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Dans l'immense corpus de tableaux représentant un livre, tant comme sujet principal que comme détail, on peut distinguer deux grands ensembles : d'une part la peinture religieuse où le livre est Le Livre, base de la croyance et de la pratique, et d'autre part la peinture profane, particulièrement importante depuis le XIXe siècle, où la distinction sociale et l'intime se signalent à notre attention.

 

LA PEINTURE RELIGIEUSE

 

Marc Chagall (1887-1885). La Torah. 1970. Vente collection Neumann, Stockholm, 2016.

 

D'abord rouleau comme le restera la Torah, le livre est devenu codex, prenant sa forme moderne au IVe siècle. Jusqu’au XVIe siècle le Livre constitue la représentation symbolique de la parole de Dieu. L’Église confère à la Bible son statut et son autorité : elle incarne et représente la foi chrétienne : en la lisant la Vierge et les Saints en sont transfigurés.

 

Les Annonciations

 

 Ce Livre ouvert symbolise la vérité répandue et propagée. Marie lit la Bible quand l'archange Gabriel vient lui apporter le message divin; elle a été choisie pour donner naissance au fils de Dieu: la scène révèle ce qu’elle lit : l’événement est en conformité avec la prophétie. C'est l'Annonciation.

 

Atelier de Robert Campin (1378-1444). Détail du Triptyque de l'Annonciation de Mérode, vers 1430. Metropolitan, The Cloisters collection, New York. Une autre version existe à Bruxelles au Musée Royal des Beaux Arts. Marie très concentrée sur Le Livre ne semble guère écouter l'archange.

 

Leonard de Vinci (1452-1519). Détail de l'Annonciation, 1472, Les Offices, Florence. C'est dit-on un tableau de jeunesse de Léonard produit dans l'atelier de Verrocchio. La Bible semble avoir été souvent feuilletée par les doigts graciles de Marie.

 

Piero della Francesca (1412/20-1492). Partie supérieure du Polyptyque de saint Antoine, vers 1465, Perugia, Galerie nationale d'Ombrie. Dans cette Annonciation, la Vierge s'est levée, tient la Bible et d'un doigt marque sa page comme si l'apparition de l'Archange venait troubler sa lecture.

 

Dans d'autres Annonciations, la Vierge a seulement une Bible ouverte à la main ou à côté d'elle. À la différence des précédentes représentations, elle paraît attentive à la parole de l'Archange. Touchée par l'Esprit Saint elle se soumet humblement. On peut remarquer la petite taille du Livre : il n'est qu'un intermédiaire entre la Vierge et Dieu .

 

Lorenzo Monaco (1370-1425). Annonciation, 1424, Santa Trinita, Florence.

 

Fra Angelico (1387/1395 - 1455). Annonciation, 1434, retable du musée de Cortone, province d'Arezzo.

 

Alejo Fernandez (1475-1545). Annonciation, 1508, Musée des Beaux-Arts , Séville.

 

Lorenzo Lotto (1480-1558). Annonciation, 1532, musée de la Villa Colloredo Mels, Recanati, province de Macerata, Marches. Ici le peintre a donné forme humaine à Dieu ; Gabriel d'un geste autoritaire semble contraindre la Vierge qui tourne le dos au Livre. La violence dans cette Annonciation surprend le spectateur.

 

Toutefois c'est une représentation anachronique d'une scène antique. Si le codex remplace le rouleau dans ces tableaux d'histoire sainte c'est que le chrétien du XVe ou XVIe siècle n'aurait pas compris devant des tableaux représentant la Vierge ou les Évangélistes, de voir la Bible autrement représentée que selon l'usage qu'il en avait. Le codex n'est donc plus anachronique dans les tableaux représentant les Pères de l’Église : saint Augustin d'Hippone (350-430), saint Jérôme le traducteur de la Bible du grec vers le latin (347 -420), saint Ambroise (339-397), saint Grégoire de Naziance (339-390).

 

La Sainte Famille, Jésus et les Évangélistes

 

Marie, Joseph et l'enfant Jésus :  la sainte famille est souvent représentée à la Renaissance.

