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Dix-huit études sur la trahison jalonnant les cinq derniers siècles — telle est l'ambition de Franck Favier, Vincent Haegele et douze autres historiens réunis autour d'un thème passionnant. Si l'histoire de France est privilégiée avec dix articles, particulièrement avec la période de la Révolution et de l'Empire, le recueil comporte une ouverture européenne (Scandinavie, Espagne, Autriche) et vers des horizons plus lointains (Chine, Etats-Unis, Mexique).

 

Comme la trahison est très majoritairement le cas de militaires on pourrait se contenter d'une définition stricte : passer au service de l'ennemi. Mais comme le notent les auteurs en introduction « il est des trahisons plus ambiguës ». Individuelle ou collective, la trahison demande en effet une définition plus large de manière à inclure celle de princes révoltés que hérisse la montée de l'absolutisme jusque dans la sphère religieuse, celle d'émigrés de 1792 ou 93 passant la frontière pour tenter d'échapper aux jacobins fanatiques, ou celle enfin d'académiciens devenus des hommes de l'anti-France par leur pétainisme passif ou actif.

 

Ce qui fait le traître c'est aussi l'échec d'un projet. Vingt ans après la Fronde, le chevalier de Rohan n'a pas fait trembler le pouvoir absolutiste de Louis XIV ; coupable de lèse-majesté il est décapité le 27 novembre 1674. D'autres n'ont pas de projet clair : le général Sarrazin traverse la Manche en 1810 après une série d'affectations qui ne l'avaient guère satisfait ; ses pamphlets anglais contre « Buonaparte » et sa bigamie lui valurent seulement de mourir en exil. Quant à Bazaine il avait déjà son bâton de maréchal quand l'année 1870 l'envoya face aux Prussiens, qu'il arrêta trop vite les combats après Gravelotte et capitula à Metz. Lui aussi mourut en exil car Mac Mahon — qui n'était pas sur le banc des accusés mais à l'Elysée — utilisa son droit de grâce.

 

Hors de l'espace hexagonal, les auteurs invitent à découvrir des personnages peu connus des lecteurs français. D'abord héros de la guerre d'Indépendance des colonies américaines, Benedict Arnold finit par se vendre aux Anglais : c'est un cas de « héros gâché » ! Se vendre, mais aux Russes, c'est aussi le cas du colonel Alfred Redl, une grosse affaire d'espionnage qui fit scandale à Vienne, l'espion se suicidant le même week-end qui vit Hitler passer en Bavière, devenant un traître et perdant la nationalité autrichienne...

 

On sait comment les traîtres finissent. L'exécution capitale intervient si la justice de leur pays n'hésite pas à sanctionner absolument leur crime, c'est le cas de Cinq-Mars, de Ney comme de Quisling... Sinon le décès en exil les attend : ainsi pour Bazaine, Sarrazin, Benedict Arnold, ou encore Wang Jingwei le rival de Tchang Kaï-chek qui choisit de collaborer avec le Japon malgré l'invasion et le sac de Nankin.

 

Ces histoires de trahison sont parfois si passionnantes qu'on peut se laisser aller à regretter la relative brièveté des articles...

 

Franck Favier et Vincent Haegele (dir.) Traîtres. Nouvelle histoire de l'infamie. Passés Composés, 2023, 269 pages.

 

 

Tag(s) : #HISTOIRE 1500-1800, #HISTOIRE 1900 - 2000, #HISTOIRE 1789-1900
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