Allégorie signifie étymologiquement « parler par l’image » et c’est la représentation concrète d’une idée, d’un concept, à l’aide d’un ou de plusieurs personnages accompagnés d’attributs symboliques. Le plus souvent, pour représenter l’idée, l’artiste a recours à la personnification souvent sous les traits d’une femme, moins souvent d’un homme, et parfois même d’un animal.
1 - Une petite histoire de l’Allégorie
L’origine de l’Allégorie en peinture se situe dans le monde grec de l’Antiquité, au temps où les Muses inspiraient les sculpteurs. On peut même fournir un acte de naissance de l’allégorie dans l’expression picturale. Lucien de Samosate rapporte que vers - 350 le peintre grec Apelle fut emprisonné suite à la dénonciation d’un concurrent ; reconnu innocent il peignit la Calomnie créant ainsi le premier tableau représentant l’Allégorie, un tableau malheureusement disparu. Botticelli s’en inspira, on le verra.
L’art chrétien médiéval a érigé en système l’allégorie avec la sculpture des Vierges folles et des Vierges sages. Ces allégories ornent les églises romanes des XI-XIIIe siècles, comme en Saintonge. Puis au temps de l’architecture gothique, Vices et Vertus décorent la façade de la cathédrale de Strasbourg.
Les Vertus terrassant les Vices. Cathédrale de Strasbourg.
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Les allégories sculptées embellissent aussi les tombeaux des princes ; à Saint-Denis sur celui d’Anne de Bretagne et de Louis XII : ce sont les quatre Vertus cardinales, Prudence, Tempérance, Force d’âme et Justice.
Tombeau de Louis XII et d’Anne de Bretagne, Saint-Denis.
De la sculpture, l’allégorie est alors passée à la peinture. Au plan esthétique, l’allégorie de la Renaissance exprime la grandeur, le sublime, car l’Idée platonicienne est vénérée par les humanistes de ce temps. C'est ainsi que l’Allégorie ajoute de nouveaux thèmes à la personnification des idées morales tels que les événements naturels, par exemple les Saisons représentées par Arcimboldo.
Arcimboldo, Le Printemps, 1563, Académie royale des Beaux-Arts, Madrid.
C’est ainsi que l’Allégorie règne magistralement aux XVIe et XVIIe siècles, mais elle se trouve discréditée d’un point de vue esthétique au XVIIIe parce qu’on la juge éloignée de la vraisemblance. En revanche, elle participe de l’apprentissage moral, instrumentalisée pour enseigner aux hommes les vertus sur lesquelles repose la société en quête de bonheur.
L’Allégorie est néanmoins sensible au contexte historique et est susceptible de subir des glissements de sens. Elle n’est plus comprise quand changent les codes artistiques et sociaux. L’Allégorie de la Liberté éclairant le monde érigée dans le port de New York en 1886 aurait été interprétée au siècle précédent comme la figure de la Raison brandissant le flambeau des Lumières. Surtout, le XIXe siècle voit l’allégorie délaisser les références exclusives aux catégories chrétiennes et aux grands principes moraux pour s’appliquer aux réalités concrètes des activités humaines comme l’Agriculture, l’Industrie, le Commerce, et s’appliquer aussi valeurs politiques tels le Progrès et la République et revivre dans la caricature de Doré ou Daumier. Suite à ce détournement du sens, l’Allégorie, illustration de la Tradition, peut alors incarner la Modernité et aussi changer de sexe, hier femme, elle peut se faire homme. Mais ce n’est plus vraiment une allégorie si elle représente des réalités tangibles.
Goya, Allégorie du Commerce, 1801-05, Musée du Prado, Madrid. ⊘ 227 cm.
En déclin avec le Romantisme, l’allégorie disparaît avec la peinture impressionniste mais trouve une nouvelle vie avec la peinture symboliste, ou encore expressionniste du XXe siècle. Reste que la crise de la culture contemporaine se répercute sur l’allégorie et la menace de disparition. Selon R. Badinter, “les citoyens ne supporteraient plus ce langage crypté qui séparait les hommes cultivés, déchiffrant ses symboles, du peuple ignorant”. Le fait est que les figures allégoriques ne font sens que pour qui a la capacité de les déchiffrer.
Les Allégories de la Vie, de l’Amour et de la Mort
Le Tintoret. Allégorie de la vie humaine. Sous-titre le labyrinthe de l’amour. La forme du labyrinthe rappelle l’île de Cythère, lieu de naissance de Vénus. L’arrière-plan représente le monde des morts. Ainsi, l’arrière plan, au-delà des limites que constituent la haie, les escaliers et la grille, représente le monde des morts, avec à droite la ville, qui est une image de la Jérusalem céleste, du paradis, et à gauche la grotte de l’enfer et cette tour de Babel, qui représenterait le premier péché collectif. Le cavalier qui passe le pont de verre évoque le voyage initiatique vers l’au-delà.
Allégorie de l’Amour
Giovanni Bazzi dit le Sodoma (1477-1549) : Allégorie de l'Amour (Louvre).
