Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

À bord d’un voilier de quinze mètres, Sylvain Tesson a suivi trois mois durant, dans une virée entre copains, le « cordon ombilical qui court de la Galice espagnole aux Shetlands écossaises ». Avec les fées tient du journal de bord et aussi du journal personnel.
 

Par mer, à pied ou en vélo, S.Tesson s’est lancé dans une quête de la beauté, du merveilleux qui « surgit du réel à qui sait regarder », de la fée, cette « qualité du réel révélée par une disposition du regard ». L’écrivain et ses amis partagent la même joie des départs ; chacun, « voyageur insatisfait, fuit ce qu’il craint  plus qu’il ne poursuit ce qu’il aime » selon Wordsworth. La beauté de la nature console S.Tesson de « l’affreuse disgrâce de [son] visage » depuis son accident. À chaque site visité, croisant dolmens, menhirs ou croix, l’auteur se lance dans un rappel historique. Naviguant entre parallélismes et oppositions, il syncrétise les croyances païennes et le christianisme et cherche à percevoir l’unité du monde. En Irlande « je reçus une révélation de l’unité »  note-t-il. Il échafaude des théories souvent très confuses lorsqu’il atteint un état de surexcitation mentale, « un sentiment de plénitude ». Ses notes deviennent alors obscures comme lorsqu’il déclare avoir « atteint la « fine pointe » inventée par Vladimir Jankélévitch, instant total où tout s’accomplissait, où l’homme éprouvait enfin la conscience d’être parvenu à ce qu’il avait désiré sans avoir même su qu’il en rêvait ».  D’ailleurs S.  Tesson reconnaît avec humour sa tendance à l’élucubration : « j’accablai mes amis de mes bouillies, de mes divagations ». Et de poursuivre : « mes voyages balançaient entre les termes contradictoires […] mon plaisir était de chercher son antidote à toute situation ».

 

Il n’ignore pas non plus que ses livres déforment parfois son regard sur la réalité : « Quand réussirai-je à ne plus verser mes souvenirs de lecture au paysage ? » Toutefois Rimbaud vient ici à point nommé car « bien attachées, les péninsules pouvaient démarrer […] sur la mer toujours en allée, l’éternité toujours revenue ». Lorsque  ses amis le tiraient de ses « méditations vaseuses » pour reprendre le large : alors  « le Graal c’était de repartir ». Et S. Tesson de poursuivre son habituelle critique de la modernité car « au siècle 21 la fée incarne encore le refus d’un monde immonde gouverné par la stupidité des machines et la méchanceté des masses ». Le journal intime affleure sous le carnet de bord, quand l’auteur songe « aux bras blancs de son amie » dont il s’est « arraché ». Les vagues lui « convoient le souvenir de [sa] bien-aimée ». Cette « fille rousse à peau de nacre » le rejoindra à Inverness pour « quatre jours d’ébats dans les auberges anglaises »...

 

Même si l’on apprécie quelques belles formules et la maîtrise des termes techniques, l’écriture reste paresseuse. Enfin la photo sur le bandeau de couverture : un peu facile... Tel Chateaubriand ou Hugo, S. Tesson assis sur « l’éperon de granit avancé dans les flots » n’est pas sans rappeler  l’hugolien «  pâtre promontoire au chapeau de nuées ». Le Sylvain Tesson  des  Chemins noirs et de La panthère des neiges, reviendra-t-il enchanter nos lectures ?

 

• Sylvain Tesson : Avec les Fées. - Équateurs littérature, 2024, 216 pages.

 

Tag(s) : #LITTERATURE FRANÇAISE
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :