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Deux savants passionnés, Jean-Paul Démoule et Alain Schnapp, retracent dans cet ouvrage bien documenté l’évolution de la politique archéologique française et le destin tourmenté du patrimoine archéologique en France. Les raisons en sont multiples.
Les chercheurs français souffrent du complexe de Pausanias : ils ont tendance à regarder à l’étranger plus que sur le sol national. Alors que dès le 16° siècle les Italiens cherchaient les traces de leur passé sur leur sol, les érudits français ont été réticents à pratiquer des approches de terrain : ils préféraient les textes et toutes les sources écrites. A partir du 17° siècle ils ont reconnu que les pierres avaient plus d’importance que les livres pour comprendre le passé car « le sol est un livre d’histoire qu’il faut observer ». Même si la Révolution a donné un impact à l’archéologie en France, entre les politiques et les archéologues ce furent quatre siècles de crises et de conflits.
Si l’archéologie préventive est née vers 1968 c’est grâce aux archéologues et aux collectivités territoriales plus qu’au ministère de la Culture. Les carences de l’Etat sont flagrantes, comme son mépris de l’archéologie nationale. Si la loi sur l’archéologie préventive a finalement été votée en 2001 et si le sauvetage du patrimoine national a bien progressé, il reste toujours « la déconsidération permanente pour un passé méprisé » selon les auteurs. Cette négligence de l’Etat tiendrait « au refus de la France d’assumer son passé » : un véritable « refoulé national ». C’est le rejet de ce que l’archéologie préventive révèle : les Gaulois n’étaient pas des sauvages mais une société organisée ; le Moyen-Age ne fut pas une longue nuit mais une « révolution industrielle » ; et les grands rois qui ont fait la France étaient d’origine germanique ! Les élites politiques ne veulent pas voir ce passé et lui préfèrent celui qu’a reconstruit le roman national.
Cet ouvrage très riche d’exemples et nourri de citations reste cependant aisé à la lecture, ce qui n’est pas le cas en général dans ce genre d’essai.
• Jean-Paul DEMOULE et Alain SCHNAPP : Qui a peur de l’archéologie ? – Les Belles Lettres, 2024, 346 pages.
Lu par Kate