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La remarquable exposition du Musée d'Art de Nantes, conçue par Jean-Rémi Touzet conservateur en charge des collections du 19è siècle, s'est achevée le 5 février 2023. Pour tous ceux qui n'ont pu l'apprécier sur place, voici quelques éléments.

Plusieurs artistes natifs de Nantes et de sa région sont à l'honneur dans cette exposition : James Tissot, Jules Grandjouan, Jules-Emile Laboureur, Henry Ottmann...

 

Sans s'attacher à faire une histoire des transports, l'exposition montre d'abord comment le chemin de fer a transformé le paysage rural et urbain puis se tourne vers les gares, et suit les passagers dans les voitures durant leur voyage.

 

Claude Monet (1840-1926) : Le train dans la campagne, vers 1870, Musée d'Orsay. Une loco qui fume, des voitures assez primitives, le chemin de fer entre ici discrètement dans le paysage impressionniste, en arrière-plan, tandis qu'une famille profite de la nature.

 

Claude Monet. Charing Cross Bridge, la Tamise, 1903. Musée des Beaux-Arts de Lyon. Un train traverse le pont, la vapeur suffit à révéler le trafic.

 

Auguste Renoir. (1841-1919) Le pont de chemin de fer de Chatou. 1881. Musée d'Orsay. En partie masqué par les marronniers en fleurs, le pont domine un jardin dans la banlieue de Paris.

 

Gustave Caillebotte. Le Pont de l'Europe, 1876. Esquisse préparatoire. Rennes, musée des Beaux-Arts. Ce pont imaginé par l'ingénieur Eugène Flachat permet de franchir les voies proches de la gare Saint-Lazare inaugurée en 1867 pour l'Exposition Universelle. Le passant que l'on voit penché sur le parapet jette un coup d'œil sur les voies proches de la gare. Le chemin de fer a transformé le paysage urbain, avec les trouées des voies ferrées introduites jusqu'au cœur des villes, avec les grandes gares comme celle peinte par Monet qui a obtenu en 1877 de pouvoir poser son chevalet gare Saint-Lazare.

 

Henri Rivière (1864-1981) Du Quai de Javel. Lithographie in album Les trente-six vues de la Tour Eiffel. 1902. Musée d'Orsay. Outre la cabane bien délabrée de l'aiguilleur, on note une nouvelle verticalité faite de poteaux, de cheminées et de la tour Eiffel. au loin.

 

 

Le peintre nantais Jean-Emile Laboureur (1877-1943) représente ici en 1902 Les Usines.(Musée d'Art, Nantes). C'est un paysage industriel peuplé à l'horizon de cheminées d'usines qui polluent abondamment. Le spectateur du premier plan domine ce quartier industriel que traversent des trains de marchandises.

 

Lionel Walden (1861-1933), Les Docks de Cardiff, 1896. Musée d'Orsay, Paris.

 

Henry Ottmann (1877-1927). Vue de la Gare du Luxembourg à Bruxelles. 1903. Musée d'Orsay, Paris. Cette vue plongeant offre une large place aux rails et aux aiguillages. La répétition des courbes formées par les rails donne un rythme remarquable. Au premier plan, le signal rouge attire le regard du spectateur et rompt la monotonie qu'eut pu créer le grand nombre des voies. E, bon disciple de l'impressionnisme, Ottmann a réalisé cinq vues similaires à différentes heures de la journée nous dit le cartel accompagnant cette œuvre.

 

Paul Signac (1863-1935). L'Embranchement de Bois-Colombes, 1885-86. Musée Van Gogh, Amsterdam. Cette vue se situe près d'Asnières et témoigne de la progression de l'urbanisation, avec ce face à face d'un immeuble haussmanien et de la baraque de l'aiguilleur. La toile est rythmée par les tronc d'arbres, les poteaux électriques, la cheminée de la baraque. Les rails ne sont pas clairement visibles. Signac est encore loin du divisionnisme qui l'a rendu célèbre.

 

A. Provost (actif entre 1834 et 1855). Catastrophe ferroviaire entre Versailles et Bellevue le 8 mai 1842. Château de Sceaux, musée du Domaine départemental de Sceaux. Ce drame sans précédent sur le territoire français a concerné le train en provenance de Versailles et roulant en direction de Paris et qui a déraillé au niveau de Meudon, avec un dramatique bilan de 55 morts et plus de 150 blessés sur les 770 passagers du convoi. 

 

Roberto Marcello Baldessari (1884-1965). Il Treno in arrivo alla stazione di Lugo. Vers 1916. Pastel sur carton. Rovereto, Archivio Baldessari. L'artiste, adepte du futurisme lancé par Marinetti en 1912, suggère l'entrée en gare de Lugo, près de Ravenne. La technique retenue, avec les faisceaux de lumière et la décomposition des mouvements dégage une forte impression de puissance. La locomotive fonce quasiment sur le spectateur dans un effet que l'on retrouve dans ke film des frères Lumière.

