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Le narrateur de ces récits de voyages cocasses et son ami Andreï ont laissé derrière eux l'URSS quand « le socialisme rendit brusquement l'âme » ; ils se sont installés à Berlin y vivant de petits boulots et n'ont guère voyagé plus loin que le Danemark en auto-stop. Kaminer-Trulala.pngPas facile l'auto-stop au pays de la petite sirène ! « Les Danois sont tout à fait hospitaliers et serviables mais leur cerveau fonctionne bien trop lentement, nous expliqua Peter, l'ethnologue. Avant qu'ils remarquent la présence de quelqu'un au bord de la route, ils sont deux kilomètres plus loin. À ce moment-là, bien sûr, ils se demandent si la personne qui était au bord de la route aurait aimé qu'on la prenne, mais là ils ont encore fait cinq kilomètres. » En revanche, à Berlin, ils ont fréquenté d'autres aventuriers, des Allemands comme des Russes émigrés, qui ont voyagé plus loin... Autrefois, Boris, l'oncle du narrateur, avait gagné un voyage à Paris sans quitter l'URSS de 1948, et ça c'était grâce à une mystification voulue par Staline. Mais Alex, le peintre du « réalisme antisocialiste », lui, y était allé pour de vrai, et il avait même exercé à Montmartre entre deux Chinois versés dans les idéogrammes pour touristes et un Yougoslave qui se prenait pour Michel-Ange. L'Amérique, c'est « Eduard Limettov » qui l'a visitée : en fait notre auteur se contente de résumer les aventures vécues par Limonov de New York à Krasnoïarsk. Et la Crimée ? En 1944 Joseph Beuys servait dans la Luftwaffe quand son avion fut abattu au cœur de la péninsule ; blessé, il eut la chance d'être soigné par des Tatars collabos utilisant graisse, feutre et miel. Pour Beuys, ce fut une « révélation » et plus tard, il utilisera ces mêmes ingrédients pour devenir un « grand artiste allemand » (je laisse la responsabilité de cette affirmation à l'auteur). De nos jours, des chercheurs comme Martin vont en Crimée retrouver les traces de cette aventure militaro-artistique : et c'est à Trulala qu'on se moque d'eux en leur vendant des babioles, des morceaux d'avion et autres souvenirs bidons, en leur montrant même un prétendu fils de Joseph Beuys... Le livre se termine sur l'histoire d'un autre Martin, député du parti des Verts, qui projette un raid en vélo depuis Heidelberg jusqu'en Sibérie, à qui le narrateur donne des conseils pour être hébergé à la campagne : « Tu ne dois jamais dire en Russie : "Chère madame, est-ce que je peux passer la nuit chez vous." Il faut que tu t'exprimes de façon claire et concise. Dans un village, tu cherches une vieille femme, pauvre, et tu lui dis "Hé, sorcière, tu veux gagner cinq dollars ?" Point.» Et le cycliste pédala jusqu'à Svetlogorsk sans s'être fait voler son mountainbike. On trinque allégrement dans cette Russie du temps d'Eltsine dont « le gouvernement est occupé en permanence à inventer de nouveaux jours de fête, pour fournir une digne justification à cet échauffement par l'alcool ». Avec Wladimir Kaminer, on peut rire de tout et spécialement des Russes, qu'ils boivent à la santé du KGB, ou qu'ils se fassent arrêter pour terrorisme la nuit dans les jardins du Luxembourg après avoir acheté des conserves d'Air de Paris. L'humour, à ce rythme stakhanoviste, devient presque épuisant pour le lecteur !

Wladimir Kaminer : Voyage à Trulala. Traduit de l'allemand par Jeanne Etoré-Lortholary. Belfond, 2005 et 10/18, 2009, 148 pages.

 

Tag(s) : #LITTERATURE ALLEMANDE
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