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Si la présence des Juifs, sans doute bien antérieure, est seulement attestée vers les années 1300, il faut attendre 1516 pour qu'un quartier de Venise soit affecté aux Juifs formant la "Natione Todesca". À ces Juifs askhénazes s'ajoutèrent vite tant les Sépharades, Juifs ibériques et les marranes, ainsi que les "Levantins". Ils constituaient ainsi trois groupes distincts voir rivaux au sein de la communauté juive, enfermée dans le ghetto jusqu'en 1797 quand, suite à la guerre d'Italie du Directoire, les portes en furent brûlées et les Juifs proclamés égaux aux autres citoyens de Venise.

Le ghetto originel

Avant de désigner partout les quartiers juifs, le terme "ghetto"  tire son étymologie de l'ancienne forge du quartier nord de Venise — à ne pas confondre avec l'île de la Giudecca, où, paradoxalement, les Juifs n'ont pas habité, bien qu'en mars 1515 Zorzi ait demandé au conseil des Pregadi  d'y regrouper les Juifs. Simplement, le 20 mars 1516, Zaccaria Dolfin obtint qu'ils soient groupés dans le Ghetto Novo, ancienne fonderie désaffectée de la paroisse San Girolamo dans le quartier Cannaregio.

 

Carte de Venise - 1910


Après la peste de 1630 qui emporta le tiers de la population, c'est dans la suite du XVIIe siècle que la communauté atteignit son apogée démographique soit 5 000 et quelques personnes. Le ghetto fut aggrandi en 1633 avec le Ghetto novissimo, contigu à l'ancien Ghetto. Lorsque Venise fut rattachée au Royaume d'Italie en 1866, les Juifs vénitiens n'étaient plus que 2 000 et leurs effectifs continuèrent de décroître. Entre septembre 1943 et avril 1945, deux cents Juifs vénitiens ont péri lors de la Shoah. L'historien Riccardo Calimani — qui semble avoir eu des ancêtres juifs vénitiens — détaille particulièrement l'histoire du ghetto selon deux axes : ses relations avec la Sérénissime au XVIe et au XVIIe siècles, ses grands hommes.

Les Juifs et l'économie vénitienne

Jusqu'au milieu du XVIIe siècle, la Sérénissime menaça sans cesse d'expulser ses Juifs, toujours soupçonnés de pervertir les chrétiens et de faire le jeu du Grand Turc. Pour y participer à la vie économique (activités bancaires et commerce maritime) ils durent donc accepter des statuts précaires, discriminatoires (cf. obligation du port du béret jaune), coûteux et changeants selon la conjoncture politique et économique. À partir de la fin du XVIIe siècle, ce fut le contraire : la République de Venise qui les pressurait d'impôts pour tenter d'éviter la faillite craignit de les voir partir avec leur fortune mobilière et chercha à les retenir ; les conditions de leur séjour vénitien se firent moins rigoureuses et les Juifs obtinrent quelques "privilèges". Mais cela n'empêchera pas la décadence joyeuse de la cité de Casanova et du Canaletto de se poursuivre.

Parmi les grandes figures juives de Venise on compta des marchands en relation commerciale avec l'empire turc. Le plus célèbre d'entre eux fut le marrane Joseph Nasi qui finit par quitter Venise pour Constantinople où le pouvoir turc le fit duc de Naxos. [Ci-contre, Gracia Nasi]. Malgré la victoire de Lépante (octobre 1571), la perte de la Crète, puis celle de la Morée (1718) ruina le commerce vénitien désormais réduit à un espace régional.

Venise, capitale de la culture juive

Se tournant du coté des intellectuels, l'auteur nous montre un milieu proche des Humanistes au XVIe siècle avec Isaac Abrabanel puis Simone Luzzatto, né en 1583 et chantre de la présence juive à Venise. L'imprimerie se développait sous l'impulsion des Juifs. Daniel Bomberg publia les douze volumes du Talmud de Babylone en 1510-1523. Le pape Jules III réagit : en 1553, on brûla les Talmud sur la place Saint-Marc...

Parmi les nombreux rabbins qui ont illustré la vie du ghetto, Léon de Modène né en 1571 est le plus connu, y compris pour son incroyable penchant pour le jeu où il perdit une fortune ! La communauté de Venise fut passionnée par l'aventure de Shabbataï Zvi dont le bras droit, Nathan de Gaza, séjourna à Venise, et elle fut secouée par la conversion à l'islam du faux messie. Au siècle suivant, Mosè Chaim Luzzatto, né à Padoue en 1707, il devint mémorable pour son mysticisme qui lui valut l'excommunication les rabbins de Venise en 1734. À la suite de cela, il décida de se rendre à Amsterdam, puis en Palestine où la peste l'emporta. Néanmoins il influença les groupes hassidiques de Pologne et de Lituanie, avec Gaon Elia de Vilna (1720-1797) et jusqu'au poète contemporain Bialik (1873-1910).

En somme, un livre érudit, dont la lecture est facilitée par un glossaire de terme hébraïques. Pour la localisation plus précise du ghetto : on peut recourir à "Venise", collection "Les Carnets du Voyageur" chez Gallimard, ou à Google Maps et demander " Venezia Ghetto Vecchio".


 

• Riccardo CALIMANI. Histoire du ghetto de Venise. Traduit de l'italien par Salvatore Rotolo. Tallandier, "Texto", 2008 (© Rusconi 1985), 358 pages.

 

Liste des ouvrages de R. Calimani (en italien)

 

 

Tag(s) : #ISRAEL et MONDE JUIF, #VENISE
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