Rembrandt van Rijn (1606-1669). La Sainte famille, 1645, Musée de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg. Rembrandt peint une jeune maman attentive au sommeil de son bébé, et qui tient un large livre ouvert devant elle, tandis que dans l'ombre Joseph s'occupe à son métier de charpentier — le tout sous le regard des anges... Cette scène familiale réaliste pouvait permettre aux fidèles d'accéder au mystère originel.

 

Fra Angelico. Conversation sacrée. 1439. Tempéra sur mur, couvent de San Marco. Florence. A droite, saint Dominique. C'est le type même de la « conversation sacrée » ou « sainte conversation » où la Vierge et l'Enfant Jésus figurent en compagnie de personnages d'une époque postérieure  porteurs du texte sacré, ainsi saint Dominique qui vécut au XIIIe siècle.

 

Giovanni Bellini (1430-1516). La Vierge, l'Enfant Jésus et quatre saints. 1505. Retable de San Zaccaria, Venise. Autre "conversation sacrée": Debout, de gauche à droite : saint Pierre, sainte Catherine d'Alexandrie, sainte Lucie, et saint Jérôme.

 

Vittore Carpaccio (1485-1526). Vierge à l'Enfant avec saint Jean Baptiste. Vers 1500. Städel Museum, Frankfurt. Jésus enseigne la Parole sacrée au petit saint Jean très attentif, le doigt pointé.

 

Albrecht Dürer (1471-1528). Jésus et les Docteurs, 1508. Thyssen Bornemisza, Madrid. Tous les personnages, même Jésus, ont des mais énormes et prédatrices, comme prêtes à protéger la Loi.

 

Albrecht Dürer. Jésus et les Docteurs de la loi dans le Polyptyque des Sept Douleurs de la Vierge, vers 1495, Gemäldegalerie des Alte Meister, Dresde.

 

Les Évangélistes et — ci-dessous les Pères de l’Église — sont garants de l’autorité de la parole divine. Dans ces représentations religieuses le Livre est le point focal.

 

Les Pères de l’Église

 

Le codex n'est plus anachronique dans les tableaux représentant les Pères de l’Église  : saint Augustin d'Hippone (350-430), saint Jérôme le traducteur de la Bible du grec vers le latin (347 -420), saint Ambroise (339-397), saint Grégoire de Naziance (339-390).

 

Jacob Jordaens.(1593-1678). The Four Father of the Latin Church. c.1625. Coll. privée. Œuvre auparavant attribuée à Rembrandt.L'ascète Saint Jérôme donne lecture de la Bible aux autres Pères : l'un d'entre eux semble plus intéressé.

Albrecht Dürer. Saint Jérôme dans le désert. c.1496. National Gallery, Londres. L'histoire du lion qui, une fois soigné, devient l'animal de compagnie du saint provient de la Légende dorée composée par Jacques de Voragine au milieu du XIIIe siècle. Dépouillé de ses atours, le saint médite ; les pages froissées du Livre révèlent son importance pour le saint homme.

 

 

Atelier de Rogier van der Weyden (1399-1464). Saint Jérôme au désert. 1450. Detroit Institute of Art.

Niccolo Antonio dit Colantonio (actif entre 1440 et 1470). Saint Jérôme retirant l'épine de la patte du lion. Musée Capodimonte. Jérôme de Stridon qui a traduit la Bible grecque (dite des Septante) en latin (la Vulgate) est le saint patron des traducteurs, des archivistes, des libraires.

 

Jan Van Eyck (1390-1441). Saint Jérôme dans son cabinet de travail. 1442. Detroit Institute of Art. Saint Jérôme est régulièrement représenté vêtu de rouge : le chapeau et la toge sont les attributs de la dignité de cardinal que le pape Damase lui aurait conférée — autre point anachronique car si le cardinalat est mis en place vers l'An Mil, saint Jérôme est décédé, on l'a dit, en 420.

 

Antonello da Messina.(1430-1479). Détail de : Saint Jérôme dans son cabinet de travail. 1474. National Gallery, Londres. Et toujours des livres sur les étagères.

Anonyme néerlandais, d'après Marinus Van Reymerswaele (1490-1546). c.1550. Musée des Beaux Arts de Reims. Saint Jérôme relit ici un passage de l’Évangile de Matthieu qu'il a traduit en latin. Mais le tableau est aussi une vanité.

