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     Dans ce roman chronologique et linéaire où le romanesque a peu de part, Pearl Buck retrace la vie quotidienne d’une paysanne chinoise au début du XX° siècle. « La Mère » sans nom ni prénom, symbolise toutes les femmes de sa condition, vouées à une vie de labeur, de misère et de chagrins, où les joies restent rares. Mais l’auteur n’idéalise pas son personnage ; elle brosse un caractère de femme forte, charnelle, qui n’a rien d’une piéta.
Le réalisme de Pearl Buck éclaire aussi le contexte : à l’époque, en Chine, des groupes de communistes apparaissent, dans la ville dont on ignore le nom.

 

     Dans un petit village dont les habitants sont tous parents, la Mère et son époux survivent en cultivant des terres louées. Elle ne ménage pas sa peine entre les champs, les animaux, sa vieille belle-mère et trois jeunes enfants. Elle accepte cette existence, et son bonheur c’est d’être enceinte. Mais, à vingt-huit ans, son mari ne s’occupe guère des enfants, déteste le travail des champs et ne supporte plus ce monde où rien ne change. Un jour, suite à une violente querelle, il part et abandonne les siens. Pour ne pas perdre la face devant les voisins, la Mère s’enfonce dans le mensonge, jusqu’à se prétendre veuve.

     Cinq années passent, elle assume avec son fils aîné les travaux des champs, mais son corps stérile la fait souffrir car elle a « le sang chaud et des feux violents » selon sa cousine... Elle cède un soir aux avances de l’agent venu prélever la part des récoltes due au propriétaire. Enceinte elle avorte mais reste marquée par sa faute à tel point qu’elle se croit responsable de la cécité de sa fille. On trouve une épouse à l’aîné ; le géomancien approuve l’union mais la Mère, autoritaire, accepte mal sa bru, pourtant dévouée. Elle-même cherche mari pour la petite aveugle : mais ce n’est qu’un simple d’esprit, paysan crasseux de la montagne. Sa fille meurt là-bas de mauvais traitements. S’ajoutent à ses malheurs la stérilité de sa bru, et la fuite de son cadet chéri qui refuse de prendre femme. Il vit à la ville dont on ferme les portes le soir par peur des nouveaux brigands, des « communistes, mais on prétend qu’ils n’en veulent pas aux pauvres ».

     Ce  fils cadet est jeté en prison et condamné à mort en raison des livres qu’il distribuait et qui « contenaient de mauvaises doctrines sur le renversement de l’État et sur le partage égal de l’argent et de la propriété ». La Mère tente de le faire libérer, en vain. Le gardien lui explique que son fils est « quelqu’un qui irait jusqu’à vous prendre vos terres et qui complote contre l’État, en sorte qu’il doit être mis à mort ». Mais, à la cinquantaine, la joie  revient au cœur de la Mère : sa bru accouche d’un garçon !


 

     Pearl Buck donne à voir les paysans chinois d’antan, où les hommes portent des robes et les femmes des pantalons, dans ce village où, fait notable, on n’élimine pas les filles à la naissance. Le style de la romancière, tout en étant fluide, reste mesuré ; les émotions sont contenues, les paysans parlent la langue classique ; on sent le souci d’écrire de la belle littérature. Par ailleurs, l’absence de toponyme confère au récit une portée générale : telle était la Chine avant que la Révolution ne la bouscule.

     Lire ou relire Pearl Buck offre une enrichissante prise de recul, tant littéraire que culturelle.


 

Pearl Buck. La Mère. (The Mother, 1933) - Traduit de l'anglais par Germaine Delamain. Stock, 1935. Livre de Poche, 1959, 245 pages.

 

Tag(s) : #LITTERATURE ETATS-UNIS, #LITTERATURE CHINE
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