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Invitée par l’institut français de Tunisie en 2022, Marie Nimier a séjourné deux mois à la Villa Salammbô pour « recueillir des confidences, des souvenirs et m’en inspirer pour écrire des nouvelles ». Au téléphone, par mail ou dans un café,  la plupart de celles et ceux qui se sont confiés l’ont tutoyée, comme en arabe où le vouvoiement n’existe pas. L’autrice en a tiré ces récits où la plupart de ses interlocuteurs restent anonymes.

 

Ces confidences, parfois drôles, souvent dramatiques révèlent ce que l’on tait en Tunisie concernant le sexe, la religion ou la critique du pouvoir en place.

La sexualité suscite nombre de confidences. Homosexuel, Wael a appris à se méfier car « l’homosexualité est toujours punie d’emprisonnement en Tunisie, on n’est jamais à l’abri d’une dénonciation ». Toutefois dans les hammams elle se vit librement. De même restaurer la virginité perdue suite à un mariage orfi — secret — entre autre reste un souci majeur car « une fille cassée est foutue », ostracisée.

Si depuis le nouveau président « c’est la mode d’aller à la mosquée », en privé la pratique religieuse peut se relâcher ; ainsi une femme regarde son feuilleton à la télévision tout en faisant sa prière... En outre, la famille contraint autant que la religion : « on ne peut pas s’en détacher et on lui doit tout ». Enfin certaines mère jugent trop coercitive l’éducation des enfants entravée par les interdits religieux : elle ne leur apprend pas à devenir « acteurs de leur vie ».

Parvenus à l’âge adulte nombre de Tunisiens se considèrent comme victimes et non comme responsables de leurs actes. Surtout les confidences dénoncent la corruption, « le bakchich généralisé, car rien n’a changé depuis le départ de Ben Ali ; tout est pourri » ; et la situation des jeunes : « on passe par une période critique en Tunisie. Les jeunes ont un seul but, partir à l’étranger ». Ceux qui restent ont la haine de leur pays et « les écarts se creusent, le racisme est de plus en plus visible ». Mais par ailleurs les Tunisiens émigrés se retrouvent étrangers en Europe et aussi en Tunisie quand ils reviennent dans « ce pays de compromis et de règles archaïques ». « Notre président, il vient de quel siècle ce type ? La démocratie chavire, le pays est au bord de la faillite ». De son côté l’écrivain Chérif Ferjani, incarcéré comme opposant, rappelle que si Bourguiba a été un dictateur il a cependant fait de la Tunisie une nation indépendante et à développé les écoles en campagne.

 

Marie Nimier a donné l’occasion à des Tunisois d’exprimer leurs pensées secrètes et de s’en libérer. Certains nourrissent toujours « le désir de voir la Tunisie sortir du club des bras cassés » alors que d’autres ne consomment plus de poissons car les cadavres des émigrés remplacent peu à peu le plancton. L’autrice a su entendre le malaise tunisien tout en laissant espérer « la Tunisie en marche ».

 

• Marie Nimier : Confidences tunisiennes. - Gallimard, 2024, 244 pages.

 

Chroniqué par Kate

 

Tag(s) : #LITTERATURE FRANÇAISE
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