Qualifiée d'Allégorie de l'Amour l'érotique huile sur bois de Jacopo Barbari peinte en 1500 (Staatliche Museen Berlin) montre Adam et Eve au moment de la chute. Mais un thème fréquent à la Renaissance est l'Allégorie de l’Amour céleste.
Allégorie de l’Amour céleste d’Angolo Bronzino. (1540-50. National Gallery, Londres). Vénus et son fils Cupidon s’embrassent et se caressent. Autour d'eux une série de personnages représente des sentiments contradictoires. De la main gauche Vénus tient la pomme d’or, pomme de discorde, de l'autre elle retire la flèche de Cupidon. La femme qui hurle derrière Cupidon peut être la Jalousie. Un putto souriant fait le geste de lancer des fleurs sur Vénus, mais il a marché sur une épine et son pied saigne. Derrière lui la fillette au corps de chimère qui offre un gâteau à Vénus serait la Tromperie ou la femme tentatrice. Au-dessus le Temps est un vieil homme barbu qui regarde vers l'Oubli qui semble horrifiée par la scène érotique. Tout en bas des masques regardent Vénus ; ils évoquent la dissimulation.
Francisco Goya : Allégorie de l'Amour (1798-1805, Musée national d'Art de Catalogne, Barcelone, 220 x 155 cm). Inspiré dit-on par les Métamorphoses d'Ovide, le peintre représente Cupidon venu visiter Psyché.
Allégorie de la Mort.
Jérôme Bosch montre les derniers moments de la vie d'un avare, nu dans son lit selon l'usage, ses vêtements rangés dans une poche suspendue pour éviter les puces. Tandis que le Mort entre par la porte une flèche à la main, un monstre sorti de dessous les rideaux du lit tente le mourant en lui faisant miroiter un sac de pièces d'or. Le mourant tend la main vers le sac.
Le Bien et le Mal sont en compétition : tandis qu'un ange indique la fenêtre où un crucifix rayonne de la lumière divine, sur le baldaquin un diable surveille la scène tenant une lanterne où brûle le feu de l'Enfer.
Plus bas, Bosch évoque ce que fut la vie de l'avare. D'une main il jette des pièces dans une boîte tenue par un démon à la face de rat et de l'autre il tient un chapelet, comme s'il servait à la fois Dieu et Diable. Émergeant de sous le coffre, un démon tient un papier scellé de cire rouge, sans doute en rapport avec l'activité de l'usurier.
Ce type de scène provient directement d'un Ars Moriendi, fort populaire dans la second moitié du XVe siècle, destiné à aider les chrétiens à choisir entre le Christ et les plaisirs coupables.
L'armure cassée au premier plan, et les vêtements étalés, évoquent peut-être des épisodes plus ancien de la vie de celui qui est devenu l'Avare.
Bosch : La Mort et l’Avare. (1490-1500. National Gallery of Art, Washington). L'œuvre de 93 x 31 cm faisait partie d'un triptyque aujourd'hui dispersé, appelé le Triptyque du Vagabond, avec l'Allégorie de l'Intempérance (Yale University Art Gallery) et la Nef des Fous (Musée du Louvre). (Source : Wikipedia et National Gallery of Art).
Hans Baldung Grien (1485-1545) : Allégorie de la Mort et de la Beauté. La Beauté se regarde dans un miroir pour arranger ses cheveux. La Mort tient le sablier car sa beauté sera éphémère.
Egon Schiele : La jeune fille et la Mort, 1915. Une vision très sombre...
Marianne Stokes. La jeune fille et la Mort (1900, Musée d'Orsay). Dans son cauchemar la jeune fille est saisie par l'aile de la Mort.
Les figures féminines dans l’Allégorie
Représentées par des figures féminines de nombreuses allégories datent du XIIIe au XVIIIe siècle. Après avoir réalisé son célèbre cycle de fresques à Assise, Giotto di Bondone a illustré la chapelle Scrovegni à Padoue avec les Vices et les Vertus. Enrico Scrovegni, un riche marchand, avait obtenu de construire une chapelle qui fut consacrée en 1303 et Giotto acheva les fresques en 1305.
la Charité |
l’Envie |
Les Vertus théologales sont la Foi (Fides), l'Espérance (Spes) et la Charité (Caritas); s'y ajoutent les quatre vertus cardinales : la Prudence (Prudentia), la Tempérance, la Force (Fortitudo), et la Justice (Iusticia).
Les vices sont le Désespoir, l’Envie, l’Infidélité, l’Injustice, la Colère, l’Inconstance et la Sottise. Les vices sont le Désespoir, l’Envie, l’Infidélité, l’Injustice, la Colère, l’Inconstance et la Sottise.
