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La traversée du XX° siècle par un Chinois d'origine très pauvre, qui parvint à devenir professeur et qui la moitié de sa vie resta victime de l'idéologie maoïste : à ces quelques mots on devine déjà quel est l'intérêt de l'autobiographie du professeur Chen Ming (1908-1996).
Issu d'une famille pauvre dont le père est réduit à mener l'existence d'un coolie, il réussit cependant à suivre l'école grâce aux privations et à l'habileté de sa mère. À force de travail acharné et de dures privations, Chen Ming est admis en 1927 à l'École centrale de Nanjing et devient professeur de lycée. En 1935-37, grâce à une bourse du gouvernement nationaliste, il se rend en Angleterre pour parfaire sa connaissance de l'histoire européenne et devient professeur d'université à son retour. Mais la Chine est envahie et connaît alors l'occupation japonaise. En 1946, il peut de nouveau enseigner, mais pas pour longtemps : le régime communiste voit en lui un dangereux élément, un « intellectuel puant », compromis auprès des capitalistes. Arrêté en 1951, il est expédié au laogai — le goulag chinois — et condamné, sans procès évidemment, à y passer cinq ans.
Les souvenirs des années 1951-56 valent par des détails fort précis sur les conditions d'internement, les brutalités subies, qu'elles soient physiques ou morales comme cette exigence de confessions des fautes, confessions jamais jugées satisfaisantes, car les enquêteurs n'admettent pas qu'un gamin d'un milieu extrêmement pauvre ait pu, avant l'époque communiste, réussir à s'en sortir et à faire des études pour devenir enseignant. L'idéologie communiste ne pouvait pas admettre cela. Au laogai, Chen Ming et ses semblables sont astreints à de durs travaux de terrassement, notamment pour canaliser la rivière Wei. Il deviendra ensuite balayeur.
Libéré du laogai, il est bientôt impliqué dans la Campagne anti-droitière qui suivit les promesses mensongères de la campagne des Cent Fleurs. Classé comme mauvais élément dans les Quatre Catégories (propriétaire foncier, membre de l'administration nationaliste de Jiang Jieshi, élément droitier, etc...) il subit les affronts du Grand Bond et de la Révolution Culturelle, et n'en finit pas d'être harcelé. Son fils est déporté au Xinjiang. Durant ce dernier épisode de troubles, son domicile est saccagé à plusieurs reprises par les Gardes Rouges incultes. Durant ces années noires, il a vu disparaître de nombreux intellectuels victimes de tortures, tandis que beaucoup se suicidaient, y compris parmi ses relations, avant d'être réhabilité en 1978.
Les huit chapitres de l'autobiographie portent comme titres de poétiques expressions chinoises, qui contrastent avec la noirceur des faits. Cette autobiographie impubliable en République populaire, l'auteur la confia à Camille Louvier, alors étudiante en Chine, ainsi qu'elle l'explique dans la postface. Ce livre captivant ajoute une brique utile à l'édifice déjà imposant que forment les témoignages à charge contre le régime communiste imposé par Mao Zedong en 1949.
CHEN Ming. Les nuages noirs s'amoncellent. Traduit du chinois par Camille Loivier. Pocket, 2015, 225 pages.
Tag(s) : #LITTERATURE CHINE, #AUTOBIOGRAPHIE
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