 et Leopold Gottlieb en 1934. La première exposition du groupe de la Section d'Or eut lieu à la Galerie La Boëtie en 1922 : les immigrés Archipenko, Juan Gris et Louis Marcoussis voisinaient avec les "autochtones" Duchamp, Glaizes, La Fresnaye, Léger et André Lhote.

 

Les Salons, étapes indispensables

Le Salon des Indépendants a été fondé par Paul Signac en 1884. Créé en 1903 au Petit Palais le Salon d'Automne devient un rival, il a exposé Matisse en 1905 – l'année où les Fauves firent scandale ; en 1904 on y vit Gwozdecki, Hayden en 1909, Marie Vassiliev en 1910 ; en 1922 un Nu de Kiki de Montparnasse peint par Foujita se vendit 8 000 Fr. Un record pour l'époque. Dans les années 20, le Salon d'Automne accueillit aussi Sigmund Menkès, Alexis Arapoff, ... Seul, Jacob Balgley refusa d'exposer dans les Salons !

 

 

 

Exposer au Salon n'est pas une garantie de revenus. Rares sont ceux qui vivent comme des princes. Il faut gagner sa vie autrement qu'avec la peinture… Longtemps parmi les plus démunis, Soutine et Kikoïne font les débardeurs à la gare. Lasar Volovick pose comme modèle pour des sculpteurs au début des années 1920.  

Des illustrations pour des livres complètent parfois les revenus — Alicja Halicka illustra Les Enfants du ghetto de Zangwill et Enfantines de Valéry Larbaud — de même des caricatures ou dessins humoristiques, des décors de théâtre et des costumes pour les ballets. Ainsi Marie Vassilieff créa-t-elle des décors pour les ballets suédois de Rudolf de Maré, suivant en cela Nils von Dardel. Alexandre Zinoviev réalisa des décors pour le Casino de Paris et les Folies Bergère dans les années 1920, puis peignit les décors du dancing Berlitz. Léopold Survage travailla pour les Ballets russes de Diaghilev.

 

Crime passionnel. Décor pour les ballets suédois. Nils von Dardel, 1921, Musée de Malmö.

 

L'École de Paris : une école juive ?

« Nous étions toute une génération, des enfants du heder jusqu'aux étudiants talmudistes, épuisée par tant d'années à la seule analyse des textes. Nous emparant de crayons et de pinceaux, nous avons commencé à disséquer la Nature, mais aussi à nous disséquer (…) Tout cela s'ébaucha dans quelques petites villes de Russie blanche et d'Urkaine pour se prolonger à Paris…» écrit El Lissitzky dans la revue "Rimmon/Milgroïm", n°3, à Berlin en 1923.

Un mariage juif, par Emmanuel Mané-Katz

 

De l'Empire russe ou de l'Empire autrichien, ils fuyaient l'antisémitisme. Ils fuyaient les pogroms qui avaient suivi la Révolution russe de 1905. Ils fuyaient aussi le régime dictatorial de la Russie communiste. Quelques-uns seulement devinrent célèbres : Chagall, Soutine… La plupart n'eurent pas cette chance... Nadine Nieszawer a publié une étude exhaustive spécialement consacrée aux Artistes juifs de l'École de Paris, publiée chez Somogy en 2015.

La tradition juive n'apparaît cependant que rarement dans les œuvres des artistes de l'École de Paris. Et d'ailleurs l'aniconisme était prôné par la religion juive. 

 

Une intégration réussie 

Parmi ces artistes immigrés, beaucoup se plaisent assez en France pour demander leur naturalisation. Jacob Balgley devient citoyen français en 1924.

 

Le jeune violoniste de Jacob Balgley - 1928

 

L'étranger Frantisek Zdenek Eberl cède la place au citoyen François Maurice Eberl en 1920. D'autres changent de nom. Le moscovite Léopold Sturzwage devient Léopold Survage. Sara Stern se nomme désormais Sonia Delaunay par son mariage en 1908. Ludwik Kazimierz Wladislaw Markus se métamorphose en Louis Marcoussis : c'est Apollinaire qui lui a suggéré de prendre comme patronyme le nom de cette commune des environs de Paris. Foujita reçoit la Légion d'Honneur en 1925, Elie Anatol Pavil en 1931, vingt ans après sa naturalisation.