 

 

Vittore Carpaccio (1455-1526). Vision de saint Augustin. Vers 1502-04. Scuola de San Giorgio degli schiavoni, Venise. Commandé par le cardinal Bessarion — qui aurait prêté ses traits au saint — le tableau montre un cabinet d'érudit de la Renaissance plutôt que du IVe siècle.

Michael Pacher (c.1435-1498). Saint Augustin et le diable. Retable des Pères de l’Église. 1480. Alte Pinakothek, Munich. Ici le Diable vient tenter le Saint en lui présentant le livre des vices : le Saint s'en protège par le geste de bénédiction.

 

Matthias Stomer (1600-1660). Portrait de saint Ambroise de Milan. 1633-39. Musée des Beaux-Arts, Rennes. Célèbre pour ses ouvrages doctrinaux, il a aussi laissé des lettres et des oraisons : le représenter écrivant à la plume est donc logique.

 

Claude Vignon (1593-1670). Saint Ambroise de Milan. Vers 1623. Minneapolis Institute of Arts. Une version amputée existe au musée d'art de Senlis.

 

De nombreux autres saints ont été représentés au milieu des livres. Voici l'exemple de Thomas d'Aquin, le célèbre théologien du XIIIe siècle.

 

Francisco de Zurbaran (1598-1664). Apothéose de saint Thomas d'Aquin. 1631. Musée des Beaux Arts, Séville. Avec près de 5 mètres de haut, ce tableau ornait le retable du monastère dominicain. Il se compose de deux niveaux : en bas c'est la fondation du collège des Dominicains en 1517 en présence de l'empereur Charles-Quint ; en haut le saint théologien est entouré des Pères de l’Église occupés à contrôler des points de doctrine.

 

Avec la Réforme protestante, la Bible reste une référence incontournable dans la peinture religieuse.

Rembrandt. Le prédicateur mennonite Anslo et son épouse. 1641. Gemäldegalerie, Berlin. Cornelis Claesz. Anslo (1592-1646) est un riche homme d'affaires hollandais et en même temps un prédicateur mennonite, une branche des baptistes. Anslo est peint avec une large Bible posée sur un lutrin, en compagnie de son épouse Aeltje Gerritsdr. Schonten. On notera l'importance de la main qui souligne l'exhortation religieuse qu'il tient à sa compagne.

 

Salomon Koninck (1609-1656). L'Ermite. 1644. Gemäldegalerie Alte Meister, Dresde. Sans doute l'ermite étudie-t-i la Bible.

 

Hans Memling (1435/40-1494). Portrait de Benedetto Portinari (1466-1551). Constitue la partie droite du Triptyque dit de de Benedetto Portinari. 1487. Galerie des Offices, Florence. Ce triptyque a été commandé à Bruges par Benedetto Portinari qui était conseiller de Charles Quint. Son cousin Tommaso a commandé à Hugo van der Goes l'œuvre connue sous le nom de Triptyque Portinari (1475). Les Portinari, florentins, sont connus pour avoir été banquiers des Médicis au XVe siècle.

Ce portrait d'un chrétien en prière termine la partie religieuse de cette présentation.

 

 

LA PEINTURE PROFANE

 

Du livre des sciences et des savoirs

 

À partir de la Renaissance le livre désacralisé et multiple devient la métaphore de la connaissance et de la sagesse mais aussi un signe de statut social : un faire-valoir qui caractérise son propriétaire, souvent masculin : l’écrivain, l’auteur dramatique .

 

Jacopo de' Barbari (c.1445-1516). Luca Pacioli et son élève Guido de Montefeltre. 1495. Capodimonte. Le maître apparaît concentré tandis que l'élève regarde le spectateur. Lui-même mathématicien, le franciscain Luca Pacioli est connu pour la première traduction du latin vers l'italien des Éléments d'Euclide, traité traduit de l'arabe vers le latin deux siècles plus tôt : ainsi lit-on EVCLIDES sur le bord de l'ardoise.

 

Quentin Metsys (1466-1530). Le prêteur et sa femme. 1514, Louvre. Également appelé : Le joailler et sa femme ou encore : Le changeur et sa femme, ce qui semble plus approprié. La femme feuillette un livre de piété : au souci matériel s'oppose celui de l'âme.

