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        Il est difficile de peindre la danse car la peinture est par essence une plastique statique et la danse une plastique dynamique. Le peintre ne peut rendre les trois dimensions et ne fige qu'un moment d'un mouvement, une attitude — ce qui est plus facile à traduire en sculpture. Néanmoins la danse est un sujet d'inspiration fréquent en peinture depuis les décors des vases grecs jusqu'au  XXe siècle. La danse, jusqu'au début du XVIIIe siècle, se représente en groupes : expression des émotions, sensation de légèreté, organisation des mouvements de tous. Au fil du temps, les hommes la codifient, puis la danse s'individualise ; elle devient frivolité. Mais toujours le peintre doit s'emparer des corps en mouvement.

 

1910 : l'entrée dans la danse

Avec ses couleurs simples, ses corps schématisés au sexe incertain, l'œuvre de Henri Matisse (1869-1954), La Danse, traduit une forte impression d'énergie  et invite à y participer. Elle est souvent prise comme emblème de l'art moderne ; réalisée en 1909-1910 pour le collectionneur moscovite Sergueï Chtchoukine elle est transférée à l'Ermitage par le régime soviétique.

 

Duncan Grant (1885-1978) est connu pour appartenir au groupe de Bloomsbury. Visitant à cette date l'atelier de Matisse à Paris, il semble s'en être inspiré  pour peindre ce groupes de danseurs. (Danseurs, 1910, Tate Gallery).

 

La même année 1910, Natalia Gontcharova (1881-1962) peint La Ronde – Musée Serpukhov en banlieue de Moscou. Malgré le titre et le sujet, l'artiste ne rend guère l'impression du mouvement ; sa peinture est statique.

 

Ce n'est pas un hasard : ce point focal de 1910 est révélateur de l'intérêt exceptionnel que manifestent les peintres européens pour la représentation de la danse entre les années 1880 et 1920. Et ceci pour ne prendre que la ronde, cette forme simple. Or les types de danse sont nombreux comme cette présentation le prouvera. Les danses se diversifient selon les milieux sociaux et à l'âge de la civilisation urbaine caractérisée par l'individualisme et l'industrie du spectacle.

 

Nous allons partir de sujets sacrés et évoquer des danses mythologiques avant de traiter de l'opposition entre danses de cour ou aristocratiques et danses populaires, qu'elles soient villageoises ou urbaines, et assister enfin au triomphe de la danseuse, célèbre ou anonyme, dans la peinture moderne.

 

Les danses sacrées

 

Une danse en chaîne, où les nombreux danseurs se tiennent par la main, apparaît dès 1431 dans cette Danse des Anges et des Elus, détail d'une œuvre immense de Fra Angelico (1387e-1455). L'artiste s'attache moins aux mouvements des corps qu'à l'atmosphère de plénitude partagée.

La Danse des Anges et des Elus, détail de la partie gauche du Jugement dernier, (tempera sur panneau, San Marco, Florence).

 

Les danses des muses et des nymphes

Terpsichore est la muse de la danse. Les peintres l'ont représentée au milieu de ses compagnes.

1514-23. Baldassare Peruzzi (1481-1537). La danse d'Apollon avec les neuf Muses, tempéra sur panneau, Palais Pitti, Florence. On remarque le dynamisme de la scène, les corps en déséquilibre, le mouvement des tissus.

 

1832. Joseph Paelinck (1781-1839) : La danse des Muses. Natif des Flandres, il fut élève de David puis étudia à Rome.

 

1846-51. Louis Candide Boulanger (1806-1857), La Danse des Muses. Paris, Musée Carnavalet. Autour des quatre muses qui dansent le peintre a fait le portrait de ses amis. Victor Hugo en faisait partie. Dans ces deux tableaux, les peintres imaginent les muses en impondérables jeunes femmes : danser semble dans leur nature.

 

1849. Charles Gleyre (1806-1874). La danse des Bacchantes. Musée cantonal, Lausanne. La sensualité fait vaciller les corps, jusqu'à la chute d'une danseuse au premier plan.

 

1900. Fantin-Latour. La Ronde des Nymphes. Musée d'Orsay, Paris.

 

Vers 1897. Henri Fantin-Latour (1836-1904). La Tentation de saint Antoine. The National Museum of Western Art, Tokyo. Le peintre est connu pour quelques peintures allégoriques, comme ces muses qui dansent autour de l'ermite pour le détourner de ses pieuses pensées. Une autre version est conservée au Petit Palais.

