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L'auteure s'est d'abord fait connaître par son étude de l'exil américain d'intellectuels et artistes français dans les années 1940, Paris à New York, et par une biographie de Claude Lévi-Strauss. Se lancer seul(e) dans une histoire culturelle de l'Europe, même « brève » ne manque pas d'audace, voire d'inconscience. Il s'agit en fait d'un cours de Science Po qu'Emmanuelle Loyer a repris pour l'édition. L'essai couvre la période contemporaine depuis à peu près le milieu du XIXe siècle (1851 - première exposition universelle à Londres) jusqu'en ce début du XXIe siècle (avec les ouvrages novateurs de Zygmunt Bauman et Hartmut Rosa sur la post-modernité ou “modernité tardive”).

 

 

Les différents chapitres abordés s'appuient sur des ouvrages de base récents qui ont marqué l'historiographie comme l’Avènement des loisirs sous la direction d’Alain Corbin pour le chapitre 12 intitulé Vers une “civilisation des loisirs ?” ou encore les ouvrages de Christophe Charle pour les chapitres 3 et 7 sur La société du spectacle et Les Intellectuels en Europe. Parmi les sujets relativement approfondis on retiendra l'étude des théâtres de la Belle Époque, ceux des quatre capitales les plus riches en équipements et pratique théâtrale, Londres, Paris, Berlin et Vienne, évocation guidée là encore par les ouvrages de Christophe Charle Le Temps des capitales culturelles et Théâtres et capitales. Au travers des treize thèmes étudiés l'historienne se focalise sur des périodes plus précises. Ainsi Flâner en ville insiste sur la culture urbaine de la Belle Époque, et Le temps des colonies sur les années 1920-30 où l'on met l'accent sur les contextes français et britannique.

 

À la lecture, on ne manquera pas de s'interroge sur ce qu'est au fond l'histoire culturelle. N'est-elle pas une chimère ? Bien sûr, en introduction Emmanuelle Loyer précise qu'elle suit « librement » l'« itinéraire […] de la modernité européenne ». À regarder de plus près, d'un thème à l'autre, il apparaît qu'on marche périlleusement sur une crête étroite d'où la perspective déboule rapidement dans les vallées de l'histoire économique, sociale ou de la vie quotidienne, au risque de laisser derrière soi les hauteurs de la culture — qu'il s'agisse de l'opéra moderne, de la pop ou du rock pour ne prendre qu'un axe de la culture, celui du domaine musical.

 

Cet exercice d'histoire invite aussi à relativiser ce dont parfois on a fait grand cas. J'en veux pour preuve le chapitre 1968, une révolte partagée ? Il ne fait plus aucun doute que les conséquences culturelles de la quasi-révolution de mai 68 ont pu paraître importantes sur le moment, mais à long terme elles se sont complètement évaporées devant la véritable révolution culturelle qui s'est opérée avec l'entrée dans l'ère du numérique, puisque même la vie privée et l'intime s'en trouvent chamboulés.

 

 

Une vue exhaustive de ce sujet d'histoire européenne est évidemment impossible en 400-500 pages, voire dix fois plus. On ne fera pas injure à l'auteur des différents sujets culturels qu'elle ne développe pas, à commencer par le développement à peine cité de l'école et de l'université. Ce pari quasiment impossible qui était d'écrire seul(e) une brève histoire culturelle de l'Europe donne toutefois une excellente introduction à la culture générale pour un large public à commencer par celui des lycéens de 1ère et Terminale pour compenser un enseignement de l'histoire trop centré sur l'histoire événementielle politique et guerrière.

 

 

• Emmanuelle Loyer - Une brève histoire culturelle de l'Europe. - Flammarion, coll. Champs, 2017, 507 pages.

 

 

Tag(s) : #HISTOIRE 1900 - 2000, #HISTOIRE 1789-1900, #EUROPE
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