 

Le détail sur le livre montre que la femme du changeur ne feuillette pas un livre de comptes mais bien un livre de piété illustré avec la Vierge et l'Enfant Jésus.

 

Bernard van Orley (c.1492-1542). Portrait du médecin Joris van Zelle. 1519. Musée Royal des Beaux Arts, Bruxelles. Sur le livre ouvert : IN PRIMIS DEO GRATIAS / AGAMUS SICUT SUI ORDINIS... Il s'agit de l'incipit du livre d'Avicenne (980-1037), Liber Canonis. Médecin de la ville de Bruxelles, Joris van Zelle possédait une bibliothèque de 32 livres. Le médecin prend des notes et réfléchit : le livre enrichit ses connaissances. Il est ainsi représenté comme un véritable humaniste.

 

Cornelis de Man (1621-1708). Portrait du pharmacien Ysbrand Ysbransz. dans un intérieur. c.1667. The Leiden Collection, New York. Dans ce tableau qui tient de la vanité, le pharmacien qui sera élu municipal et bourgmestre d'Amsterdam montre son goût pour la musique : devant le violon on voit un recueil de pièces pour violon, de Tarquinio Merula, dédié au comte de Crémone Niccolo Ponzoni en 1651...

 

• Jan Lievens (1607-1674). Portrait d'Anna Maria van Schurmann. 1640. National Gallery, Londres. Anna Maria van Schurman (1607-1678) est une érudite des Provinces-Unies qui revendiquait le droit des femmes aux études universitaires et publié en 1638 un traité dans ce but. Elle était aussi appréciée comme poétesse et pratiquait plusieurs langues.
 

 

Caspar Kenckel (1650-1724). Portrait de Olof Rudbeck aîné (1630-1702) qui est un anatomiste et médecin suédois peint en 1687. Nationalmuseum, Gripsholm Castle. C'était aussi un savant qui prenait la Suède pour l'Atlantide et le suédois pour la mère de toutes les langues...

 

Willem van den Helm (c.1625-1675). L'architecte de la ville de Leyde avec son épouse Cornelis van der Schelde et leur fils Leendert. 1656. Rijksmuseum, Amsterdam. L'architecte tient le compas et un volume et semble perdu dans ses réflexions.

Cornelis Bega (1631-1664). Un Astrologue. 1663. National Gallery, Londres. Le grimoire ouvert semble bien usagé, en signe de l'expérience du personnage.

Johannes Vermeer (1632-1675). L'Astronome. 1668. Louvre. Un livre d'astronomie est ouvert, identifié comme œuvre d'Adriaen Metius, republié en 1661. Avec le Géographe, c'est le seul autre tableau de Vermeer représentant un homme seul.

 

Joseph Wright of Derby (1734-1797). L'Alchimiste découvrant le phosphore. 1771. Derby Museum. Le phosphore a été découvert en 1669 par l'alchimiste allemand Hennig Brand alors qu'il cherchait la pierre philosophale. Au-dessus de la cornue s'empilent les livres du savant.

Jean Siméon Chardin (1699-1779). Un chimiste dans son laboratoire. 1734 Louvre. Tableau également appelé : Portrait du peintre Joseph Aved (1702-66), portraitiste et marchand d'art dont Chardin aurait été élève.

 

Pierre Paul Rubens (1577-1640). Les quatre philosophes. 1611. Galleria Palatina, Palais Pitti, Florence.  Autoportrait de Rubens (deuxième en partant de la gauche) avec son frère Filip Rubens, Justius Lipsius, et Jan van den Wouwer, et le buste de Sénèque. Après la mort de Lipsius, c'est van den Wouwer — alias Johannes Woverius — qui publia ses traductions des œuvres de Sénèque et de Tacite.

Luigi Zuccoli (1815-1876). Les Bibliophiles ou Gli Studiosi. 1866. Fondation Cariplo, Milan. Les personnages émergent à peine de tous ces vieux grimoires.

 Le livre, la transmission, l'école

 

En famille comme à l'école, le livre symbolise la transmission du savoir.