Johannes Vermeer : Allégorie de la Foi. (1671-74, Metropolitan Museum of Art, New York). Ce tableau a été peint en un temps où la célébration publique de la messe catholique était interdite aux Provinces-Unies mais c'est pourtant le triomphe de l'Eglise catholique que Vermeer, converti au catholicisme avant son mariage, aurait voulu peindre. La femme qui représente l'Eglise pose le pied sur un globe. A côté d'elle un missel est ouvert près d'un ciboire et d'un crucifix. Au premier plan, une pierre angulaire écrase le serpent symbole du Mal. Au fond, citation d'une toile de Jacob Jordaens sur le thème de la crucifixion. Tout évoque la célébration de la messe dans une chapelle privée.
La Prudence de David Téniers le Jeune, 1650, Musée de l’Ermitage, Saint-Petersbourg. Appelée aussi “Allégorie de la Foi”, et antérieurement “Vanité des vanités” dans l’inventaire du musée — vu la présence d'un crâne et d'objets liés aux arts. La femme pose son pied sur une boule de verre sombre symbolisant un monde méprisable sur lequel rampe un serpent. Mais les putti symbolisent aussi l’amour terrestre en bas et les anges l’amour céleste en haut de la toile. La torche allumée signifie l’illumination de l’esprit par la foi, qui, selon l’Iconologie de Cesare Ripa publiée en français en 1636 et en néerlandais en 1644, est perçue par l’ouïe.
La Prudence de Piero del Pollaiolo (1469-72, Galerie des Offices) tient d'une main un miroir, instrument de la connaissance, et de l'autre un serpent en référence à l'Evangile de Matthieu (10, 16) "Soyez aussi prudent qu'un serpent". Cette peinture sur bois (168 x 91 cm) appartient à une série commandée à Piero del Pollaiolo en 1469 pour une salle du Tribunal de Commerce, situé place de la Seigneurie à Florence. Ces peintures furent transférées aux Offices en 1777.
La Tempérance de Pietro Liberi (1605-1687) est l'élémentaire symbole de la sobriété : elle boit de l’eau.
La Tempérance de Michel Dorigny, élève et gendre de Simon Vouet, montre des angelots coupant le vin avec de l'eau qu'ils puisent à un puits. (Musée des Beaux Arts de Strasbourg).
La Patience selon Vasari
La Patience (1551-52) est représentée par Giorgio Vasari les bras croisés, tremblant dans le froid. Elle regarde l'eau s'écouler de la fontaine, goutte à goutte. À gauche la version de la National Gallery de Londres. À droite la version de Vasari avec Gaspar Becerra au Palais Pitti à Florence. Celle-ci est enchaînée comme une esclave.
La Justice de Cranach (Fridart Stichting, Amsterdam. 1537) ou “Gerechtikaeit”. La balance et l’épée sont ses attributs. La justice ne doit rien cacher et de fait son allégorie est montrée nue ou à peine voilée.
Hans von Aachen : Allégorie du Triomphe de la Vérité. (huile sur cuivre. 56 x 47 cm. 1598. Alte Pinakothek, Munich). Au pied d'une colonne symbole du pouvoir, la Vérité dont la nudité réclame protection face à la menace du fouet que le Mensonge tient de la main gauche, se serre contre la Justice armée d'une épée. Le lion, représentant la puissance impériale, se jette sur l'Allégorie du Mensonge, un dangereux barbu qui a perdu dans sa chute son masque et sa bourse symboles de faux-semblant et de corruption. Au loin trois figures féminines incarnent tranquillement la Paix, l'Abondance et la Fertilité.
Le siennois Bernardino Mei, La Justice, 1666. Sur la tranche du livre on lit : INSTIT IUSTINIAN ce est une référence au Code Justinien qui est un recueil de lois sous l'Empire romain tardif. La Justice en prend connaissance. A l'arrière-plan une scène de crime semble suggérée.
La figure maternelle apparaît souvent dans les représentations de la vertu théologale qu'est la Charité. Nourrir l'enfant c'est le plus beau et le premier geste charitable.
Andrea del Sarto, La Charité (1530, National Gallery of Art, Washington). Le tableau aurait été peint pour François Ier après le séjour de l'artiste à Fontainebleau.
Vincent Sellaert, La Charité (vers 1560, Musée du Prado).
Célèbre pour l'Eva Pandora du Louvre, Jean Cousin père dénude ici sa Charité plus que nécessaire (1540-45, Musée Fabre de Montpellier). On note l'originalité de la disposition des teintes : gris de la robe abaissée au premier plan et grisaille du paysage lointain.
Francesco de’Rossi, connu sous le nom de Cecchino ou de Francesco Salviati du nom de son protecteur le cardinal Salviati a peint cette Charité à Florence (vers 1545, Galerie des Offices). Trois bambins à allaiter aussi pour la Charité suivante.
Jacques Blanchard, Allégorie de la Charité (1636, Toledo Museum of Art, Ohio).
Et beaucoup plus pour la Charité d'Hilaire Pader (1671, Musée des Augustins de Toulouse) dans un rare format presque carré.