 

1937 André Bauchant (1873-1958). Greek Dance in a Landscape. Oil on metal 30x146 cm. Tate Gallery, Londres. Pour l'artiste danser c'est être jeune. La danse n'est qu'un prétexte pour représenter l'opposition des générations.

Les danses mythologiques

 

1786. William Blake (1757-1827). Oberon, Titania and Puck with Fairies Dancing. Tate Britain. Crayon et aquarelle sur papier. Le mouvement des corps et leur évanescence invitent au rêve.

1662. Claude Gellée dit Le Lorrain (1600-1682). La Danse des Saisons. Huile sur cuivre. Kunsthaus, Zurich. Similitude avec le tableau précédent : un joueur de lyre assis à droite : la danse ne va pas sans musique.

1497. Andrea Mantegna (1431-1506) Le Parnasse, Musée du Louvre.

 

1634 Nicolas Poussin (1594-1665). La Danse de la vie humaine ou La Ronde sur la musique du Temps. The Wallace collection, Londres.

Mais Poussin est aussi connu pour son interprétation de la danse devant le Veau d'or.

1633. Nicolas Poussin. Les Adorateurs du Veau d'or. National Gallery, Londres. D'après le livre de l'Exode, c'est pendant que Moïse est monté au Mont Sinaï qu'Aaron a fait danser devant une statue du veau d'or, inspirée du dieu égyptien Apis. 

1700. Alexandre Ubelesqui (1649-1718). L'adoration du veau d'or. L'œuvre est probablement inspirée de la précédente, mais ici la danse n'est pas au centre de l'adoration.

 

1910. Emil Nolde (1867-1956). Autour du veau d'or. Cette œuvre est représentative du courant pictural appelé l'expressionnisme. L'artiste suggère des corps en mouvement dans une explosion de couleurs joyeuse.

Les danses macabres

C'est un motif de l'art européen tout à la fin du Moyen-Âge, le plus souvent peint sur les murs des églises, des cimetières ou des couvents.

1490. Bernt Notke (1435-1509). Danse macabre. Musée d'Art de Tallinn, Estonie.

Détail de l'œuvre précédente. La danse macabre n'a rien à voir avec la danse comme spectacle ou divertissement, elle apprend seulement que la Mort s'attaque à tous les sexes, tous les milieux, tous les âges.

 

1860. James Tissot (1836-1902). La Danse de la Mort. Providence, Rhode Island School of Design. La Mort surgit d'un cercueil en haut de la colline et pousse les vivants à fuir. À ses débuts Tissot a été inspiré par des scènes médiévales avant d'être connu comme peintre de la société victorienne dans les années 1870. 

 

1934. Edward Burra (1905-1976), Dancing Skeletons. Tate Gallery. Gouache et encre sur papier. Contrairement aux danses macabres médiévales, ici les morts dansent entre eux.

 

Les danses de l'aristocratie

 

La danse à la Cour
 

Après la mort accidentelle d'Henri II, l'interdiction des joutes pousse la cour vers d'autres divertissements : la danse va ainsi se développer au temps d'Henri III sous la forme des ballets de cour, marqués par une suite d'entrées dans lesquelles les danseurs sont mis en valeur tour à tour. Et sous Louis XIV c'est le roi lui-même qui se met en scène. Les ballets sont fréquents, presque chaque année, à la Cour des Bourbons de France jusqu'en 1685.

1580. Anonyme. Danse à la cour de Henri III. Musée du Louvre. Ces danses très codifiées mettent en valeur la richesse des costumes ; le mouvement des corps n'est plus au centre de la représentation.

 

1581. Anonyme flamand. Bal à la cour du Louvre à l'occasion des noces d'un favori du roi Henri III, le duc Anne de Joyeuse avec Marguerite de Vaudémont-Lorraine.
 

1634. Abraham Bosse (1602-1676). Le Bal. Gravure de Leblond.

Transcription du texte sous la gravure :

 Qui ne désireroit estre tout couvert d'yeux
 Pour bien considérer les beautez de ces Dames
 Qui parent ce Balet : leurs regards et leurs flames
 Peuvent vaincre les cueurs des hommes et des dieux.
 
