Un homme, une femme.
Le film de Shinji Aoyama (2006 - 102 min.) peut surprendre et prêtera à la critique : il est beau mais difficile. L'action se passe à Izu, au sud du pays. Kaoru, une belle femme d'environ 40 ans, attirante et raffinée, vit à l'écart de la mégalopole japonaise, elle prend soin d'un homme plus âgé, aveugle et muet. Cela donne une chronique du quotidien presque ennuyeuse malgré le soin porté à l'image. Et puis le film bascule dans une direction totalement inattendue qui ne peut que désorienter le spectateur.
Suzuki Kyokâ dans le rôle de Kaoru
Mystère historique
De temps à autre, Kaoru laisse son protégé s'éloigner de la maison, vers le port, tandis qu'elle fréquente un bar à la mode où elle fait connaissance d'un jeune couple, Taichi et Eiko. Ceux-ci l'emmènent se promener à l'extérieur du port et lui font connaître une grotte qui servit de refuge à des chrétiens convertis par les missionnaires au XVIème siècle. La population s'est révoltée contre eux, les tuant et incendiant leurs bateaux. L'année suivante, un tsunami fit périr la plupart des villageois. Les survivants aménagèrent cette grotte et furent désormais protégés. Mais revenons au présent : bientôt le vieil homme meurt et Kaoru se retrouve seule et triste. Ses jeunes amis tentent de la réconforter en lui disant que le vieil homme reviendra et ils organisent chez elle une fête, pour sa "libération". Une geisha vient jouer et chanter pour eux une chanson sur l'amour et le couple.
Le lendemain, tous se rendent au port. Scène d'archéologie sous-marine : une figure de proue est remontée à la surface. Celle qui servit de modèle à la sculpture vue dans la grotte. Après cela Kaoru est renversée par une camionnette et hospitalisée. Quand elle revient à Izu l'année suivante, à peine est-elle descendue du taxi qu'arrive un homme : c'est l'aveugle et muet qui a ressuscité. Ils vont vivre ensemble désormais.
Métissage culturel
• Aoyama réalise ainsi une sorte de métissage culturel, notamment religieux entre l'éternel retour bouddhiste et la résurrection chrétienne. Dans la grotte on a entendu une prière à la Vierge. On sait que le précédent film d'Aoyama s'appelle "Eli, Eli, Lema, Sabachthani". Le réalisateur semble donc s'intéresser à la culture juive et chrétienne. Par ailleurs, les rapports de l'homme avec les éléments naturels (l'arbre, la mer, le soleil, la lune) relèvent bien plutôt du shintoisme.
• Sur le plan cinématographique, il veut sans doute aussi rendre hommage à Federico Fellini : lors de la fête organisée pour Kaoru, apparaît un clown bouclé et bariolé et une musique bien latine l'accompagne. Nous sommes à l'ère du multiculturalisme. Mais à la fin de la séance du festival des 3 Continents, du moins ce jour-là, personne n'a applaudi. Dommage !
Criquets (Koorogi)
Film de Shinji Aoyama
2006