Il faut attendre 1940 pour que cette intégration soit remise en cause avec l'Occupation allemande et le régime du maréchal Pétain qui annule les naturalisations d'après 1927.

 

La fin de l'École de Paris

 

La crise de 1929 ruina certains galeristes et les collectionneurs devinrent désormais plus réticents. Déjà sensible dans les années 20, il faut de plus en plus compter avec l'attrait de New York où Pierre Matisse ouvre sa célèbre galerie... 

Et puis vint la Seconde guerre mondiale. Pour beaucoup elle causa un nouvel exil. En 1940 Moïse Kisling partit pour les Etats-Unis et il passa la guerre en Californie. 

La judéité de nombreux artistes de l'École de Paris leur valut d'être les victimes de l'occupation nazie. Vladimir Baranoff-Rossiné et Henri Epstein furent déportés et assassinés à Auschwitz.

Foujita sera critiqué pour avoir collaboré à la propagande de l'armée japonaise. C'est le général Mac Arthur qui le ramène de Tokyo à New York en 1949. Foujita revient en France en 1950 mais il s'installe à Zurich où il meurt en 1969. 

Après 1945, l'expression Nouvelle École de Paris sera reprise pour désigner des artistes français ou étrangers classés comme tachisme, abstraction lyrique, etc. Mais c'est une autre histoire.


 

——————————   TOUS LES COURANTS DE L'ART PICTURAL  ———————————

L'École de Paris n'est pas une école au sens traditionnel. Elle s'exprime dans la diversité des courants artistiques des années 1900-1939. 

 

L'inspiration cubiste

On ne reviendra pas ici sur l'invention du cubisme par Picasso et Braque. Ils ont inventé une manière que nos artistes immigrés ignoraient sans doute avant de venir à Paris à la veille de la Première guerre mondiale. On connaît aussi le rôle d'Apollinaire qui est essentiel avec en 1913 la parution de son livre Les Peintres cubistes. Mais en adoptant le cubisme, les peintres immigrés ne sont peut-être pas conscients d'entrer dans un espace miné. Dans l'Action Française Léon Daudet avait dénoncé l'extranéité du cubisme et qualifiait son thuriféraire, c'est-à-dire Apollinaire né Wilhelm de Kostrowitzky, de juif polonais — même si, juif, il ne l'était pas. Ces artistes venus de l'Est, notamment de Pologne, ne pouvaient pas méconnaître l'existence de discours antisémites et xénophobes. 

 

Le Clown cubiste de Marie Vassilieff  malgré des formes arrondies reste encore proche des premières œuvres cubistes qui devaient beaucoup au collage.

 

Nu aux bas noirs de Marie Vassilieff. 1913

 

Le Tourangeau, de Juan Gris, 1918. Centre Pompidou.

 

Dès qu'il eut ouvert sa galerie en 1907 et rencontré Pablo Picasso, Daniel Kahnweiler devint un ardent défenseur du cubisme, un ami de Juan Gris, mais apparemment pas des peintres est-européens de l'École de Paris. Il en fut de même pour Léonce Rosenberg : il  signa entre autres un contrat d'exclusivité au début de la Grande Guerre avec Henri Hayden qui lui avait été recommandé par Juan Gris. 

Nature morte au compotier par Henri Hayden, 1920 

 

Pour Hayden la période cubiste s'achève vers 1922-23 : "j'ai abandonné le cubisme parce qu'il m'a semblé que j'en avais épuisé toutes les ressources et que j'étais condamné à piétiner, à me répéter" confiera-t-il beaucoup pour tard au critique Gérald Schurr. D'autre part, à la même époque — c'est-à-dire les années de l'entre-deux guerres — certains critiques français s'en prennent encore au cubisme en le qualifiant de juif ce qui était une façon de le diaboliser. Et le critique Waldemar George (dans la revue Formes en juin 1931) dénigrait l'ensemble de l'École de Paris : « château de cartes construit à Montparnasse », « mouvement stérile », « amalgame informe »… L'Art français était en péril !

