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Voici un étonnant essai sur le contact entre les Indiens du Brésil et les Blancs établis sur la côte de Bahia à Rio. Des voyageurs et des jésuites ont publié des récits de leur expérience : Hans Staden en 1557, José de Anchieta en 1563, Pero de Magalhães Gândavo en 1570, André Thevet en 1575, Jean de Léry en 1578, Gabriel Soares de Souza en 1587, Jacome Monteiro en 1610, Claude d'Abbeville en 1614, Ambrosio Brandão en 1618, Antonio Vieira en 1657, Simão de Vasconcelos en 1663, et d'autres témoignages regroupés et publiés par Serafim Leite, historien des jésuites au Brésil, entre 1938 et 1958. C'est dans cet impressionnant corpus, abondamment cité, que l'anthropologue Eduardo Viveiros de Castro a puisé pour mettre en relief quelques traits de la culture des peuples amérindiens regroupés sous l'ethnonyme « Tupinamba ».

 

L'inconstance des Tupinamba c'est d'abord leur intérêt et puis leur indifférence pour le dieu qu'apportaient les jésuites. Les membres de ces tribus indiennes acceptaient avec enthousiasme d'écouter le message de ces étranges missionnaires « assimilés aux chamans-prophètes tupinamba, les karaiba », puis reprenaient à la première occasion leurs habitudes ancestrales de guerre tribale et de cannibalisme rituel. Cette « inconstance de l'âme » serait venue de leur absence de croyance religieuse bien constituée et de leur absence d'Etat, ce qu'on peut résumer d'une formule : « ni roi, ni foi, ni loi ».

 

in La Mission jésuite du Brésil. Chandeigne, 1998

Tout pour la guerre ! Tout pour la vengeance ! Les Tupinambas que connurent les Blancs aux XVI et XVIIe siècles étaient investis dans un cycle de vengeance obligatoire de leurs morts dans des guerres tribales. Venger les morts c'était faire des prisonniers, les tuer après un combat verbal, en fracassant leur crâne, et organiser des ripailles rituelles où l'on consommait l'ennemi. Les femmes s'occupaient de préparer le « vin » ou cauim par lequel tous s’enivraient. Les guerriers changeaient de nom pour tirer gloire des ennemis qu'ils avaient tués et ils pouvaient ainsi réciter leurs exploits et leurs vengeances qui rejaillissaient sur leurs épouses. Le sacrifice des prisonniers engageait les tribus dans des cycles de vengeance qui bâtissaient leur avenir.

 

Tous pourtant n'appréciaient pas de manger la chair humaine. Si le chef Cumhambebe affirmait à Hans Staden « Je suis un jaguar ! » avant de mordre la chair de l'ennemi vaincu, d'autres documents témoignent du dégoût du cannibalisme chez d'autres Tupinamba. Passé 1560, les jésuites avaient assez combattu le cannibalisme ; il faiblit et disparut. Ainsi, finalement, « les Tupinamba perdirent la guerre ».

 

 

Eduardo Viveiros de Castro : L'inconstance de l'âme sauvage. Catholiques et cannibales dans le Brésil du XVIe siècle.

Traduit par Aurore Becquelin et Véronique Boyer. Labor et Fides, Genève, 2020, 173 pages.

 

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Sur les Amérindiens et le Brésil, d'autres comptes-rendus à lire sur ce site :

Le roman de Juan José Saer sur une tribu cannibale, L'Ancêtre.

Le roman de Bernardo Carvalho  sur un anthropologue : Neuf nuits.

L'essai de Stephen Rostain, Amazonie.

L'ouvrage récent de Nathan Wachtel, Paradis du Nouveau Monde.

Le roman de Luiz Antonio de Assis Brasil sur le Brésil colonial, Bréviaire des terres du Brésil.

Armelle Enders : Nouvelle histoire du Brésil.

 

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Tag(s) : #BRESIL, #HISTOIRE 1500-1800
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