 

• Paul Delaroche (1797-1856). L'enfance de Pic de la Mirandole. 1842. Musée d'Art de Nantes. Giovanni Pico, né au château de Mirandola près de Modène en 1463 et mort à Florence en 1494, est le type même de l'humaniste néoplatonicien adepte de Marsile Ficin. Il est aussi connu pour sa précocité intellectuelle, sa condamnation des astrologues et sa proximité avec Savonarole.

 

Jan Steen (1625-1679). L'école du village. 1664. National Gallery of Ireland, Dublin. Le maître punit l'enfant qui a arraché une page...

 

John Singleton Copley (1738-1815). William Vassall and His Son Leonard. c.1771. De Young Museum, San Francisco. William Vassall (1715-1800) est né sur la plantation familiale à la Jamaïque, produisant sucre et rhum, et il s'établit à Boston y menant une vie luxueuse. L'enfant interpelle son père à propos de sa lecture.

 

Jean Geoffroy (1853-1924).  En classe. Le travail des petits. 1889. Ministère de l’Éducation nationale, Paris.

 

Gueli Korjev (1925-2012). La Leçon particulière. The Institute of Russian realist Art. Moscou. L'enfant peine à lire, la vieille femme l'encourage...

Nature morte et vanités

 

Le livre est polysémique et rappelle la vanité de toute connaissance puisque tout lecteur est mortel.

À la différence des autres tableaux, dans les natures mortes et les vanités le spectateur peut lire le titre sinon le contenu des pages très froissées d'avoir été beaucoup consultées et usées par le temps.

 

Jan Davidszoon de Heem (1606-1664). Nature morte aux livres avec violon. 1628. Mauritshuis, La Haye. Au centre, le livre du poète populaire Gerbrand Adriaenszoon Bredero (1585-1618), Treur-spel van Roddrick end Alphonsus, publié en 1616. À droite, un livre de Jacob Westerbaen (1599-1670), Minnedichtent, ouvert sur la page titrée : Kusiens. Clachten, œuvre de poésie galante.

 

Damien Lhomme (?). Vanité. Vers 1640 — Kunstmuseum des Landes Sachsen-Anhalt. Halle an der Saale. Sur le livre ouvert, page de gauche un dessin illustre la Cène, page de droite on lit « CHRIST ETAIT MA VIE ET MOURIR EST MON GAIN » (Épitre de Paul aux Philippins, 1.21). Au premier plan un « Traité de la puissance de la mort »... Le peintre est appelé Le Maître de l'Almanach en raison d'une Vanité du Musée de Troyes où figure un almanach daté de 1641 conçu par Damien Lhomme et sans doute imprimé par lui — mais le tableau n'est probablement pas  son œuvre...

 

Jan Vermeulen. Livres et instruments de musique. Huile sur bois. Musée d'Art, Nantes. Peintre actif à Haarlem entre 1638 et 1674. La encore, le propre des livres dans les Vanités du XVIIe siècle est leur allure usagée, preuve du temps qui passe inéluctablement, ce que souligne encore le sablier situé à gauche à l'arrière-plan.

 

Evert Collier (1642-1708). Vanitas. Still Life. c.1664. Stedelijk Museum De Lakenhal, Leyde. A gauche, l'ouvrage de Flavius Joseph sur l'histoire des Juifs, édité à Anvers en 1501. A droite, Le Sepmaine, ou Création du Monde, du poète calviniste Guillaume Salluste du Bartas dans une traduction néerlandaise de 1622. Au premier plan c'est un livret, Cupidoos Lust-Hof, édité à Amsterdam en 1662.

 

Christian Luyckx (1623-après 1657). Vanitas. Still Life. Vers 1660. Vente Christie's en 2005. Également attribué à Simon Renard de Saint-André. - Livre ouvert sur le premier chapitre de L'Imitation de Jésus Christ, manuel de dévotion rédigé vers 1411 par le moine hollandais Thomas a Kempis qui est au XVIIe siècle l'un des livres les plus imprimés après la Bible.

 

Simon Luttichuys (1610-1661). Vanité. 1635-40. Musée National de Gdańsk. Au premier plan un traité d'alchimie d'Andreas Libavius, Syntagmatis selectorum..., imprimé à Francfort en 1613 par Nikolaus Hoffmann.

