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« Du sang, de la boue et du sperme. » Voilà, selon la formule parodique de la prière d'insérer, sur quoi Paris s'est bâti. Au vu de la couverture, titre-choc et illustration explicite, on est fondé à envisager la rencontre de mauvais garçons et de vilaines filles à chaque coin de rue, d'alcolos et d'homos à tous les caniveaux. Mais les bas-fonds et les classes dangereuses se gardent bien d'envahir ce qui est d'abord une une agréable histoire populaire de Paris jusqu'en 1800 — un exploit pour le grand public. Pour le Paris des années 1200, ça dispense —presque— de lire l'ouvrage remarquable de John W. Baldwin, qui est probablement utilisé mais pas cité.

L'auteur remonte à un lointain passé au moins celtique où l'on trouve de fait la boue des bords de Seine pour expliquer le nom de Lutèce. Suite à quoi, et pour qu'on ne se perde pas en chemin, il déroule le tapis, chronologique et rouge de sang, des rois de Clovis à Louis XVI, soulignant au passage leur incompétence répétée en matière politique et financière. Autrement dit, il leur manquait la lecture quotidienne du Financial Times. Mérovingiens, Capétiens, Valois et Bourbons, chaque "race" de nos rois a marqué l'histoire de Paris et généralement pour le pire. Ajoutée au sens des formules,  la "british touch" déployée par cet auteur aussi dandy que dilettante, vient adoucir la rigueur cartésienne d' analyses historiques solidement réparties en quatre périodes que rythment des dates-clés : 987, 1460, 1699. Le lecteur aura certainement reconnu la pertinence du tournant de 987, quand Hugues Capet inaugura une jolie série de règnes auxquels les Sans-Culottes de l'An I apporteront un terme républicain. Pour les autres dates charnières ?  Mystère.

Bon an, mal an, on voit donc croître Paris. On y bâtit des églises. On rajoute des remparts, des fortifications. Jusqu'au mur des Fermiers généraux, ce "mur murant Paris qui rend Paris murmurant" et explosif en 1789. Mais si vous vous attendez à voir les Parisiens se mouler dans leur rôle de râleurs, de mangeurs et de dragueurs, et les Parisiennes dans celui d'aventurières du sexe et de la conversation, vous resterez sur votre faim, just a little. Nul doute que ce bouquin ait rencontré le succès auprès des lecteurs anglo-saxons, en supposant qu'ils se contentent de promesses d'histoires croustillantes. Non pas qu'elles manquent systématiquement, non. Ainsi semble-t-on apprendre que c'est parce que sainte Geneviève était si anorexique qu'Attila n'est pas venue la violer et contourna Paris par le Sud. Globalement, voilà une charmante collection de clichés, d'oublis, de préjugés et de bons mots. Pour le Grand Siècle
particulièrement —je veux dire le XVIIIè siècle— la fonction de "guide du routard" est bien remplie avec adresses des bordels et des troquets à ne pas manquer. Merci à Nicolas Rétif de la Bretonne et à Louis-Sébastien Mercier sans qui ce chapitre serait un peu terne.

On apprendra ainsi beaucoup de choses à lire cette histoire qui tente, à chaque moment, de mettre en évidence des personnages évocateurs, même si la morale n'est pas sauve. On verra aussi que la provocation que semble ambitionner l'auteur n'est souvent que de la bière éventée.

Andrew HUSSEY
Paris, ville catin

Des origines à 1800
Max Milo, 2007, 285 pages. 

 

Tag(s) : #HISTOIRE GENERALE
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