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Ainsi que l'avaient annoncé les organisateurs de l'exposition Barbier-Mueller à Genève en 2007, on va pouvoir la découvrir en mars au musée Jacquemart André. C'est à ne pas manquer.

Au début du XXe siècle, le suisse Josef Mueller, collectionneur d'art passionné, a réuni des pièces remarquables, provenant entre autres, d'Afrique et d'Océanie. Sa fille et son gendre, M. Barbier, ont poursuivi sa collecte et ouvert le musée Barbier-Mueller en mai 1977 peu après le décès de Josef Mueller. L'an passé, l'exposition célébrait à la fois le centenaire de la collection et les trente ans du musée. Elle permit de découvrir des objets aussi rares qu'exceptionnels.

 

— AFRIQUE —

 

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  Fig. 1 - Le sceptre au cavalier

 

"Le sceptre au cavalier" constituait l'emblème de l'exposition de 2007. Cette pièce hors du commun, datée des 12-13e siècles, fut découverte dans les années 1950 chez des Nigérians établis au Togo. Ce pays ne restreignant pas l'exportation des biens culturels, les Barbier-Mueller l'acquérirent. Cette statuette provient du royaume d'Ifé, d'ethnie yoruba, un des rares peuples du golfe de Guinée à avoir élaboré un état fort et hiérarchisé. Leur maîtrise des métaux se révèle dans ce petit objet d'une soixantaine de centimètres réalisé en cuivre et en terre. Le réalisme de la représentation, rare en art africain est spécifique des artistes d'Ifé ; seule la disproportion de la tête et du corps du cavalier – type supérieur d'humanité – traduit l'idéalisation et la pérennité du pouvoir royal. La tête constitue, pour les Yoruba, l'essentiel de la personne ; grossie, elle connote la grande force intérieure du souverain, les scarifications de son visage signant l'appartenance à son clan. Ce sceptre, insigne du pouvoir, représente un cavalier tenant lui-même un sceptre : cette mise en abîme théâtralise la puissance, car le chasse-mouches dans les mains du personnage était un objet royal destiné à interrompre les importuns et à scander les débats politiques. L'harmonie des formes en lignes courbes ajoute à l'exceptionnelle qualité de l'objet.

 

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  Fig. 2 - Ornement
 

Sculpture malienne d'époque médiévale originaire du delta intérieur du Niger, cette pièce de onze centimètres reste un chef-d'œuvre technique et esthétique dont la portée symbolique n'est pas encore totalement déchiffrée. Un visage masculin longiligne et anguleux souligné d'une barbe abondante, porte une coiffure tripartite : c'est un homme de haut rang social. On note la disproportion des bras dressés vers le ciel, les pouces tendus. Les manches richement brodées et les bracelets soulignent l'importance du geste : pouvoir et autorité. Les deux montants de cuivre rouge évoquent des armes, les fibres entrelacées à la base de l'objet rappellent la vannerie et le monde agricole. On peut remarquer l'habileté de l'artiste orfèvre qui a su associer le cuivre et le bronze aux clous d'argent et d'étain, tous métaux qui fondent à des températures différentes. La complexité de cette œuvre reflète celle du système socio-politique malien au Moyen-Âge.

 

— OCÉANIE —


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  Fig. 3 - Coupe à kava

Cette coupe anthropomorphe d'origine fidjienne date du début du 19è siècle ; il n'en subsiste plus qu'une petite dizaine. C'est un objet devenu rare car lié aux pratiques religieuses locales interdites par les missionnaires chrétiens au cours du siècle. On y buvait le kava, boisson aux propriétés médicinales préparée à partir de racines de poivrier macérées dans de l'eau. Les prêtres en transe l'absorbaient concentré lors des libations en l'honneur des dieux. Ces coupes restaient accrochées dans le temple. Là encore l'authenticité fonde la valeur inestimable de l'objet.
 

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Fig. 4 - Statuette en pierre

Cette statuette marquisienne en basalte est également une pièce rarissime car elle aussi datée du début du 19e siècle, avant que la christianisation du pays n'interdise les pratiques religieuses traditionnelles. L'artiste a représenté Tiki, le dieu créateur des îles, sous la forme du premier être humain. La sculpture, aux Marquises, relève du sacré : les sculpteurs étaient des spécialistes des rites, ce qui garantissait le pouvoir magique de ces statuettes. En pierre ou en bois, les grands tiki de deux mètres de haut ornaient les mearae – les grandes dalles de pierres où l'on disposait les offrandes aux ancêtres – les plus petits, de trois à seize centimètres comme celui-ci représentaient, suppose-t-on, des offrandes votives. Mais le trou à l'arrière de la statuette permettant de la suspendre laisse à penser que ces petits tiki remplissaient plusieurs fonctions : la guérison des malades, l'assurance d'une bonne pêche, et protégeaient les populations dans leur quotidien. Ces tiki ont aujourd'hui perdu leur pouvoir sacré ; toujours sculptés aux Marquises et vendus aux touristes dans toute la Polynésie, ils constituent une source de revenus appréciable.

• C'est autant l'ancienneté que la force symbolique de ces objets exceptionnels, choisis parmi bien d'autres, qui devraient susciter l'intérêt pour cette exposition du fonds Barbier-Mueller au musée Jacquemard André.

 


Source iconographique : Arts d'Afrique et d'Océanie, fleurons du musée Barbier-Mueller, éd. Hazan, 2007.
Affiche : Musée Jacquemart-André, mars 2008.










 

Tag(s) : #JACQUEMART-ANDRÉ, #BEAUX ARTS, #AFRIQUE, #OCEANIE
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