Comme la Charité, deux siècles plus tôt, la Mère Patrie de William Bouguereau prend ses nombreux enfants au sein. Exposé au Salon de 1883 sous le titre “Alma Parens” le tableau est alors décrit dans le catalogue : « L'Alma parens que reproduit notre Paris-Salon est un heureux spécimen de sa manière et un type exquis d'adorable maternité. La belle créature, pourvue encore du charme de l'heureuse jeunesse, montre à ses enfants groupés autour d'elle, en des poses d'une morbidesse exquise sa poitrine gonflée, mais aux formes toujours pures”. (Coll. part.)
Gustav Klimt : l’Espoir (I). (1903, huile sur toile, National Gallery, Ottawa).
Les Allégories morales et culturelles
Le Corrège (Antonio Allegri da Corregio) a peint les Vices et les Vertus (1530-33. Louvre) pour le studiolo d’Isabelle d’Este à Mantoue.
Ici Allégorie de la Vertu. Au centre Minerve tient le sceptre et le globe symbole du pouvoir terrestre. A ses pieds le bouclier orné de la tête de Méduse écrase un vice à tête de loup. La femme assise au premier plan à gauche, tenant une épée et une peau de lion, symbolise les quatre vertus cardinales : la force d’Hercule, dont elle possède le trophée (le lion), la prudence du serpent, qui la couronne, la justice de l’épée qu’elle tient dans sa main droite et le mors de la tempérance qu’elle tient dans sa main gauche. La femme de droite, à la peau foncée, pose un compas sur le globe de verre dans lequel le monstre du vice est emprisonné. Du bras gauche elle désigne le paysage à l’arrière plan, signifiant que le monde réel est ce globe de verre qu’un monstre menace. La quatrième femme qui au-dessus de Minerve tient la palme et la couronne est probablement la Renommée, qui célèbre les prouesses de Minerve.
Le Corrège, Allégorie du Vice (Louvre). La place centrale que tenait Minerve dans le tableau précédent sur la Vertu est ici tenu par un homme attaché à un arbre. Il est entouré de femmes avec des serpents dans les cheveux : les Furies. Elles le tourmentent et l'une d'elles l'écorche. Le petit satyre moqueur qui regarde vers l'extérieur du tableau est une incarnation du Vice.
Paolo Veronese : Le choix entre le Vice et la Vertu (ca. 1565. The Frick Collection, New York. 219 x 169 cm). Hercule rencontre le Vice qui l'attire. Le Vice est en vert, couleur souvent connotée négativement à cette époque, même si Véronèse est célèbre pour l'emploi de cette teinte. Un détail est à remarquer au coin supérieur gauche :
On lit : [HO]NOR ET VIRTUS / [OST] MORTE[M] FLORET, autrement dit, l'honneur et la vertu fleurissent après la mort. (source : Frick collection).
La Fortune de Giovanni Bellini (1490, Gallerie dell'Accademia, Venise) est une femme assise dans une barque instable, entourée de bambins et portant un globe.
La Fortune est souvent représentée les yeux bandés, ce qui évoque son impartialité. Le bandeau enlevé, l'impartialité disparaît comme on le voit ici. La Fortune de l'Anversois Frans II Francken dit le Jeune est debout sur un globe placé sur un piédestal: la bonne fortune est instable et incertaine.. Elle regarde la partie de la foule qui est à gauche et lui distribue ses bienfaits pour sa plus grande joie. Elle ignore l'autre partie de la foule, à droite, qui est accablée aussi par la tempête qui s'est levée sur la ville incendiée à l'horizon. La bonne fortune se dispense au hasard. (1620, Musée du Louvre).
Romain de naissance, Salvator Rosa a peint cette Allégorie de la Fortune vers 1658. (The J. Paul Getty Museum, Los Angeles, huile sur toile, 201 x 133 cm). La personnification de la Fortune va ici de pair avec la richesse et la possession d'animaux. Loin d'avoir les yeux bandés, la Fortune est consciente d'étaler sa richesse en vidant sa corne d'abondance ! Sa couronne, des pièces d'or et d'argent tombent à terre. Les animaux, représentés de façon réaliste, marchent sur les attributs de l'art : livre, palette de peintre, fragile rose blanche écrasée par la patte du cochon. Revêtu d'un vêtement qui évoque la pourpre cardinalice, l'âne protège dans son ombre une chouette symbole de la richesse. La toile fut exposée au Panthéon en 1659 et on y vit une telle critique du népotisme du pape Alexandre VII que Rosa faillit se retrouver en prison...
Jean-François de Troy. Allégorie du Temps dévoilant la Vérité. (1733, National Gallery Londres). L'effroi de la femme à droite semble s'expliquer par la faux du Temps.
Klimt : Nuda veritas, (1899. Österreichisches Theatermuseum, Vienne). La Vérité aux yeux verts et à la chevelure rousse piquetée de marguerites tient une loupe pour mieux voir la vérité. Un serpent est enlacé à ses pieds.
La citation de Schiller : « Kannst du nicht allen gefallen durch deine That und dein Kunstwerk...» est remplacée par une citation de L. Schefer « Wahrheit ist Feuer...»