 

Armand Fernandez dit Arman (1928-2005) : L'Heure de tous. Prototypepour la gare Saint-Lazare à Paris.1985. Collection privée. Paris © Adagp, Paris 2022. - Cette accumulation (le terme est utilisé par Arman dès 1959) construite de réveils nous rappelle que le chemin de fer a unifié l'heure au niveau national. Savoureuse était l'installation de cette œuvre près de la vidéo reproduisant le fameux court-métrage des frères Lumières, L'arrivée du train en gare de La Ciotat.

 

Édouard Dantan (1848-1897). La station de Saint-Cloud (Vue de chez la duchesse Pozzo di Borgo), huile sur toile, 1880. Saint-Cloud, Musée des Avelines. Une locomotive à vapeur vient d'entrer en gare. Les passagers descendent de voiture ou s'apprêtent à monter à bord. La scène est réaliste : un porteur poussant une brouette chargée d'une imposante malle de voyage, un gendarme attentif, une publicité pour les courses à l'hippodrome de Dieppe, et midi à l'horloge. Des militaires aux pantalons rouges.

 

Louis Abel-Truchet (1887-1918). Gare Saint-Lazare. Vers 1892, huile sur toile, collection particulière. Musée d'Orsay. C'est l'arrivée du train, la foule se presse. Les porteurs sont au travail. L'air est envahi par la vapeur des machines. Des touches de couleur rouge donnent plus de vie à cette scène de la vie urbaine.
 

Paul Delvaux (1897-1894). La Gare forestière, 1960. Saint-Idesbald, Belgique, Fondation Delvaux. Sous le couvert de  bois sombres, une gare aux murs peints d'un blanc éclatant connaît une intense circulation ferroviaire qu'observent deux fillettes vues de dos près du butoir de la troisième voie. Le matériel roulant est nettement antérieur à la date de réalisation de la toile. La locomotive qui figure au centre de l'œuvre est rendue avec une précision méticuleuse.

 

 

Albert Robida (1848-1926). L'Embellissement de Paris par le Métropolitain. Une du journal La Caricature, n°338, 19 juin 1886. Paris est personnifiée sous les traits d'une femme couronnée de moulins et la fumée sort de son nez : la ville est défigurée, la colonne de la Bastille est perdue au milieu du réseau aérien. L'ironie caustique dans cette charge contre les nouveaux grands travaux après ceux d'Haussmann semble au moins contenir un élément positif pour tout Français qui se respecte : le buffet de la gare est bien visible — horreur, on peut y reconnaître le dôme du Panthéon !

Robida avait rejoint la Société des amis des monuments parisiens contre un projet de métro aérien finalement refusé par la Chambre des Députés. Son travail a par ailleurs magnifié le Progrès dans son roman illustré Le Vingtième Siècle paru en 1883 où « l'avenir est choisi comme terre d'accueil de ses diatribes à l'usage du monde actuel » en « plaçant sous une loupe grossissante quelques inventions techniques et quelques nouveautés sociales âprement discutées au crépuscule du XIXe siècle » pour reprendre l'avis de Boris Eizykman dans un article de la revue Romantisme (n°76, 1992-II).

Honoré Daumier (1808-1879) — Et dire que maintenant voilà tous les voyageurs qui nous passent devant le nez ! C'est l'amère constatation formulée par les postillons d'un relais de poste à la vue d'un convoi circulant “à grande vitesse”. Le développement du transport ferroviaire est une bénédiction pour le talent caricaturiste d'Honoré Daumier ici dans sa série Les chemins de fer lithographie coloriée de 1843.

Honoré Daumier, encore avec Le premier voyage en chemin de fer. Les voitures — avec ou sans compartiments — constituent un lieu d'observation de la société qui n'échappe pas au regard acéré du caricaturiste. Lithographie de la série Les Beaux Jours de la Vie, 1846.

 

Jules Grandjouan (1875-1968), Compartiment de chemin de fer, 1922. Pierre noire sur papier. Nantes, Musée d'Art. Jules Grandjouan, cousin de Jean-Emile Laboureur, a été un dessinateur prolifique pour la presse populaire et syndicaliste, notamment dans L'Assiette au beurre en 1901-1912.

 

James Tissot (1836-1902). Portrait of Colonel*** - dit aussi Gentleman in a Raimway Carriage. 1872, huile sur bois. The Worcester Art Museum, Etats-Unis. L'artiste natif de Nantes a travaillé longuement au Royaume-Uni, réalisant des scènes très représentatives de la vie bourgeoise londonienne sous le règne de Victoria.

 

— Plus que sept heures !  Pour un train de plaisir c'est un peu long... Le chaos s'est installé dans le compartiment bondé vu par Félix Vallotton (1865-1925), moins connu comme graveur que comme peintre, in Le Canard sauvage du 13 septembre 1903.

Le compartiment peu abriter de tout autre ambiance :

Leonor Fini (1907-1996). La Conversation, 1967. Huile sur toile, collection particulière, Lausanne. On reconnaît l'intérieur de la voiture du train au cordon du rideau abaissé ce qui crée l'intimité des deux femmes dans le compartiment, le visage dissimulé sous d'élégants chapeaux à fleurs. L'érotisme de la scène est dans la tradition du surréalisme que cultive l'artiste d'origine argentine.

 

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Tag(s) : #BEAUX ARTS
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