Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

C'est la pampa immense, au temps jadis. Josefina, la “china” blonde, s'est enfuie avec son chien de l'estancia où la Noire la maltraitait. En route elle rencontre une Anglaise rousse qui la prend en stop dans sa charrette menée par des bœufs. Les deux femmes se plaisent. Elles se font aussi des confidences. Sur leur route vers les terres d'une estancia censée acquise par Oscar le mari de Liz, elles rencontrent Rosario, sympathique et pourtant meurtrier, qui mène un immense troupeau de vaches. Bientôt le trio arrive jusqu'à un fort de l'armée argentine, tenu par un vieux colonel grand amateur de whisky et de chair fraîche. Après diverses orgies alcooliques et sexuelles, le trio repart vers l'estancia illusoire, en fait vers les terres indiennes des Guaranis où tous s'installent comme de bons sauvages rousseauistes.

 

En même temps c'est une autre histoire que l'auteure nous murmure dans l'ombre d'un arrière-plan : un roman qui pastiche le thème de Martin Fierro, le gaucho légendaire des Argentins, inventé par le poète José Hernández — qui est précisément ici le colonel du fort. Mais Gabriela Cabezón Cámara renverse le mythe. Martin Fierro est un horrible macho qui a largué la China après lui avoir fait deux mômes. Il a été incapable de rester au service d' Hernández, le chef qui aime tant soumettre ses hommes à la torture, et qui lui a volé ses poèmes pour les faire éditer sous son nom à Buenos Aires. Devenu déserteur, Martin Fierro reste poète et cela le réconcilie avec l'héroïne — « Tu me pardonnes, Josefina ? » — quand elle s'installera chez les Indiens auprès de Kauka son amante guaranie, sur les rives inondées du Parana où chantent des oiseaux aux noms inconnus.

 

L'écriture de Gabriela Cabezón Cámara est un bonheur de légèreté et d'invention. Pas de dialogues formalisés mais les propos des uns et des autres repris dans de longs paragraphes qui sortent de la conscience de China Iron. Un regret pourtant : on finit par se perdre dans le lexique guarani des derniers chapitres, Wikipedia et le traducteur Google restant le plus souvent inopérants. Au bout du compte c'est cela qui est plus dépaysant que les grands espaces de la pampa.

 

Gabriela Cabezón Cámara : Les aventures de China Iron. Traduit par Guillaume Contré. Éditions de l'Ogre, 2021, puis 10/18, 210 pages, avril 2022, n°5749.

 

Tag(s) : #AMERIQUE LATINE, #ARGENTINE, #LITTERATURE ESPAGNOLE
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :