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Prenez un shaker de grande taille (254 pages). Remplissez-le de vents d'hiver malouins et de lumières acides. Plongez-y des quidam en galère. Assaisonnez de fumées de cigares, d'une pointe de shit. Liez le tout avec des litres de whisky et de vodka. Agitez en larges mouvements contraires. À boire très froid, amer et poisseux.

 

 

On sait l'intérêt d'Adam pour le réalisme social et les petites gens, malmenées par la vie. Ce genre de roman tire sa force de sa brièveté. Mais ici l'excès lui nuit et englue le lecteur dans un feuilleton mélodramatique et monochrome. Pourtant, la plume d'Adam épouse bien le souffle du vent breton qui ballotte entre passé et présent. Il sait faire partager sa passion pour l'horizon malouin et ses ciels sans cesse changeants.

Narrateur : Paul Anderen. En trois parties, trois paliers, entre Septembre et Noël, Adam l'entraîne vers le fond. Sa femme Sarah infirmière, a disparu depuis un an. La police a retrouvé sa voiture et son sac à main. Depuis, rien. Paul reste seul avec Clément, neuf ans, et Marion, cinq. Avant, il écrivait des romans, des scenarii de films. Anéanti, incapable de travailler il quitte Paris pour Saint-Malo, la ville de son enfance, où son frère a repris l'auto-école de leurs parents décédés. Il y donne des leçons sans avoir la licence de moniteur, sans grand sérieux, juste pour subsister.

Paul Anderen, c'est le parangon de l'anti-héros. Il se revoit "gamin colérique, instable et secret”, puis adolescent introverti : il s'accrochait aux filles gentilles, elles l'accrochèrent au shit et à l'alcool. C'est ainsi qu'il suivit Sarah jusqu'à Paris.

Paul survit, s'occupe tant bien que mal de ses enfants. Clément s'enferme dans le mutisme, Marion accumule asthme et cauchemars : "le plus dur c'est l'absence” soupire-t-il. Privé de Sarah, redevenu enfant, Paul s'identifie aux siens : en les consolant il se console. Il perd peu à peu tout repère, se maîtrise mal, devient asocial, renverse le contenu de la cafetière sur le bureau de la directrice de l'école… Naturellement il se culpabilise de la disparition de Sarah, se juge sans complaisance «un adulte ingrat, au caractère impossible, à la capacité invraisemblable à s'engueuler avec la moitié du monde.»  Anderen résiste, grâce à la nature et à l'alcool. Il lui faut l'espace battu des vents ; il s'en nourrit. «J'ai grignoté des branchages, goûté la terre, sucé des cailloux.» C'est son refuge d'enfance, il s'y abandonne jusqu'à la tentation de s'y "dissoudre" pour tout finir, en mer. L'alcool lui constitue une "armure”, le "blinde” et lui permet de nouer d'illusoires amitiés avec des hommes et des femmes encore plus “paumés" que lui mais qui tous — sauf un — résistent aux "vents contraires". Puis vient le fond... On ne dévoilera pas la fin de ce roman noir, même si l'auteur la laisse ouverte.

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Olivier Adam révèle bien dans ce roman l'âme bretonne, toujours secrète et sombre. Il réunit des personnages tous victimes d'un traumatisme affectif : le manque — d'enfant, de conjoint, de père ou de mère — tous le subissent. Même s'ils font face un temps à la galère socio-économique où le choc les a entraînés, leur faiblesse intérieure les voue à l'échouage et la déploration. « Le bonheur toujours nous échappe et ne prend sa forme qu'au passé.» Quelle découverte ! Il aura manqué d'introduire dans l'élaboration des caractères les beaux clairs-obscurs du ciel malouin : l'équilibre des contraires aide à mieux voir.

Olivier ADAM. Des vents contraires

Éditions de l'Olivier, 254 pages, janvier 2009.

 

 

Tag(s) : #LITTERATURE FRANÇAISE
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