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Dans une grande famille de vieille ascendance portugaise du Nordeste, embarquée dans des procès sans fin contre la Banque du Brésil —la Cause—, un coûteux collier de 102 émeraudes, unique rescapé du naufrage financier, est à l'origine d'une intrigue serrée permettant à Heloneida Studart de nous présenter la société brésilienne d'une manière très acide.

Quelle fichue famille ! Après le suicide de Maria das Graças Nogueira de Alencar, ses huit cahiers autobiographiques sont expédiés de Fortaleza à sa nièce Mariana, élégante juge, mariée à un riche homme d'affaires carioca, alors que sa soeur Leonor a épousé un universitaire glacial. Le roman se déroule entre le début et la fin de la lecture que Mariana fait de ces cahiers, découvrant pas à pas, atterrée, l'histoire de ses aïeux, de sa mère Mimi et de ses tantes Maria et Melba, tandis qu'en parallèle s'enclenche un nouveau cycle tragique, centré sur la haine de Leonor pour Alfredo depuis leur mariage. Ce roman se place essentiellement du point de vue des femmes et Heloneida Studart souligne fortement la dictature égoïste des mères sur leurs filles.

« À chaque génération de Nogueira, une des filles était préparée pour le célibat dans le but de servir, plus tard, sa vieille mère. À cette élue, on refusait les symboles de la féminité; personne ne lui adressait de galanterie, ne lui offrait un petit bracelet, une paire de boucles d'oreilles, un flacon de parfum. Pour qu'elle soit mieux disposée à son futur sort de vieille demoiselle dédiée à mitonner les soupes et les bouillons de sa mère, on lui interdisait d'aller à la fenêtre, de se rendre à des fêtes ou d'avoir des amis et des confidents.»

C'est ainsi que Maria das Graças aurait dû rester servir sa mère, dona Mimi. Mais quand Melba est cruellement enfermée au couvent du Bon Pasteur parce qu'elle a flirté avec un beau garçon nommé Cid, Maria se révolte secrètement puis ouvertement. Les parents sont intraitables sur la réputation et la virginité des filles à marier. Devenue veuve, dona Mimi a quitté le Nordeste pour Rio avec les décombres de la fortune ancienne. Outre la Cause, elle ne pense plus qu'à ses bonbons, ses robes noires, et ses pendentifs de jais — même quand Leonor risque la prison.
On retrouve ici la plupart des thèmes du magnifique "Cantique de Méméia", y compris l'allusion à la violence de l'autre dictature, celle des généraux des années 1964-1985, qui a enlevé à Mariana son cher Vasco. Romancière engagée, Heloneida Studart y ajoute le thème de la corruption ambiante du Brésil contemporain. Seul un flic y échappe… mais il prend sa retraite anticipée pour aller cultiver son jardin.

 

• Heloneida STUDART - Les Huit Cahiers
Traduit du portugais par Paula Salnot et Iño Riou
Les Allusifs, 2005, 236 pages

➠ Sur le dernier ouvrage traduit de la même auteure : le Bourreau.


 

Tag(s) : #BRESIL
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