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Au terme de cette magistrale biographie romancée, Alexandra Lapierre confie qu’elle est tombée amoureuse des Gentileschi père et fille, sans doute la plus célèbre famille d’artistes du premier XVIIe siècle. Cela se comprend car ces vies d’artistes sont riches d’aventures. Orazio (1563-1639) a été inspiré par le Caravage et devenu veuf il a appris la peinture à sa fille Artemisia (1593-1653) ; ils appartiennent à cette peinture de l’âge baroque qui retrouve aujourd’hui tout son prestige retentissant comme le rappellent cette année encore l’exposition du Petit Palais sur Ribera et celle, justement, du musée Jacquemard-André concernant notre Artemisia.

 

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Si le livre s’ouvre et se clôt sur les obsèques londoniennes d’Orazio Gentileschi, Alexandra Lapierre en a rythmé les parties avec les œuvres les plus célèbres d’Artemisia reproduites en cahier au milieu de l’édition Pocket.

 

Suzanne et les vieillards révèle au père la valeur de son élève en même temps qu’elle met en scène le regard des hommes pour une belle fille de dix-sept ans. Orazio travaillait au palais Borghèse en compagnie d’Agostino Tassi. C’est donc un proche qui viole la fille de son collègue et ami à l’atelier, quartier de la place d’Espagne. Tassi se retrouve devant la justice en 1612 et pour un temps seulement en prison. L’affaire de mœurs, minutieusement rapportée, et ses conséquences sont placées sous le signe de Judith et d’Holopherne. On sait que Judith aidée de sa servante se fait justice elle-même en décapitant Holopherne. La violence de la scène peut évidemment s’interpréter comme l’écho du traumatisme subi par Artemisia.

 

 

Après le scandale du viol et du procès, Orazio et sa fille ne veulent plus rester à Rome ; ils entament alors deux carrières éloignées d’une de l’autre jusqu’à leur retrouvailles à Londres en 1638. Accompagné de ses fils il va chercher des commandes en Ombrie et c’est une Artemisia mariée au médiocre Pierantonio Stattiesi et bientôt mère qui prend la route de Florence ; l’autrice nous montre comment la jeune femme va briller à la cour des Médicis. A Florence, où elle est reçue à l’Accademia del Disegno, Artemisia ose se représenter nue en Allégorie de l’inclination. Pierantonio ne vit plus avec elle désormais.

 

Tandis que son père rejoint la cour de Marie de Médicis puis la suit à Londres, Artemisia s’installe à Rome, profite de multiples commandes tant elle est maintenant appréciée, et vit entre deux amants : le musicien anglais Nicholas Lanier et le duc d’Alcalà qu’elle retrouvera bientôt à Naples où d’ambassadeur auprès du Saint-Siège et il devenu vice-roi. Entretemps se place un intéressant épisode vénitien : Lanier, qui a été chargé par le roi d’Angleterre Charles Ier d’acheter quantité de peintures italiennes, s’est porté acquéreur de la collection des Gonzague de Mantoue. Les amants l’admirent ensemble, sur l’île de Murano, en avril 1628, avant que tout parte pour Londres. Le séjour dans la cité des doges n’a rien d’un voyage de noces : Lanier est attendu à Londres par sa femme et son royal commanditaire.  Toute à sa passion amoureuse pour Nicholas, Artemisia n’a rien peint durant cette période. Après l’inévitable rupture, elle s’installe à Naples où l’attend le duc d’Alcalà qui lui achètera quelques toiles avant de rentrer en Espagne. L’Allégorie de la peinture est un autoportrait d’Artemisia peint à Naples autour de 1630 et bientôt acheté par le roi Charles Ier. Artemisia se fixe désormais au pied du Vésuve, elle y marie même ses deux filles.

 

Elle doit interrompre son séjour napolitain en 1638 pour aller retrouver son père à Londres, ils ont besoin de se revoir et surtout il a besoin d’elle pour achever la commande de la reine au château de Greenwich : l’Allégorie de la Paix et des Arts. Désormais la renommée les réunit !

 

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L’intérêt de cette biographie ne se résume pas à dérouler la vie d’une artiste renommée. Bien sûr le travail d’atelier est présent : « la térébenthine qui imprègne sa robe, l’odeur de la colle dans ses jupes, de la résine dans ses cheveux, des essences, des vernis, des huiles sur sa peau, ces odeurs-là imbibent sa chair et la pénètrent jusqu’à l’os. »

 

C’est aussi une mère qui a perdu des enfants en bas âge, une catholique en pleine époque de la Contre-Réforme, qui vit séparée de son mari, a des amants mais pas de confesseur !

 

Et puis le roman permet de croiser de nombreux autres artistes et grands personnages de l’époque, ce qui répond bien à l’attente du lecteur de romans historiques. Rome, Florence, Venise, Naples… c’est un voyage dans la création de l’âge baroque et même temps qu’une plongée dans une Europe marquée par les rivalités des puissances où les artistes jouent parfois des rôles de diplomates et d’espions.

 

 

Alexandra LAPIERRE : Artemisia. Un duel pour l’immortalité. Robert Laffont, 1998. En poche : Pocket, 2012, 669 pages. En annexe, nombreux documents dont des dépositions en italien du procès d’Agostino Tassi.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Tag(s) : #HISTOIRE 1500-1800, #BEAUX ARTS, #ITALIE
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