 Chacunes a leur tour elles entrent au Bal
 Au son des violons qui donnent la cadence.
 L'oeil observe attentif celle qui le mieux danse
  Avecque plus de grace : ou celle qui faict mal.
 
 C'est en telle assemblée ou les divers plaisirs
 Ravissent les esprits, la vue, et les oreilles,
 Ou Venus s'entretient, ou les bouches vermeilles
 Content à leurs amans librement leurs desirs.
 
 Si l'Amour quelque part bastit son Paradis
 C'est ou l'on faict Balet, on y void faces d'Anges
 Au lieu d'Astres la joye y est dans les meslanges
 D'Ebats et passetemps plus grands qui ne sont dits.
 


 

1653. Henry de Gissey (1621-1673) – Louis XIV en Apollon

 

1682. Nicolas Bonnart. Gravure représentant le maître à danser. Musée Carnavalet. 

 


Les peintres du XVIIIe siècle regardent moins vers la Cour et davantage vers les fêtes privées, les fêtes galantes, et le carnaval qui inspire désormais les peintres vénitiens. 
 

 

1760. Giandomenico Tiepolo (1727-1804), Scène de carnaval à Venise, Musée du Louvre.

 

1730. Nicolas Lancret (1690-1743). Avant le bal costumé. Musée d'Art, Nantes.

 

1730. Nicolas Lancret – La Camargo. Musée d'Art, Nantes.
 
 

1730-35. Johann Georg Platzer (1704-1761). Danse dans un palais. Huile sur cuivre. Skokloster Castle, Habo, Suède.


 

1740. Charles Joseph Flipart (1721-1797). Fête dans un jardin. Musée du Prado, Madrid. On remarque la rigidité des corps ; le peintre valorise surtout l'importance de ce couple qui capte tous les regards.


 

1741. Pietro Longhi (1701-1785). La leçon de danse. Venise, Galleria dell'Accademia.

 

1745e. William Hogarth (1697-1764). The Danse (The Happy Marriage). Tate, Londres.

Tout est légèreté et évanescence dans ce tableau : autant les silhouettes esquissées que les corps impondérables.

 

1771. John Collet (1725-1780). The Cotillion dance

À l'inverse du tableau précédent ici on note le volume des personnages, leur  martèlement cadencé.

 

1774. Gabriel de Saint Aubin (1724-1780). Encore une fête où l'aristocratie danse. 

 

1873. Édouard Manet (1832-1883). Bal masqué à l'Opéra de Paris. National Gallery of Art. La guerre avec la Prusse est finie, la Commune écrasée, la bourgeoisie de la République nouvelle renoue avec les plaisirs de la "fête impériale" comme on a appelé le Second Empire. Dans ce tableau, les personnages dansent moins qu'ils ne pratiquent l'art de la conversation !

 

Les danses populaires

Les danses paysannes

La ronde est la figure de danse la plus répandue.

Traditionnelle, la ronde est également la Danse enfantine représentée ici par Hans Thoma (1839-1924). (1872, Staatliche Kunsthalle, Karlsruhe)

 

Vers 1520. Anonyme. L'épidémie dansante de Strasbourg. Le 12 juillet 1518, une femme du nom de Troffea marchait dans une rue étroite de la ville quand elle se mit à danser six jours de suite et à la fin de la semaine, 34 autres personnes l'avaient rejointe. Au bout d'un mois, la manie dansante réunissait une foule de 400 personnes. Une "rave party" avant l'heure ! Cette danse non-stop fut considérée comme une maladie : plusieurs danseurs moururent de crise cardiaque et beaucoup tombèrent d'épuisement et se firent des fractures. Paracelse l'interpréta comme une protestation des femmes contre la tyrannie conjugale tandis que d'autres médecins ont considéré cette chorée comme une intoxication à l'ergot de seigle. La Ville expédia les danseurs à Saverne en pèlerinage sur les reliques de Saint-Guy. Jean Teulé en a fait tout un roman intitulé Entrez dans la danse...

 

1566 Peter Brueghel l'ancien : La danse de mariage en plein air. Detroit Institute of Art.

Plus que le mouvement des danseurs l'artiste a magnifié en couleurs chaudes l'importance de cette foule en liesse.