 

Une composition cubiste. Violon et partitions d'Alicja Halicka, 1917. Avec cette image de violon elle semble s'inspirer des œuvres de Braque et Picasso qui ont inventé ce nouveau style en 1907.

Alicja Halicka s'est aussi située dans le courant du cubisme jusqu'en 1921, après quoi elle renoua avec l'École post-impressionniste polonaise. Louis Marcoussis qu'elle a épousé en 1913 continua, lui, dans cette veine.

 

Guéridon et porte ouverte par Louis Marcoussis, 1930.

 

La Ville au bord de mer de Léopold Survage, 1916, se situe entre le cubisme et une tendance onirique qui s'exprimera dans le surréalisme.

 

Vladimir Baranoff-Rossiné reprend avec cette Eve de 1932 une tradition cubiste qu'il fait évoluer loin des angles droits d'origine avec des courbes d'inspiration surréaliste et sans doute aussi l'héritage de son expérience du "piano optophonique" aux explosions de couleurs, qu'il avait présenté à Moscou avant de rentrer à Paris en 1925.

 

Avec cette Composition abstraite de 1939, Alfred Reth persiste dans l'abstraction jusqu'à la Seconde guerre mondiale ; plus tard il reviendra à la figuration.

 

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Du fauvisme à l'expressionnisme 

Ces artistes majoritairement venus des empires de l'Est européen ne débarquent pas sans bagage. Certains avaient pu découvrir l'expressionnisme avant de s'installer à Paris, par exemple lors d'un passage en Allemagne.

Le Cri de Munch (1893) est souvent considéré comme le point de départ de l'expressionnisme quoique que le terme même "expressionnisme" n'apparaisse que vers 1910. Il convient mieux encore après 1914 au climat d'angoisse qui envahit l'Europe. La boucherie de la guerre, les invraisemblables troubles de l'empire russe, l'explosion des nationalités, les raisons ne manquent pour expliquer la vague de l'expressionnisme. Mais ce courant artistique comme toute avant-garde est jugé étranger par des critiques et des publics conservateurs qui n'ont pas de mots trop durs pour le qualifier. On ne doit pas trop s' en étonner : on cria de même à l'horreur quand Matisse et Derain exposèrent leurs œuvres au Salon d'Automne de 1905 : c'était le Fauvisme. Les créations expressionnistes de quelques représentants de l'École de Paris choquèrent tout autant.

 

Le rouge à lèvre. Frantisek Kupka, 1908.

 

Touches de piano. Le Lac - Huile de Kupka, 1909, Galerie nationale de Prague

 

 

Nu couché par Pinchus Krémègne

Les gros empâtements, le rejet de la ligne claire et de la précision, les couleurs criardes ou exagérées caractérisent généralement les œuvres expressionnistes.

 

 

La diversité des mouvements d'avant-garde

Fauvisme, cubisme, futurisme, surréalisme, suprématisme, acméisme, etc, les avant-gardes se multiplièrent entre 1905 et 1930 comme l'a bien étudié Serge Fauchereau dans son "Avant-Gardes du XX° siècle" (Flammarion, 2010). Et les représentants de l'École de Paris laissaient le réalisme aux photographes comme Brassaï ou André Kertèsz.

 

Plages de couleur. Grand Nu, Frantisek Kupka, 1909-10 (Guggenheim, New York).

 

Le surréalisme, avec son penchant onirique, est relativement peu présent dans les œuvres de l'École de Paris. Un Roumain et un Suédois nous permettent d'illustrer ce monde surréaliste. Ici Le Surréaliste de Victor Brauner, œuvre du musée Guggenheim de Venise.

 

Enfin, Rêves et fantaisies de Niels von Dardel. 1922.

 

 

——————————   LES GRANDS THEMES  ——————————

 

       Peindre Paris

           L'École de Paris, ce n'est pas comme l'École de Barbizon où l'on ne peignait guère que la campagne environnante.  Les artistes trouvent dans le lieu même  où ils résident une énorme variété de sujets. Les commerces, les cafés, les rues, les quais de la Seine constituent autant de sources d'inspiration.

Rue de Paris, par Alexis Arapoff. 1928

 

Épicerie à Paris, Alfred Reth, 1925

 

Scène des Halles de Paris, Alfred Reth, 1930

 

Scène de café, d'Henri Epstein, 1918.