William M. Harnett (1848-1892). The Banker's Table. 1877. Metropolitan Museum, New York. Titre du livre : British Poets. Né en Irlande, le peintre émigra aux États-Unis où il se fit connaître par ses natures mortes et ses trompe-l'œil.

 

• William M. Harnett. Music and Litterature. 1878. Albert Knox Art Gallery, Buffalo, NY.

 

John William Waterhouse (1849-1917). The Crystal Ball. 1902. Coll. privée. La jeune fille a délaissé le livre pour la boule de cristal, serait-elle inquiète de sa propre finitude ?

​​

Henri Matisse (1869-1954). Nature morte avec livre et bougie. 1890. Coll. privée. - Le temps  a éteint la flamme de la bougie, interrompu la lecture et écorné les livres...

Henri Matisse. Nature morte aux Pensées de Pascal. 1924. Coll. privée. Sont-ce les Pensées de Pascal qui confèrent aux fleurs leur vivacité ?

Dmitri Annenkov. Nature morte. Vers 2000. On voit actuellement des artistes contemporains retrouver l'esprit des natures mortes classiques en créant des compositions savantes peintes ou photographiées.

Le livre  les écrivains et les artistes

 

Domenico di Michelino (1417-1481). Dante expliquant la Divine Comédie. 1465. Santa Maria dei Fiore, Florence. La scène fait écho au message du livre puisque Dante éclaire les damnés.

Agnolo di Cosimo dit Le Bronzino (1503-1572). Portrait allégorique de Dante, 1532-33. L'œuvre a été commandée par un banquier florentin lettré, Bartolomeo Bettini. La Commedia serait ouverte à la page du Chant XXV où le poète dit son espoir de revenir un jour dans la cité qui l'a exilé.

 

Abraham de Vries (c.1590-c.1655). Autoportrait, 1621. Rijksmuseum. Un manuel de dessin figure au premier plan : De Arte Picturae, lit-on sur la page de gauche, ce qui peut renvoyer au traité d'Alberti datant de 1435.

 

•Agnolo di Cosimo dit Le Bronzino.(1503-1572). Portrait d'Ugolino Martelli. 1540. Gemäldegalerie, Berlin. Représenté par le Bronzino dans son palais familial Ugolini Martelli, né en 1519, que l'Arétin vient de ranger au nombre des principaux poètes d'Italie est déjà un humaniste comme l'indiquent les livres visibles. Sur la table, est ouvert un exemplaire de l'Iliade, au livre IX, et le mot MARO sur la tranche du livre en partie visible à gauche indique son goût pour le poète latin Virgile (Publius Vergilius Maro), enfin l'ouvrage qu'il tient de la main gauche contient l'œuvre poétique d'un grand humaniste de la génération précédente, Pietro Bembo.

 

Détail du tableau précédent : le Bronzino a peint l'Iliade ouvert face au lecteur qui constate ainsi que le texte est en grec.

 

George Romney (1734-1902). La poétesse Anna Seward. 1786. Museum of the American Revolution. Philadelphie. Livre fermé, la poétesse semble en quête d'inspiration.

 

Jonathan Richardson (1657-1745). Alexander Pope and His Dog Bounce. 1718. Coll. privée.

 

Joshua Reynolds (1723-1792). Samuel Johnson. 1775. Huntington Library, San Martino, Californie. Le fort contraste entre ombre et lumière accentue la lecture passionnée de Samuel Johnson qu'on voit prendre à pleines mains le livre aux pages froissées.

 

Joseph Severn (1793-1879). Posthumous Portrait of Shelley Writing Prometheus Unbound. 1845. Memorial House, Rome. Tranchant sur les vêtements sombres du poète, comment ne pas voir le manuscrit du livre à venir ?

 

Ernest Meissonnier. (1815-1891). Un poète. 1859. En quête d'inspiration...

 

Ilya Répine (1844-1930). Portrait de l'écrivain Vsevolod Garchine. 1868. Metropolitan Museum, New York.

 

Édouard Manet (1832-1883). Portrait d’Émile Zola. 1868. Musée d'Orsay. Zola a défendu le peintre Manet quand son Olympia a fait scandale, le brochure bleue en atteste.

 

Ilya Répine. Portrait de Léon Tolstoï. 1887. Galerie Tretiakov, Moscou. Tolstoï qui a alors 59 ans est déjà très connu comme auteur de Guerre et Paix et d'Anna Karénine...