 

1568. Pieter Bruegel l'Ancien (1525-1569). La Danse des paysans. - Kunsthistorisches Museum, Vienne.

 

1633. Abraham Bosse. La danse sur la place du village. Les jeux de la séduction semblent davantage attirer le regard de Bosse que les mouvements des couples dansant.

Voici la transcription du texte :

 A ce que je puis voir avecque mes lunettes,
 Qui soulagent un peu le deffaut de les yeux,
 Ces galans sont dispos : mais je sautais bien mieux
 Lors qu'en mes jeunes ans je dansois les sonnettes
 
 Bergère pour guérir des cous
 Que ton œil dans mon cœur eslance
 Je voudrois commencer la danse
 Par un branle qui fust plus dous.
 
 Je crains fort qu'en nostre village
 Ce Monsieur un peu trop humain
 Qui tient ma femme par la main
 Ne la caresse a mon dommage
 
 Puis que pour trop fluster l'halaine nous deffaut
 Sans que ces beaux danseurs nous presentent à boire
 Nous voudrions de bon cœur qu'au plus profond de loire
 Pour s'abreuver eux mesmes ils eussent fait un saut.
 
 

 

 

 

 

 

 

 

1645. David Teniers le jeune (1610-1690). Paysans dansant dans une auberge. Alte Pinakothek, Munich. - Pendant que les jeunes dansent, les aînés se réchauffent et conversent devant la cheminée.

 

1660. David Teniers le jeune. Danse devant l'auberge –  Museumlandschaft Hessen, Kassel.

 

1665. David Teniers le jeune. Kermesse paysanne. Rijksmuseum, Amsterdam. On danse certes, mais on fait ripaille à la grande tablée à droite.
 

1680. Ferdinand van Kessel (1648-1696). Singerie, fête et danse villageoise devant une auberge. Comme dans l'œuvre précédente, le mouvement des corps est doublé du mouvement de la bannière à la porte de l'auberge. 

 

1706-10. Antoine Watteau (1684-1721). Danse paysanne. Museum of Art, Indianapolis.

 

1770 environ. Agostino Brunias (1730-1796). Dancing scene in the West Indies. Tate, Londres. Romain de naissance, il s'est installé à Londres puis est allé à la Dominique peindre la société antillaise. Il idéalise ici la société coloniale fondée sur l'esclavage dans les plantations sucrières. 

 

1863. Adolphe Pierre Leleux (1812-1891). Une noce en Bretagne. Musée de Quimper. À cette époque il se développe un intérêt ethnographique pour les danses populaires.

 

Les danses espagnoles

De nombreux peintres sont attentifs aux danses populaires espagnoles. Mais tous n'étaient pas espagnols.

1788. Francisco de Goya, La Gallina ciega, Prado. Autrement dit, une ronde et une sorte de colin-maillard.  

 

L'artiste argentin Antonio Berni (1905-1981) reprend en 1973 ce thème de La Gallina ciega.

​​

1857. Manuel Rodriguez de Guzman (1818-1867) – Baile campestre en la Virgen del Puerto. Prado, Madrid.

 

Idem, détail. Femmes et hommes semblent joyeux de s'unir dans le même rythme.

1780. José Camaron Bonanat (1731-1803). Une Romeria. Musée du Prado. La romeria est une fête populaire pratiquée en Languedoc et en Espagne.

 

D'origine andalouse, la séguédille est peinte en 1777 par Francisco de Goya (1746-1828). Baile a orillas del Manzanares. Prado, Madrid.

 

1862. Édouard Manet, Le ballet espagnol. Édouard Manet a peint le Ballet royal espagnol de Mariano Camprubi lors d'une représentation à l'Hippodrome à Paris. La troupe dont faisait partie la célèbre danseuse Lola Melea était en tournée à Paris en 1862.

 

1882. John Singer Sargent (1856-1925). El Jaleo représente une danseuse gitane accompagnée de ses musiciens. Isabella Stewart Gardner Museum, Boston. 

 

1913. Joaquin Sorolla (1863-1923). Baile en el café de novedades de Sevilla. Collection de Paul Getty puis du Banco de Santander.

 

1935. Georges Kars (1880-1945) : Le flamenco.

1940 env. Diego Rivera (1886-1957). Danse à Tehuantepec

Le spectacle du cabaret

 

1900. Louis Abel-Truchet (1857-1918). Le quadrille. Il serait une origine du French Cancan.

 

1903. Louis Abel-Truchet. French cancan. Évolution du chahut, le cancan devient la spécialité des cabarets parisiens au temps de Lautrec qu'on retrouvera plus loin.