Klimt a destiné la version noir et blanc au journal Ver Sacrum du groupe Sécession, étendard de l'avant-garde viennoise de la fin du XIXe siècle.
La parodie de la Nuda Veritas de Klimt a été imaginée en 2010 par les photographes italiens Tania Brasseco et Lazlo Passi Norberto pour leur série “Essence et Décadence” : la femme rousse, les marguerites, la loupe grossissante pour débusquer la vérité, c'est l'essence même de l'Allégorie de Klimt.
Après la Vérité, voici la Sagesse, la Paix et la Richesse.
Véronèse : Allégorie de la Sagesse et de la Force. (1565-1580. Frick Collection, New York, 214 x 167 cm). C'est le pendant de l'Allégorie des Vertus et des Vices. La Sagesse regarde vers le ciel; Hercule humblement vers la terre.
L’Abondance et Paix sont réunies par Hans von Aachen : Allégorie de la Paix, de l’Art et de l’Abondance, (1602, Musée de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg).
Simon Vouet : La Paix (1627, Galleria Nazionale d'Arte antica, Rome). Tandis qu'une musicienne et une chanteuse célèbrent la fin des combats, la Paix s'apprête à détruire par le feu les armes devenues inutiles.
Simon Vouet : La Richesse (1630-35, Musée du Louvre). L'enfant désigne le ciel: Les vraies richesses sont spirituelles , supérieures aux biens terrestres tels les vases et les bijoux et même au savoir évoqué par le livre au premier plan.
Pierre Paul Rubens : Allégorie de La Guerre et La Paix (1629-30. 203 x 298 cm. National Gallery, Londres).
Rubens : Les Horreurs de la guerre. C'était l'époque de la Guerre de Trente ans. (1637-39. Palais Pitti, Florence). La paix, combattante nue entourée d'angelots, affronte un combattant effrayant tandis que tout à gauche une femme est terrorisée par le navrant spectacle.
Les attributs des Allégories
La signification des allégories est souvent incertaine et les interprétations divergent.
Que peut bien signifier cet énorme crustacé entre les pieds de cette allégorie ? Pour Hans Sebald Beham (1500-1550) qui est l'auteur d'une série de gravures sur les vices et les vertus, cette sorte de homard géant est associée à l'Infortune (Infortunium) comme l'aigle et le lion seraient associés à la Force (Fortitudo).
Si l'on considère sa Fortune (1541, Cleveland Museum of Art), on voit l'intention de faire apparaître ses attributs de manière très distincte : la roue du destin, la boule qui est susceptible de se déplacer d'un côté ou de l'autre, le bateau qui pourrait connaître une "fortune de mer"...
Les attributs des personnages, véritables délices de l'esprit pour les personnes cultivées de la Renaissance et de l'âge classique en Occident, constituent souvent des indices éclairants. C'est souvent par ces attributs qu'on identifie l'Allégorie :
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Un des meilleurs exemples de ces difficultés d'identification et d'interprétation est fourni par l'œuvre de Giovanni Bellini (1490, Gallerie dell'Accademia, Venise). Sa célèbre Prudence (ou Vanité) provient d'un ensemble de quatre allégories qui faisaient partie d'un meuble et comprenaient la Fortune (ou Mélancolie), le Mensonge (ou Sagesse), le Plaisir (ou Persévérance).
Dans ce dernier cas du Plaisir ou de la Persévérance, Bacchus, depuis son char tiré par des amours, offre une coupe de fruits à un guerrier, sans doute pour l'inciter à renoncer au combat. Une coupe de fruits se trouvait aussi devant la Mélancolie de Cranach.
Un érudit s'est rendu utile aux artistes et aux amateurs du XVIIe siècle en publiant une Iconologie : Cesare Ripa. Dans ses notices classées de A à Z, il inventoria les attributs des diverses vertus, vices et autres allégories et figures symboliques dans l'esprit de l'époque.
L'Abondance inaugure la série des notices de Cesare Ripa : « Elle est peinte ici en femme de bonne mine couronnée d'une guirlande de diverses fleurs et vêtue d'une robe vert en broderie d'or. De la main droite elle tient une Corne d'Amalthée pleine de fruits, et de la gauche un faisceau d'épis de plusieurs sortes de grains et de légumes, dont la plupart tombent pêle-mêle par terre. On la représente belle et aimable parce qu'elle ne l'est pas moins que l'Indigence son ennemie est laide de nature, et odieuse à tout le monde. Elle porte une guirlande pour montrer que des fleurs naissent des fruits, dont elle est la créature, et que l'allégresse et les délices sont ses compagnes inséparables. Le vert et le jaune doré, qui éclatent sur sa robe, lui font des couleurs extrêmement propres parce que l'un fait espérer une belle année et l'autre une bonne récolte de grains et de fruits, d'où se forme l'Abondance. Quant à la Corne d'Amalthée, qui est si fameuse dans les écrits des mythologistes, il paraît assez qu'elle est un symbole de l'Abondance par ces vers d'Ovide où il dit : Et de fleurs et de fruits les Nymphes la comblèrent / Puis aux Dieux immortels elle la consacrèrent.» (Source Gallica. On a modernisé l'orthographe).