 

Paul Sérusier (1864-1927). Portrait de Paul Ranson en tenue nabique. 1890. Musée d'Orsay.

 

  Le livre : un marqueur social

 

Dans les classes dominantes, le portrait s'accompagne avantageusement du livre.

 

Maurice Quentin La Tour (1704-1788). Mademoiselle Ferrand méditant sur les œuvres de Newton. Pastel de 1752. Alte Pinakotek, Munich. Elisabeth Ferrand tient salon à Paris, faubourg Saint-Germain, en compagnie de son amie la comtesse de Vassé : elles reçoivent philosophes et savants. Le livre représenté ouvert est Les Eléments de philosophie de Newton, par Voltaire.

 

Robert Feke (1705-1752). Mrs Charles Apthorp. 1748. De Young, San Francisco. Charles Apthorp était un marchand d'esclave de Boston, et l'homme le plus riche de la ville ; il épousa Grizzel ou Griselda Eastwick, originaire de la Jamaïque, et dont le père était un courtisan de Charles II. 

George Romney. Portrait of Charles Lennox 3rd Duke of Richmond and Lennox. 1776-77. National Portrait Gallery, Londres.

 

François Boucher (1703-1770). Portrait de la marquise de Pompadour. 1756. Alte Pinakotek, Munich.  Il existe au Louvre un portrait presque similaire de la marquise par Maurice Quentin La Tour daté 1755. Le livre ouvert sur les genoux, le regard au loin : la lecture ouvre à la rêverie.

 

Diego Rivera (1886-1957). Portrait de John Dunbarr, 1931. Los Angeles County Museum of Art. Le peintre muraliste mexicain a fait le portrait d'un ami promoteur immobilier.

 

La lecture, plaisir privé et solitaire

 

Le lecteur moderne est le plus souvent une lectrice. Les peintres associent plus rarement le plaisir privé de la lecture aux personnages masculins.  Le livre devient un sujet en soi et permet l'évasion : le refuge dans l’imaginaire, l’espace de toute méditation, l'éveil aux émois sensuels  ou diaboliques.

 

Rembrandt. Vieille femme lisant. 1631. Rijksmuseum, Amsterdam. - Penchée sur le livre, sa main ridée accompagne sa lecture.

 

• Jean-Honoré Fragonard (1732-1806). La Liseuse. 1769. National Gallery of Art, Washington.

François Xavier Vispré (1730-1792). John Farr lisant les Odes d'Horace. Vers 1750. Pastel. University of Oxford, Ashmolean Museum. Fr. X. Vispré est un artiste originaire de Franche-Comté et établi en Angleterre. A demi allongé, en chaussons et robe d'intérieur: la lecture détend et repose.

William Bouguereau (1825-1905). Le livre d'histoires. 1877. Los Angeles County Museum of Art. La fillette reste songeuse : à son regard, on estime que son livre l'emporte dans la rêverie.

 

Camille Corot (1796-1875). La petite liseuse. Vers 1850. Coll. Privée.

 

Berthe Morizot (1841-1895). L'ombrelle verte, 1873. Museum of Art, Cleveland.

La femme est-elle si passionnée par sa lecture qu'elle en a négligé son ombrelle ?

 

Henri Fantin-Latour (1836-1904). Les deux sœurs, 1859. Museum of Art, Saint Louis. Ici chacune est dans son monde, rêveuse ou concentrée.

Auguste Renoir (1841-1919). Les deux sœurs. 1889. Coll. part. Les deux sœurs partagent la même lecture : ambivalence du livre.

 

Ilya Répine. Portrait de Vera Repina, épouse de l'artiste. 1878. Ancienne collection de la comtesse Natalya Golovina.

Charles Spencelayh (1865-1958). A lover of Dickens. Vers 1947. Vente Bonhams en 2008. - Charles Spencelayh a réalisé diverses œuvres sur le même thème du lecteur amoureux de Dickens.

 

Le livre sait meubler la solitude du lecteur. Il devient alors un compagnon et la bibliothèque un refuge.

Arcimboldo (c.1527-1593). Le Bibliothécaire. 1562. Skokloster Castle, Suède.