 

1923. Jean-Gabriel Domergue (1889-1962). Le French cancan

 

1909-11. Gino Severini (1883-1966). La danse du pan-pan au “Monico”. Centre Pompidou. L'œuvre originale a été repeinte par l'artiste en 1960 du fait de la disparition du tableau pendant la guerre. Au centre de la peinture futuriste, Severini schématise les formes de plusieurs danseuses dont au moins deux vêtues de rouge en un tourbillons de formes colorées.

1929. Jean Dufy (1888-1964). Au Cabaret. Le contraste est remarquable entre la danseuse et les musiciens noirs à l'arrière-plan. Les cuivres dominent l'orchestre. Le mouvement a été suggéré autour des bras de la danseuse par une sorte d'hésitation des couleurs et des lignes, et derrière ses jambes par une curieuse ombre bleuâtre.

 

Bal populaire et bal mondain

 

1913. Sonia Delaunay (1885-1979). Le Bal Bullier. Musée national d'art moderne, Centre Pompidou. Pour cette œuvre de format panoramique, Apollinaire a parlé de style orphique lors du Salon des Indépendants en 1913 ; l'orphisme montre sa parenté avec le fauvisme et le cubisme ainsi qu'avec la musique. Après avoir initialement porté le nom de Closerie des Lilas, nom actuel d'un café voisin, boulevard du Montparnasse, le Bal Bullier a été un lieu mythique de la fête parisienne à la Belle Époque.

 

1931. Jules Frandrin (1871-1947). Au Bal Bullier. Musée de Grenoble. Cette salle de bal parisienne située boulevard de l'Observatoire a fermé ses portes en 1940 près d'un siècle après son inauguration. Une brasserie a repris son nom.

1923. Max Beckman (1884-1950). Danse à Baden-Baden. Pinakothek der Moderne, Munich. La station de Baden a été lancée par l'aristocratie russe dès le milieu du XIXe siècle puis est devenue, avec son casino, un haut-lieu de la vie mondaine. La sensation du rythme est rendue par les bras parallèles des deux danseuses.

1927. Otto Dix (1891-1969). Metropolis. - Par contraste avec le sujet précédent, Otto Dix qui travaille alors à Berlin montre un public raffiné dans un cabaret de jazz où l'on danse le charleston — reconnaissable aux genoux resserrés et aux talons écartés de la danseuse rousse. La grande ville est synonyme de débauche et de luxe. Les nazis y verront un exemple de la "décadence" typique de la République de Weimar et Otto Dix sera classé dans "l'art dégénéré".

1923. William Roberts (1895-1980). The Jazz Club. Leeds City Art Gallery. - Ici le public est nettement plus populaire. Pas d'orchestre, un gramophone suffit.

 

1936. William Roberts. Folk Dance. Coll. part. - Ici l'on danse au son du violon et de l'accordéon.

La fin du XXe siècle continue de représenter des danses célèbres avant la Seconde guerre mondiale.

1980. François Batet (1923-2015). Charleston. Ce peintre a repris dans plusieurs toiles ce thème du charleston indissociable de la société des Années Folles.

 

1970. Pedro Uhart (né au Chili en 1938). Tango. La robe rouge de la danseuse se retrouve dans les tableaux suivants.

 

1980. Pedro Uhart - Banda tropical.

 

1990. Maria Amaral (Brésilienne née en 1950). Noches de Tango. Les visages des danseurs méritent l'attention avec des traits superposés qui traduisent la proximité des visages. A elles seules les jambes féminines manifestent  le rythme endiablé.

Le couple des danseurs

 

1860. Constantin Guys (1802-1892). Couple de danseurs. Constantin Guys est un illustrateur passionné par la représentation de la vie mondaine passé le milieu du XIXe siècle. Charles Baudelaire lui a dédié le poème Rêve parisien, il était pour  lui Le peintre de la vie moderne.

 

1893. Félix Vallotton (1865-1925). La Valse. - Le peintre suisse a su créer l'impression de tourbillon propre à cette danse.

 

1899. Edvard Munch (1863-1944). The Danse of Life. Nasjonalmuseet, Oslo.- Le tableau a été réalisé par un artiste en pleine crise, d'où le malaise que projettent les visages des personnages .