Ceci correspond bien à l’Abondance peinte par Noël Coypel en 1700 : couronnée de fleurs, l’allégorie tient une corne d’abondance et est entourée des fruits de la terre.
Par l'emploi de la Corne d'abondance on peut rapprocher cette œuvre de l’Allégorie de la Terre de Cornelis et Paul de Vos (Johnny van Haeften Gallery, Londres). Quant à la présence de légumes et de fruits, c'est la caractéristique des Allégories de la Terre.
La corne d'abondance et la faucille se cachaient avec Paix, Abondance et Fertilité en arrière-plan de l'Allégorie du Triomphe de la Vérité de von Aachen vue précédemment. Plus loin nous retrouverons la corne d'abondance tenue par l'allégorie du Bonheur de Bronzino.
Ainsi l'Allégorie de la Terre de Jan Brueghel dit de Velours et Hendrik van Balen (vers 1625, Musée des Beaux Arts de Nice).
Abondance de Hendrik van Balen, 1632. (Kelvingrove Art Gallery and Museum, Glasgow). C'est encore un décor idyllique, très floral et végétal. Hendrik van Balen aurait été l'élève de Maerten de Vos.
Allégorie de la Terre de Maerten de Vos (vers 1600, Musée du Prado, Madrid). L'allégorie reprend l'image de la déesse Cérès.
L'Allégorie de l’Europe de Jean-Baptiste Oudry (1722, Museum of Fine Arts, Sarah Campbell Blaffer Foundation, Houston). Une déesse présentée en buste domine une série d'objets qui donnent une idée de l'horizon culturel et du goût du luxe de l'Européen cultivé au début du siècle des Lumières. Un violon, une guitare, une cornemuse et une flûte accompagnent un livret d'airs à la mode. Mais les instruments de musique étaient surtout plus fréquents dans les Vanités du XVIIe siècle. Un singe et un perroquet représentent déjà ici l'intérêt de l'Européen des Lumières pour l'exotisme.
Jean-Marc Nattier : Allégorie de la Justice punissant l'Injustice. (1737, coll. part.) Nattier répondait à une commande de Jean-Philippe d'Orléans (1702-1748) grand prieur de l'Ordre de Malte, fils du Régent, pour sa résidence parisienne la Palais du Temple. La Justice aurait ici les traits de Madame Adélaïde, fille de Louis XV, dont Nattier a aussi fait le portrait en 1756, mais elle n'aurait eu que cinq ans en 1737... L'Injustice qui s'est emparée frauduleusement des attributs de la justice, épée et balance, doit être corrigée par un pouvoir supérieur : d'où la main de justice, attribut royal, dans la main droite de la Justice.
Si une balance et une épée sont associées à la Justice, les yeux bandés indiqueraient la Chance. Les attributs végétaux sont nombreux dans les allégories de la Terre et de l'Abondance. Après avoir accompagné les allégories au temps de la Renaissance et du Classicisme, ces attributs réapparaitront au XIXe siècle avec les allégories de la République.
Les Allégories complexes
Parfois plusieurs concepts s'associent dans la même représentation allégorique et la complexifient.
Avec La Calomnie d’Apelle (vers 1495. Florence, Galerie des Offices), Botticelli a créé une allégorie fort complexe. La Vérité qui finit par triompher est une femme nue le doigt levé vers le ciel. Un homme en guenilles représente la Haine tandis qu’un autre figure l’accusation calomnieuse en menaçant les magistrats. Accompagnée des figures de la Séduction et de la Tromperie, la femme à la robe bleue incarne la Calomnie que l’accusateur tient par la main, tandis qu’à terre prie la victime presque nue. Le Soupçon et la Duperie murmurent à l’oreille du juge. Pour certains, c’est Botticelli lui-même qui se serait senti victime de calomnies.
La Mélancolie de Dürer, (Melencolia § I) 1514, modèle d’allégorie complexe dont les interprétations sont infinies. Le titre est tenu entre ses ailes par une chauve-souris sur fond d’improbable arc-en-ciel et d’une étoile ou comète très brillante. En dessous, une ville sur un rivage de lac ou de mer. Tandis que l’Ange médite, tenant un compas, une clef à la ceinture, le putto griffonne sur un cahier posé sur les genoux et assis sur une roue de meunier qui évoque la roue de la fortune à côté d’un polyèdre. Un chien (symbole de fidélité) dort à leurs pieds. Des instruments de menuiserie (marteau, tenaille, rabot, scie, clous) sont abandonnés au premier plan. Derrière les personnages, un petit bâtiment avec une échelle appuyée sur le mur. la balance accrochée au mur, le sablier, la cloche, et un carré magique dont les nombres additionnés en ligne en colonne ou en diagonale donnent 34. Allégorie de la création et des arts, on peut y voir la mélancolie qui touche l’artiste en quête d’une inspiration qui se fait attendre avec ces outils inemployés et le creuset sur le feu.