 

Edvard Munch (1863-1944). Andreas Reading. 1883. Oslo National Museum of Art. C'est le frère du peintre qui mourut à trente ans d'une pneumonie peu après son mariage.

 

Félix Vallotton (1865-1925). La Bibliothèque. 1915. Musée Cantonal des Beaux Arts, Lausanne.

​​

Friedrich Frotzel (1896-1971). Der alte Bücherkasten. 1929. Belvédère, Vienne.

Deux  femmes captivées par les livres à tel point qu'elles tournent le dos au spectateur.

 

Egon Schiele (1890-1918). Portrait du Dr. Hugo Koller. 1918. Galerie du Belvédère, Vienne. - Calé dans son fauteiil, le personnage est encerclé par les livres, son refuge ! Le sujet du portrait est un industriel, amateur d'art et bibliophile.
 

 

Conrad Félixmüller (1897-1977). Le Lecteur. 1933. Membre du parti communiste allemand (KPD), Félixmüller vit ses œuvres classées par les nazis comme Art dégénéré.

 

 

Fernand Léger (1881-1955). La Lecture. 1924. Centre Pompidou.

 

Hopper, à travers ses personnages féminins, suggère la solitude, l'absence de communications : le livre en est l'anti-dote.

Edward Hopper (1882-1957).  Hotel lobby. 1943. Indianapolis.

 

Edward Hopper. Hotel by a Railroad. 1952.

 

Edward Hopper. Hotel Room. 1931. Musée Thyssen Bornemisza, Madrid.

 

Edward Hopper. Compartment C . Car 293. 1938, IBM Armonk, New York State.

Le livre, ouverture vers l'imaginaire.

 

Objet iconique quand les peintres ne représentent pas le titre du livre : même ouvert il garde ses secrets et confère aux tableaux leur part de mystère.

 

Antoine Wiertz (1806-1865). La Liseuse de romans. 1853. Musée Royal des Beaux-Arts, Bruxelles.

La lecture de roman exacerbe la sensualité de la femme ; une main lui en apporte sans cesse de nouveaux : est-ce la main du Diable?

 

Jean Jacques Henner (1829-1905) La Liseuse. 1880 env. Musée d'Orsay, Paris.

 

Félicien Rops (1833-1898). La Tentation de saint Antoine. 1878. Bibliothèque Royale de Belgique. Le Diable a poussé le Christ sur le côté pour le remplacer sur la croix par une femme : INRI est remplacé par EROS. Le titre du livre  est : De Continentia Josephi. Ce livre est évidemment imaginaire !

Jonathan Wolstenholme. Illustrateur anglais né en 1950 et fasciné par les livres anciens.

 

• Vladimir Kush (né à Moscou en 1965). Livre-femme. Illustration d'inspiration surréaliste pour des Contes Érotiques.

 

Le livre, objet marchand

 

Enfin le livre reste un simple objet, un bien marchand recherché par bouquinistes et libraires... Ce qui nous emmène à Paris. Les livres animent les quais de Seine : ils conservent leur force d'attraction et suscitent de nouvelles rencontres. Le livre détient un réel pouvoir sur l'esprit comme sur le cœur.

 

Bernard Boutet de Monvel (1881-1949). Mr Félix Boutreux sur les quais de Seine. 1943. Un ami du peintre, restaurateur de tableaux. Les bouquinistes sont établis à Paris quai de Tournelle, quai Conti, quai Voltaire — non loin de nombreuses maisons d'édition...

 

Édouard Cortès (1882-1969). Les Bouquinistes face à Notre-Dame. c.1948. Galerie Rehs, New York.

 

Maurice Dubois (1869-1944). Les Bouquinistes Quai Voltaire. Vers 1930.

 

Thierry Duval. Les Bouquinistes et la Conciergerie. c.2010. Aquarelle.

 

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Voir d'autres présentations sur Wodka...

 

L'Atelier du peintre La Laideur du portrait Les Vanités
Les Allégories Images de jardins Des Saltimbanques au Cirque
La Danse Les Fumeurs Le Nu masculin
Autour de l'Ecole de Paris Au temps de Weimar L'Orient des peintres

 

Tag(s) : #BEAUX ARTS, #HISTOIRE GENERALE
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