 

1906. André Derain (1880-1954). La Danse, coll. part. - Au contraire du tableau précédent, il ressort de celui-ci une impression envoûtante de joie de vivre, d'un bonheur primitif : une voie dans laquelle excelle le Fauvisme.

 

1911. Kasimir Malevitch (1879-1935). La Polka. - Comme généralement chez Malevitch, et avant même sa période constructiviste, la scène est figée. Seul, le pied levé du danseur peut suggérer un pas de danse. La polka est originaire d'Europe centrale et orientale et devait donc être familière au peintre né à Kiev de parents polonais. Néanmoins, l'œuvre est aussi appelée Polka argentine.
 

2009. Julia Katz. Deux couples. Rien de statique ici, l'artiste a bien traduit le rythme par le mouvement des cheveux et des jupes larges des danseuses.

 

1988. Paula Rego (née à Lisbonne en 1935). The Danse, Tate Moderne. Comme dans un rêve, huit personnages dansent sur une plage au clair de lune, mais c'est aussi une figuration des différents âges de la femme, dans l'esprit de la femme qui danse seule à gauche, surdimensionnée. 

2015. Fernando Botero (Né à Medellin en 1932). Couple de danseurs. Comme toujours chez Botero, ses personnages malgré leurs  remarquables  rondeurs tiennent le rythme.

 

 

Le triomphe de la danseuse

 

1924. Jean Metzinger (1883-1956). Salomé. Le thème de Salomé est un thème ancien représenté dès la Renaissance. 

 

1461. Benozzo Gozzoli (1420 env-1497). La Danse de Salomé

A l'inverse du tableau précédent, l'artiste a rendu le déséquilibre du corps de Salomé et le mouvement de sa robe tournoyant en rythme.

 

1876. Gustave Moreau (1826-1898). Salomé dansant devant Hérode. Musée Armand Hammer, Los Angeles. - Une salle du trône intimidante. Somptueusement vêtue, Salomé, fille d'Herodias, danse sur la pointe des pieds pour Hérode Antipas et après cela lui demande la tête de saint Jean-Baptiste qui la lui accordera ! Aussi est-elle l'image de la femme fatale... Moreau aurait mis sept ans pour terminer son tableau.

 

1880. Gustave Boulanger (1824-1888). La danse amoureuse. Détail des fresques de l'Opéra de Monte-Carlo. Ami de Charles Garnier, Boulanger avait également décoré le foyer de la danse de l'Opéra de Paris en 1875.

 

1880. Boulanger. La Danse champêtre. Avec cet autre détail des fresques de l'Opéra de Monte-Carlo, on est bien loin des danses paysannes ; la qualification de "champêtre" ne tient qu'à la présence de fleurs. Les corps se contorsionnent et se dénudent; l'extase approche...

 

1850. José de la Vega Marrugal (1827-1896). Maja bailando. Collection Mariano Bellver, Séville. La majeure partie de la production de ce peintre concerne des thèmes populaires et traditionnels. L'ornementation coûteuse du costume frappe plus le regard que la grâce de la danseuse.

1930 environ. George Owen Wynne Apperley (1884-1960). Jeune danseuse. Museo Mariano Bellver, Séville. Apperley a vécu en Espagne de 1916 à 1932 puis à Tanger. Il émane de sa jeune danseuse un plus fort parfum d'érotisme que dans la plupart des représentations rencontrées.

 

Isadora Duncan

Deux dessinateurs, Jules Grandjouan et Abraham Walkowitz, se sont intéressés à la danseuse aux pieds nus. Elle est souvent considérée comme la mère de la danse moderne en rupture avec le ballet classique.

1903. Jules Grandjouan (1875-1968). Isadora Duncan. Musée d'Art de Nantes. 

 

1915. Abraham Walkowitz (1878-1965). Le peintre a rencontré la danseuse dans l'atelier parisien de Rodin en 1906. Nés la même année, Walkowitz et Isadora Duncan partageaient un lien avec la Russie : il y était né, elle avait épousé le poète Sergei Essenine. 

 

1915. Abraham Walkowitz. Plus tard il déclara : « She was a Muse. She had no laws. She didn't dance according to rules. She created. Her body was music.»