Mélancolie de Cranach (1532, Musée Unterlinden, Colmar). Mis à part le globe et le chien indifférent au couple de perdrix, cette œuvre de Cranach est fort dissemblable de celle de Dürer. Un nuage noir siège d'un combat diabolique flotte au-dessus du paysage que les bambins regardent par la fenêtre. Sur la table, une coupe de fruits avec d'appétissants raisins ne peut sortir la Mélancolie de son acédie à moins qu'elle ne soit la sorcière en train de tailler sa baguette. Cranach a daté dans le rebord de la table son œuvre au dessin anguleux et à la perspective forcée.
Une autre allégorie complexe est due à Mantegna : Minerve c’est-à-dire la Sagesse ou la Raison, chassant les Vices du Jardin de la Vertu, peint pour le studiolo d’Isabelle d’Este, (160 x 192 cm, Louvre, vers 1502). Tout à gauche, l'arbre anthropomorphe porte des phylactères dont le texte en latin, grec et hébreu appelle les Vertus à chasser les Vices. Armée d'une lance et précédée de ses consœurs, Minerve court, le regard dirigé vers un nuage où Force, Tempérance et Justice contemplent la situation. Au bord de l'étang, de gauche à droite, on distingue parmi les Vices : l'Oisiveté sans bras, la Luxure perchée sur un Centaure, plus loin l'Avarice et l'Ingratitude portant l'Ignorance couronnée.
Le Bonheur de Bronzino
L’Allégorie du Bonheur d’Agnolo Bronzino est une œuvre maniériste, (1564, huile sur cuivre, Galerie des Offices). Le Bonheur est représenté sous les traits d'une femme portant caducée et corne d’abondance, que la Gloire s’apprête à couronner tandis que la Renommée joue de la trompette. A gauche une personne mi-homme mi-femme tient devant elle un globe terrestre où l’on distingue le monde méditerranéen. A droite une Justice portant épée et balance. Au premier plan une femme nue tient une roue à manivelle. c'est la Fortune, elle fait face au Temps.
Les Allégories politiques
Parmi les détournements de l’Allégorie, les Allégories politiques sont particulièrement importantes au XIXe siècle. Mais on peut faire remonter leur histoire à Sienne en 1338.
Allégorie du Bon Gouvernement d’Ambrogio Lorenzetti (1338, Palais communal de Sienne). Sur un mur de la salle de la Paix, siègent les neuf magistrats de la commune, et les Vertus du Bon Gouvernement de la cité. Un imposant vieillard trône, coiffé du bonnet des podestats. Il tient comme un bouclier le sceau de la commune, symbole de son autonomie juridique, sur lequel figure la Vierge. Il est inspiré par des vertus théologales mais les allégories des vertus procèdent de son gouvernement. A sa droite (ci-dessous), la Paix, la Force et la Prudence ; à sa gauche, la Magnanimité, la Tempérance et la Justice.
Gros plan sur la Paix, la Force (Fortitudo) et la Prudence.
Le bon gouvernement doit conduire à la félicité publique.
Orazio Gentileschi : La Félicité publique (ca. 1625. Louvre). Commandée par Marie de Médicis pour le Palais du Luxembourg à Paris.
Jean-Jacques Lagrenée le Jeune : La Victoire (1770).
Aux XVIIe et XVIIIe siècle, l'allégorie est utilisée dans des commandes officielles pour commémorer les hauts faits des princes et des souverains.
L’Allégorie de la Régence d’Anne d’Autriche, de Laurent La Hyre, au château de Versailles, est un exemple d’allégorie politique, autrefois considérée comme allégorie de la paix de Westphalie qui mit fin à la guerre de Trente Ans (1648). La Vertu tient une couronne au-dessus de la tête de la Régente, celle-ci pose sa main sur un globe terrestre orné de fleurs de lys. A ses pieds les fruits de la paix. La Renommée joue de la trompette pour annoncer la paix tandis qu'un enfant met le feu à des armes.
L'Allégorie du roi Soleil où Louis XIV apparaît en Apollon dans le char du soleil peint par Joseph Werner (château de Versailles) tient également de la propagande royale au tout début du règne personnel. Le miniaturiste suisse appelé à la cour par Louis XIV le représente précédé par l'Aurore et escorté par les Heures (vers 1663).
Eustache Lesueur : Allégorie du Ministre parfait. (1653. Musée des Beaux Arts de Dunkerque).
Dominique Doncre : Allégorie de la Paix d'Amiens (1802, Musée des Beaux Arts d'Arras). Après la signature de la paix avec l'Angleterre Bonaparte conduit Mars et Bellone devant la Paix qui embrase de sa torche les armes devenues inutiles. La Renommée couronne le Premier Consul cependant qu'à l'arrière-plan à gauche la Discorde et la Furie quittent les lieux.
Les Allégories politiques se multiplient au XIXe siècle. Les nations en quête de liberté comme les peuples désireux d'indépendance ou d'unité, tous inspirent aux artistes des représentations allégoriques.
