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Avec Pivoine, Pearl Buck reprend le schéma qui prévaut dans Pavillon de femmes, c'est-à-dire une variante du huis clos puisque à de brèves exceptions près l'action se passe dans une grande demeure familiale. Mais cette fois-ci il s'agit de la maison d'Ezra ben Israël, riche marchand d'une petite communauté juive en Chine. L'action se situe à Kaifeng, capitale du Henan près du cours inférieur du Ho Hang-He. Quant à l'époque, c'est assez tardivement dans le récit qu'on peut la situer au cœur du XIXe siècle : des indices font allusion à la guerre de l'opium et à la révolte des Taipings (1851-1864) qui s'achève dans le Sud du pays.

 

Mais ces précisions ne doivent pas nous égarer. Il s'agit d'une splendide histoire d'amour entre Pivoine une jeune et jolie servante et David le fils d'Ezra et de Naomi ben Israël. Pour rendre l'histoire plus piquante, Pearl Buck place le jeune homme au milieu des intrigues de quatre femmes. Outre Pivoine qui l'aime et sert fidèlement sa famille, David est très influencé par sa mère qui, en vraie mère juive, veut régenter la vie de son fils unique et s'est mis en tête de le marier à Leah, la fille du rabbin, tandis que ledit David commence à s'intéresser à la troisième fille de l'associé chinois de son père, la très belle Kueilan. Dans ce schéma qui n'est pas sans évoquer le théâtre de Racine, il apparaît vite que David n'a pas vraiment d'attirance pour Leah alors que celle-ci compte bien épouser le riche héritier. Sachant qu'il est hors de question que David l'épouse ou devienne sa maîtresse malgré leur attraction réciproque, Pivoine joue avec succès l'entremetteuse entre Kueilan et son jeune maître.

 

En dehors de cette love story un peu particulière, la romancière traite de quelques thèmes secondaires. Le plus important à mes yeux est la confrontation des cultures chinoise et juive, dans une situation évidemment très asymétrique vu le nombre réduit des fils d'Israël dans cette cité de Kaifeng. Le déclin de la synagogue est explicite : de moins en moins de fidèles, un rabbin aveugle, son fils Aaron devenu voleur, et c'est bientôt la ruine du lieu de prières. Or Naomi s'attachait à sa communauté et rêvait de voir son fils David prendre la relève du vieux rabbin. En pratique la société chinoise est en train de “digérer” en douceur la minorité étrangère. Pearl Buck montre aussi que les Chinois ont du mal à comprendre la religion juive et ce Dieu exclusif leur semble bien étrange. Elle qui était fille de missionnaire est bien placée pour comprendre cet aspect des choses.

 

Une fois David et Kueilan mariés et riches d'enfants, le roman n'a plus qu'un suspense à traiter : que Pivoine deviendra-t-elle ? Un voyage à la cour de Beijing jouera un rôle décisif pour une solution surprenante mais pas forcément inattendue.

 

L'écriture de Pearl Buck est en tous points semblable à celles de ses autres romans chinois mais ici, sans doute du fait de l'intrigue très fouillée au plan psychologique, la lecture m'en a paru parfois un peu ennuyeuse.

 

• Pearl Buck : Pivoine. Traduction de Germaine Delamain. Stock,1951, 396 pages. [Peony, 1948]. Existe en Livre de Poche, depuis 1972, dans la même traduction.

 

Tag(s) : #LITTERATURE ETATS-UNIS, #LITTERATURE CHINE
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