 

1890 env. Fabio Fabbi (1861-1910) Danseuse orientale. Nous sommes ici en plein cliché orientaliste... Le thème de l'Orientalisme a été traité par ailleurs sur Wodka. Fabbi est aussi connu comme illustrateur de romans de Salgari et de Jules Verne.

 

1916. George Apperley (1884-1980) A Dancer of Ancient Egypt. C'est bien sûr une interprétation toute personnelle !

 

1939. Alexandre Guerassimov (1881-1963). La danseuse Olga Lepechinskaïa. Native de Kiev en 1916, elle a été admise en 1925 au Bolchoï où elle a mené une longue carrière de danseuse étoile, interprétant par exemple Aurore dans La Belle au bois dormant et Macha dans Casse-noisette de Tchaïkovski .

 

1950. Marc Chagall (1887-1985). La Danse. Musée Chagall, Nice. - Sous le regard du couple en haut à gauche et du peintre en coq violet à droite, un violoniste à tête d'animal fait danser la femme en vert. Elle tend un bouquet de fleurs et ses bras forment une diagonale qui dynamise le tableau. En bas une ronde évoque aussi la joie.

 

2020. Osnat Tzadok, The Sky is the Limit. La particularité de cette artiste née en Israël, est de s'être fait connaître par Internet, avant de s'établir au Canada.

Les danseuses de Degas

 

1873. Edgar Degas (1834-1917). L’École de danse. Corcoran Gallery, Washington D.C. Les danseuses sont représentées sur trois plans qui illustrent des moments successifs de leur séance de formation.

 

1874. La classe de danse. Musée d'Orsay. Les ballerines à l'exercice ou en répétition sont depuis 1860 un sujet de prédilection d'Edgar Degas. Ici leur professeur est l'ancien maître de ballet Jules Perrot. Symboliques, les chaussons de danse au premier plan.

 

1874. La répétition générale du ballet. Musée d'Orsay.

 

1876. La Danseuse étoile – Rosita Mauri (1849-1923). Le portrait de la danseuse étoile en pleine action est fort gracieux. Pas de danseuse classique sans tutu : le rendu qu'en fait le peintre est très habile.

 

1893. Les danseuses bleues, pastel. collection Chtchoukine, musée Pouchkine, Moscou. Malgré le flou que permet le pastel, on remarque très bien les pointes de la danseuse.

 

Après Degas, voici une artiste qui a beaucoup choisi les danseuses pour sujet :  Zenaïda Serebriakova (1884-1967). Lors de son voyage à Paris en 1905 elle avait été fascinée par les œuvres de Degas sur la danse.

 

1923. Zenaïda Serebriakova. Les ballerines du théâtre Mariinsky. L'artiste ne s'intéresse pas aux représentations des ballets, uniquement à leur préparation.

 

1922. Zenaïda Serebriakova. Ballerines au vestiaire.

 

1924. Dans le vestiaire du ballet du Lac des Cygnes. State Russian Museum. On se prépare certes pour l'œuvre de Tchaïkovski, mais Zenaïda Serebriakova outre la gestuelle et les tutus insiste sur la nudité des corps.

 

1930. Ballet russe de Constantin Somov (1869-1939). Quand Zenaïda Serebriakova a émigré en 1924 pour la France et le Maroc, Constantin Somov avait déjà quitté la Russie depuis un an et c'est à Paris qu'il trouve l'inspiration pour peintre son Ballet russe. Sergei Diaghilev avait créé les Ballets russes à Paris en 1907.

 

Nijinski dans Le Pavillon d'Armide. © Cliché BNF

En s'installant à Paris, les Ballets russes relancent l'intérêt pour la danse. Le 19 mai 1909, le théâtre du Châtelet fait salle comble avec Vaslav Nijinski dans Le Pavillon d'Armide. Plus grands succès encore en 1911 avec Petrouchka, en 1912 Le Prélude à l'après-midi d'un faune et en 1913 avec Le Sacre du Printemps. Danseur et maître de ballet, Marius Petita, né à Marseille en 1918, avait été à l'origine de la notoriété de la danse russe en œuvrant dans les théâtres de Saint-Pétersbourg.

 

Les danseuses de Toulouse-Lautrec

1888. La danseuse espagnole. La Macarona qu'on voit ici se faisait aussi appeler Georgette quand Lautrec la peignait au Moulin-Rouge. Un prince lui offrit une villa à Bécon-les-Bruyères... La vraie Macarrona était la danseuse sévillane Juana Vargas qui dansait le flamenco.