 

   Les Ponts de Paris d'Alexandra Exter, 1912. Venue de Kiev où elle tenait un salon d'avant-garde, désormais veuve d'un avocat, Alexandra Exter aurait rencontré Picasso et Braque chez la baronne Oettingen à Paris. La manière cubiste passe ici par des lignes brisées. Mais sa nature morte ci-dessous relève du collage que Picasso et Braque avaient pratiqué.

 

Nature morte d'Alexandra Exter, 1913

    Néanmoins, si les peintres réunis dans la capitale mènent une vie de citadins, et que l'univers urbain d'abord les inspire, la banlieue parisienne proche n'est pas totalement absente des œuvres de l'École de Paris. 

 

La maison de Rodin à Meudon a inspiré Joseph Pressmane en 1937. Paris et sa banlieue forment alors la première région industrielle de France et nos peintres sont parfois attirés par le thème de l'usine.

 

L'usine par Henri Hayden (Leeds Art Gallery).

 

Les Usines de Léopold Survage, 1914 (Musée des Beaux Arts de Lyon) illustrent sa vision du cubisme et s'inspirent de la pratique du collage. Les usines de l'époque ont des cheminées qui crachent force fumée et des toits bien alignés. L'univers urbain inspire plusieurs de ses  toiles.

 

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Portraits, autoportraits et groupes

 

Pour commencer, trois portraits contemporains, des portraits de femme, dans des manières différentes :

 

Jadwiga Zak. Eugène Zak, 1913.

 

Portrait de femme, Chana Orloff, 1914. L'artiste est davantage connue pour ses sculptures.

 

Fernande, de Kees van Dongen, 1905. Nouveau Musée de Monaco.

 

Quelques autoportraits.

Autoportrait (Gamme jaune) de Frantisek Kupka. 1907. (MNAM Paris)

 

Portrait de Bela Czóbel par Karoly Kernstock, 1907. Galerie nationale de Hongrie. Natif de Budapest où il n'y avait pas encore d'école des Beaux-Arts, Kernstock a fréquenté l'Académie Julian de 1893 à 1896. De retour à Paris en 1906, il admira le travail de Matisse.

 

Autoportrait de Chaïm Soutine, 1916.

 

Autoportrait de Foujita, 1927.

 

     Les portraits des amis

 

Jean Cocteau par Modigliani

Jean Cocteau par Kisling 1916 coll. Ghez

 

Ces artistes se peignent les uns les autres. Amadeo Modigliani peint plusieurs de ses collègues dans les années 1915-1916.

Juan Gris 

 

Soutine

Jacques et Berthe Lipchitz 

 

Kisling

Alexandre Zinoviev réalise le portrait de Diego de Rivera en 1913 ; le fresquiste mexicain a vécu à Paris au temps de sa liaison avec Marevna.

 

Les portraits de commande procurent aux artistes quelque rémunération… Les créations de Tamara de Lempicka sont généralement reliées au mouvement Art Déco si caractéristique du Paris des années 1925-1930. Elle a été la portraitiste de la grande bourgeoisie. 

 

 

À gauche, Portrait de Mrs Bush, 1929. À droite, Portrait de Mrs Allan Bott, 1930.


 

Les scènes de genre et la vie populaire

Frantisek Eberl a multiplié les scènes populaires ou familières, souvent autour d'un verre, ou d'une partie de cartes.

 

Au bar et Poisses de Frantisek Eberl, 1927 

Les jeux de cartes font partie des grandes distractions populaires au temps des pièces de Pagnol : "Tu me fends le cœur…" etc…

 

La famille turque de Pascin


Ce sont aussi des scènes de la vie mondaine que l'on retrouve dans l'inspiration des peintres d'un avant-guerre à l'autre. Les fêtards vont au cabaret. 

 

Les fêtards de Kees van Dongen, 1903.

 

Au salon particulier peint par Frantisek Eberl en 1930.

 

Le Tabarin est un cabaret ouvert dès 1904 rue Victor Massé dans le IX° arrondissement, au pied de Montmartre. L'établissement reste célèbre jusqu'à la Seconde guerre mondiale.

