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Il y a des sagas familiales qui s'étirent sur des centaines de pages ce qui en fait des romans de l'été, des romans de plage. Milena Agus n'a pas besoin d'une telle accumulation papetière pour réussir son pari et nous émouvoir.

Au moyen de brefs chapitres et d'une écriture douce et suggestive, la narratrice raconte l'histoire de sa grand-mère au moment où elle va à son tour s'installer dans la grande maison de la rue Manno à Cagliari. « En fin de compte, que savons nous vraiment des autres ? » C'est à cette question que Milena Agus fait croire qu'elle répond quand sa narratrice évoque la vie de sa grand-mère en s'appuyant sur ses relations avec les proches, notamment avec le mari qui fréquente les maisons closes, le fils, la petite-fille.

 

Élevée dans un village sarde, « on lui avait appris à ne jamais montrer de joie, et peut être à raison, parce que la seule chose qui lui avait réussi, se marier avec grand-père, lui avait été indifférente et qu'elle n'avait pas compris pourquoi tous ses prétendants se défilaient…»

La grand-mère, l'héroïne aux longs cheveux noirs, souffre du "mal des pierres". Pas d'enfant à cause de cela. Si, un seul, qui a accepté de venir après cette histoire d'amour avec le Rescapé, une histoire peut-être plus rêvée que vécue. Au retour de la cure naquit le père de la narratrice, bientôt musicien de grand renom.

Mais l'héroïne souffrait aussi dans sa tête. Se mutilait. Déchirait ses broderies. Faillit être internée sur le Monte Claro. Voilà pourquoi les prétendants se défilaient. Voilà pourquoi son mariage sans amour avec un veuf du tragique bombardement du 13 mai 1943.

Car cette histoire s'écrit sur un fond d'histoire de la Sardaigne et de l'Italie au XXe siècle. Les Sardes pauvres croient qu'il faut émigrer sur le Continent, à Gênes ou à Milan pour trouver un emploi. Rome a bien lancé un plan de modernisation de l'île, et créé la Cassa per il Mezzogiorno. Quelques pôles industriels, peu d'emplois. Pas un mot du tourisme de luxe qui a commencé à changer la Costa Smeralda à la fin des années soixante. Au Nord, à Milan la riche, les sardignoli affluent et sont méprisés. De quoi regretter les sévères villages sardes de la montagne — et la mer surtout, avec la plage du Poetto et ses cabines de bain colorées.

 

• Milena AGUS - Mal de pierres  - Traduit de l'italien par Dominique VittozLiana Levi, 2006, 123 pages.
 
Paru en Italie en 2006. Aussitôt traduit en français, ce n'est pas si fréquent et mérite d'être signalé !
 
Le premier livre de Milena Agus, "Mentre dorme il pescecane" (Nottetempo, 2005, 176 pages) traite également d'une saga familiale, celle des Sevilia Mendoza, une famille sarde « depuis le Paléolithique supérieur». La narratrice a épousé un homme aux goûts pervers (joyeusement appelé "le sardo-maso" !) ainsi qu'on peut lire sur le site de son éditeur.
 

 

Tag(s) : #LITTERATURE ITALIENNE
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