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Entre le Mexique et les États-Unis la frontière est aussi bien politique qu'économique et mentale. Elle suscite un flux de migrants sans cesse plus important. Mais au lieu de conduire son roman de manière strictement réaliste, Yuri Herrera parvient à nous déconcerter tant par les étapes de son récit que par son écriture.

Une jeune femme, Makina, habituellement occupée à tenir une cabine téléphonique, se voit chargée par sa mère, Cora, d'aller de l'autre côté de la frontière délivrer un message à son frère. Elle aura donc besoin d'un ou plusieurs passeurs de confiance. Bien des choses semblent se dérouler de manière plutôt magique. Quelqu'un l'attendra à la frontière pour lui faire franchir le fleuve, on la guidera jusqu'à un endroit où retrouver son frère, etc. Derrière ces contacts, le lecteur comprend l'existence d'une organisation. À une exception près, les personnages que Makina rencontre restent anonymes : monsieur Doublevé, monsieur Q, monsieur Hache... — un vrai réseau de narcotrafiquants — d'ailleurs Makina est chargée d'un mystérieux paquet qu'elle remet à monsieur Pé, « le quatrième des gros durs ».

Pourtant, loin d'un thriller sur de dangereux trafics, l'aventure de la jeune femme s'apparente à un conte merveilleux, avec neuf étapes à franchir, neuf chapitres aux titres aussi énigmatiques que celui qu'on trouvait au roman avant de l'avoir lu, telle cette « montagne d'obsidienne » et « le lieu où l'on mange le cœur des gens » ou encore « le serpent qui attend » — à comprendre comme expressions propres à la vieille civilisation aztèque confrontée au moderne pays des « Gavaches » (gabachos dans le texte d'origine).

À l'issue de sa course, Makina sera changée — avec « de nouveaux numéros, un nouveau métier, un nouveau foyer » — comme son frère aussi a changé (je n'en dirai pas plus). Faut-il y voir le symbole de la rupture que l'émigration ne peut manquer de produire sur les êtres ? Très certainement. Objet d'une « métamorphose », la langue parlée par les émigrés que Makina rencontrait en recherchant son frère, soulignait déjà cette rupture qui la conduisait à une perte d'identité. « On m'a dépouillée, balbutia-t-elle ».

Ce court roman ne provoque peut-être pas un vrai “coup de cœur” mais il se distingue par la double impression d'étrangeté et de facilité qu'il procure au lecteur.

 

Yuri Herrera. Signes qui précéderont la fin du monde. Traduit par Laura Alcoba. Gallimard, coll. Du monde entier, 2014, 118 pages.

 

Tag(s) : #AMERIQUE LATINE, #MEXIQUE
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