Etude pour mon tableau au Bal Tabarin. Elie Anatol Pavil. 1911 (Pocock Fine Art, Fort Lauderdale, Floride).

Nina de Tabarin par Kostia Terechkovitch, 1930.

 

Les lutteuses de Tabarin, par Kees van Dongen, 1908. Nouveau musée de Monaco.

 

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L'École de Paris : en province et au-delà

 

Différentes raisons amènent les artistes venus de l'étranger à séjourner en province. Des raisons de santé, des envies de voyager, ou de trouver la lumière du Midi. À cause des bombardements allemands sur Paris en 1918 Zborovski emmène Foujita, Modigliani , Jeanne Hébuterne, et Soutine à Cagnes pour vendre dans les palaces de la Côte d’Azur.

Certains ne s'installent pas durablement à Paris : Grégoire Michonze, né à Kichinev en 1902, était arrivé à Montparnasse en 1922, avait rencontré Soutine et les surréalistes, rencontré Henry Miller au Dôme, exposé au Salon des Indépendants, et puis finalement il s'est installé à Cagnes en 1931 et expose dans son atelier d'Antibes en 1932. 

Ainsi la province offre des opportunités de scènes de groupe et  de paysages.

Cabines et famille de pêcheurs par Grégoire Michonze, 1938

 

 

Passants dans une rue de Marseille par Henryk Epstein qui peint le petit peuple de Marseille, les prostituées du Panier, la côte et le Vieux Port.

 

Vladimir Baranoff-Rossiné séjourne en Corse et peint cette vue du Cap Corse en 1925.

 

Ainsi que les Environs de Bastia, toujours en 1925.

 

Les Capucins à Céret, par Pinchus Krémègne


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Les nus, un thème cher à certains artistes

Le nu est alors considéré comme une spécialité artistique spécifiquement parisienne.

En décembre 1917, à l'exposition de Modigliani ses nus avaient choqué parce que les passants pouvaient les voir par la vitrine de la galerie de Berthe Weill. Tous ne peignent pas des nus et ceux de Modigliani sont les plus célèbres, comme celui-ci où Jeanne Hébuterne lui sert de modèle.

Nu couché au coussin bleu de Modigliani. 1916.

 

Nus couchés, Marevna, vers 1930

 

Portrait nu d'Arletty par Moïse Kisling, 1933

 

Cinq nus de Foujita  1923.

 

Composition de Nus, Jules Pascin, 1915. Musée d'art d'Hokkaido

 

Perspectives, de Tamara de Lempicka, 1925.

 

Nu d'Alexis Arapoff. La présence du miroir est un artifice classique qui permet de donner à la peinture en deux dimensions l'impression des trois dimensions de la sculpture. C'est aussi le choix de Pascin :

 

Modèle face au miroir. Jules Pascin, 1914

 

La femme au miroir de Zygmunt Menkès - vers 1925.

 

Nu - Gustav Gwozdecki, 1928. Musée national de Varsovie.

 

Berthe à demi-nue de Frantisek Zdenek Eberl. 1924.

 

Jeanne dans un fauteuil par Lasar Volovick, 1938. 


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     Les natures mortes

 

      Thème classique depuis le Siècle d'or hollandais, les natures mortes continuent d'avoir leurs fidèles. Les natures mortes de Chaïm Soutine révèlent peut-être une tentation de la nourriture, lui l'éternel affamé.

Nature morte aux harengs et aux oignons, Chaïm Soutine, 1917.

 

Le boeuf écorché de Soutine, 1925 (version du Musée d'Art de Minneappolis)

 

 

Après les poissons et la viande, voici les fruits. On reste dans le domaine alimentaire avec Nature morte d'Alicja Halicka, vers 1920. 

 

Après les poires, finissons par des pommes : Nature morte avec des pommes de Pinchus Krémègne.

 

 

————————————————  FIN  ––––––––––––––––––––––––––––––––––

 

Actualité : colloque sur l'Ecole de Paris prévu en juin 2021 au Musée du Judaïsme

https://www.mahj.org/en/node/75417

Tag(s) : #BEAUX ARTS, #HISTOIRE 1900 - 2000
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