La Liberté guidant le peuple de Delacroix (1830. Musée du Louvre).
Du même Delacroix, La Grèce sur les ruines de Missolonghi, (1826. Musée des Beaux Arts, Bordeaux). Beaucoup d'Européens se sont passionnés pour la lutte des Grecs pour leur indépendance.
Le peintre vénitien Francesco Hayez. Méditation sur l’histoire de l’Italie, (1850. Musée de Vérone). Les années 1848-49 ont vu une première tentative d'unité nationale. L'histoire du pays reste marquée par l'Humanisme (le livre) et le poids de l'Eglise (le crucifix).
Modernité politique, la République est une allégorie qui s'est répandue au XIXe siècle tout d'abord en France.
Esquisse conservée au château de Versailles d'une grande toile aujourd'hui perdue, la République qu'Antoine-Jean Gros peignait en 1784-95 emprunte aux allures antiques : cette œuvre de jeunesse de l'artiste, habillée en tricolore, porte spartiates et bonnet phrygien, et tient l'équerre de l'égalité appuyée sur un faisceau symbole d'unité.
Autre esquisse due à Honoré Daumier, la République nourrissant ses enfants est dans le style des Charités de l'Âge classique. La Seconde République proclamée le 24 février 1848 avait lancé un concours pour représenter le régime républicain.
Daumier imagina pour sa République une femme forte tenant le drapeau tricolore, avec deux enfants au sein et un troisième en train de lire. L'œuvre fut écartée. Elle est cependant conservée au Musée d'Orsay.
La République d'Armand Cambon (1848, Musée Ingres, Montauban) s'identifie par ses attributs : le lion dompté symbole de force, le triangle symbole d'égalité, l'arc-en-ciel symbole de fraternité, la ruche symbole de travail, et bien sûr le drapeau tricolore que le gouvernement provisoire de Lamartine a fait adopter au détriment du drapeau rouge cher à l'extrême-gauche.
Jules Ziegler. La République (1848, Musée des Beaux Arts de Lille). On retrouve le lion dompté: la force de la République surpasse la force sauvage.
Ange-Louis Janet dit Janet-Lange : La République (1848. Musée Carnavalet, Paris). La tête couronnée de lauriers, elle brandit un flambeau pour éclairer le peuple et le monde dans un paysage marqué par l'industrie et les chantiers. Près d'elle, à gauche un coq gaulois, allégorie de l'agriculture avec divers attributs : une ruche, une corbeille de fruits, un rateau...) et à droite les instruments des arts et des sciences (palette, outils, globe terrestre, et des machines). Le socle qui porte la République comporte des symboles comme le triangle maçonnique, symbole de Liberté, Egalité, et Fraternité.
John Gast et la « Destinée manifeste » de l'Amérique (1872, Autry Museum of the American West, Los Angeles). Cette allégorie illustre la croyance qu'il appartenait à l'Amérique blanche juste sortie de la Guerre de Sécession de s'imposer depuis l'Atlantique jusqu'au Pacifique. Ainsi John Gast a-t-il représenté l' « Esprit de la Frontière » : colons et migrants guidés par l'allégorie géante — Columbia vêtue d'une toge antique — et par le progrès technique (chemin de fer et télégraphe) repoussent les Indiens et les bisons dans l'obscurité tout en apportant les lumières de l'Est, berceau du pays.
Au XIX° siècle, par un effet de glissement de sens, l'allégorie n'incarne plus seulement des abstractions mais des réalités bien concrètes comme celles de la Modernité.
Francisco Goya : Allégorie de l'industrie (1804-06, Musée du Prado, Madrid). On entend ici "industrie" au sens traditionnel puisque ces deux ouvrières filent avec un rouet.
Allégorie de l’industrie. (anonyme, Madrid, 1852). Rien mieux qu'une machine à vapeur pour représenter le Progrès technique au XIXe siècle. Les noms de Denis Papin, Fulton et James Watt sont inscrits sur la machine. L'Industrie s'appuie sur les œuvres de Descartes et Leibniz et à droite figure une pile de Volta.
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L'Allégorie s'est faite rare au XXe siècle.
Au sortir de la Grande Guerre, Joseph Edward Southall peignit en 1918 “la Belgique encouragée par l'Espoir” (The Tate, Londres). Une des vertus théologales, l'Espoir soutient le petit royaume allié dans sa reconstruction après la guerre dévastatrice. L'Espoir montre une scène idyllique à la Belgique qui tient dans sa main droite un épi de blé, symbole de son renouveau à venir.
A la même époque, la révolution russe s'imagina construire l'avenir radieux du Communisme. En témoignent l’Ouvrier et la kolkhozienne brandissant la faucille et le marteau, œuvre en acier inoxydable de Vera Moukhina, qui après avoir orné l'Exposition Universelle de 1937 à Paris a rejoint un parc de Moscou.
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Aujourd'hui l'allégorie n'a plus les faveurs des artistes contemporains sans doute en raison de son déchiffrement difficile et de ses interprétations ambigües.