1890. Toulouse Lautrec (1864-1901). Au Moulin Rouge. Philadelphie Museum of Art.

 

1900. Toulouse Lautrec. Marcelle Lender dansant le boléro. Musée du Petit Palais, Paris. On remarque que les danseuses préférées de Lautrec à Montmartre sont toujours des rousses. L'envolée du jupon suffit à suggérer le mouvement.

 

Les danseuses de Kees van Dongen

Le thème de la danse a souvent inspiré van Dongen habituellement classé comme peintre de la vie mondaine. 

1920. Kees van Dongen . La Joie de vivre.

 

1904. Kees van Dongen; Bal au Moulin de la Galette. Musée de Troyes. Le peintre né à Rotterdam habite alors à Paris depuis 1897.

 

1906. Kees van Dongen. Antonia – Surnommée la Coquinera, Antonia Gallardo Rueda (1874-1942) fut une célèbre danseuse qui triompha dans les cafés concerts de la Belle Époque.

 

1910. Kees van Dongen. La danseuse de corde. Coll. part.

 

1906. Kees van Dongen. Les danseuses. Elles s'appelaient Revel et Coco.

1910. Kees Van Dongen (1877-1968). Le Tango. Après avoir séjourné au Bateau-Lavoir depuis 1906, van Dongen a déménagé en 1909 pour habiter en face des Folies Bergère, plus près de l'inspiration. En 1908 il avait temporairement fait partie du groupe Die Brücke (1905-1913) que l'on retrouve avec ces œuvres expressionnistes et leurs couleurs vives.

 

L'Expressionisme, en particulier chez Ernst Kirchner, s'est prêté à la représentation de la danse. Les couleurs vives et les touches de pinceau fort visibles marquent le dynamisme de ces œuvres.

 

1908-20. Ernst Ludwig Kirchner (1880-1938). Danseuses de czardas. Musée d'Art de La Haye.

1914. Ernst Ludwig Kirchner (1880-1938). Danseuse, Brücke-Museum, Berlin.

 

1907-20. Kirchner. Vaudeville Thetaer. Stadelmuseum Frankfurt.

 

1914. Kirchner Couple de danseurs. Museum Folkwang, Essen.On remarque la position très suggestive de la femme-fleur.

 

1915. Kirchner. Danse entre femmes. Pinakothek der Moderne, Munich.Les doigts des mains surdimensionnés donnent la cadence à ces corps squelettiques et nus.

 

1932. Kirchner : Colourful Dance. - Folkwang Museum, Essen.La danse n'est plus que l'expression de corps impondérables.

 

1923-31. Max Pechstein (1881-1955) Danseuse dans un bar. Coll. part.

 

1913. Emil Nolde. Les danseuses aux bougies. Nolde Stiftung, Neukirchen, Slesvig-Holstein. - Le peintre aurait été inspiré par une danse rituelle de Thaïlande.

 

Les danseuses de Picasso

 

1914. Pablo Picasso (1881-1973). C'est la danse qui a permis à Picasso de rencontrer sa femme Olga Khokhlova et la danse a inspiré sa peinture à diverses reprises.

 

1939. La femme au tambourin. MOMA, New York. - Picasso a rencontré Dora Maar quelques années plus tôt : ce serait elle la femme au tambourin.

 

1925. Les trois danseurs de Picasso. Selon certains commentateurs, le tableau montre deux amis proches de Picasso qui ont perdu la tête à cause d'une véritable femme fatale : jadis son ami catalan Casagemas et plus récemment son ami Pichot.


Pour terminer voici quelques œuvres contemporaines représentant chacune trois danseuses. Il est intéressant de voir la répétition du thème qui rappelle celui des Trois Grâces de la peinture européenne classique.

 

1944. William H. Johnson (1901-1970). Three dancers. Smithsonian American Art Museum, Washington.

 

2007. Redas Luciunas, artiste de Lituanie. Trois danseuses.

 

2020. Corinne Malfreyt. Extases. Galerie Charron Paris.

 

Tableau final

 

1993 - Niki de Saint-Phalle (1930-2002), La Danse, sérigraphie. Les Nanas dansent et c'est un clin d'œil final à Matisse...

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