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Nous sommes au Mexique, tout au nord, vers l'estuaire du Colorado. Icamole est un pauvre village déshérité où règne la sécheresse et l'on se prend à attendre une merveille dans le droit fil des nouvelles de Juan Rulfo. Le récit met en scène essentiellement un père, Lucio, et son fils Remigio. Ce dernier, en voulant puiser de l'eau dans son puits — le dernier encore alimenté de tout le village — y trouve le corps d'une petite fille. Après en avoir discuté avec son père, il enterre le corps à l'ombre d'un avocatier. C'est dire que la police est en odeur de sainteté dans ce village !

Par Melquisedec, le paysan qui chaque jour rapporte de  Villa de Garcia un tonneau d'eau sur sa charrette tirée par deux mules, on apprend que la disparue s'appelle non pas Babette comme l'imagine Lucio, mais Anamari. La police enquête dans les environs, vient sur place, rencontre Lucio. Étrangement, Melquisedec
est arrêté peu après... La mère de la disparue vient elle aussi au village, à bord d'un rutilant 4x4, et rencontre Lucio, qui est veuf, pauvre, et tient la bibliothèque du village, dont il est l'unique lecteur. Un lecteur très particulier qui jette dans son enfer privé les livres qui ne lui plaisent pas.
 
  « Il prend une barre de fer et soulève la planche avec laquelle il a condamné l'escalier qui descend dans le cabinet des livres censurés. Les copeaux sautent avec un fracas qui brise la paix de la nuit. Finalement le bois cède et tombe dans cet escalier qu'on n'a pas emprunté depuis des années. Lucio prend une lanterne et descend. Quelques cafards s'enfuient devant la lumière, d'autres continuent leur travail. Il voit les livres empilés, et reste surpris par la quantité d'âmes nées pour être condamnées, âmes qui auraient dû être exterminées bien avant d'arriver à l'imprimerie, âmes de ceux qui ont troqué la plume pour le cocktail, leurs personnages pour leur personne, âmes de ceux qui se laissent détourner par un prix Pavlov, âmes de tous ces fils de pute qui prônent que l'Amérique latine n'a plus rien à donner à la littérature, sauf si elle s'américanise, de ces âmes féminines qui auraient mieux fait de rester assises à coudre, de coucher avec leur homme, d'acheter les légumes du jour, au lieu de s'imaginer qu'on leur a donné la parole pour dire quelque chose de plus que des commérages entre voisines. Lucio marche entre les piles de livres et crache d'un côté et de l'autre. Il approche la lanterne de ses pieds et découvre qu'il marche sur les "Causes perdues", encore un livre d'un brillant fonctionnaire du gouvernement. Il lui donne un coup de pied…»
 
Le procédé par lequel Lucio, le bibliothécaire, récite des passages de romans à chaque étape nouvelle du récit surprend d'abord et intéresse un certain temps. On pense à une influence de Borgès, certainement. Et puis le lecteur est lassé, car il se perd dans les sables du désert d'Icamole, les souvenirs des guerres passées, au temps de Porfirio Diaz, les souvenirs d'Herlinda, l'épouse décédée, et des passages romanesques imaginaires. L'idée paraissait séduisante… 
 
David Toscana est né à Monterrey en 1961. Ce roman a été publié en 2005.

• David TOSCANA. El ultimo lector
Traduit de l'espagnol par F.M. Durazzo. Zulma, 2009, 214 pages
 

 

Tag(s) : #AMERIQUE LATINE, #MEXIQUE
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