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Au IVe siècle, l'Empire est devenu chrétien : la religion née en Palestine fut tolérée sous Constantin, puis imposée sous Théodose. Entre temps, un neveu de Constantin, Julien, tenta d'inverser le cours des croyances.

 

Le roman biographique d'Eugene Luther Gore Vidal est nourri aux meilleures sources historiques disponibles en 1959-1964 quand l'auteur américain l'a rédigé. Ce n'était pas le premier roman sur cet empereur : Dimitri Merejkovski avait publié en 1894 un "Julien l'Apostat ou La mort des dieux" (Gallimard, 1957) … en nettement moins épais que celui qui nous intéresse ici. Comment faire un roman différent avec ce Julien mort en 363, à trente-deux ans, dans un combat contre les Perses lorsque son armée a fait demi-tour devant Ctésiphon ? Non pas par la chronologie : Gore Vidal respecte la convention biographique ; il raconte la jeunesse de Julien, son quinquennat de César en Gaule, puis sa brève existence d'Auguste.

 

L'originalité est ailleurs : il imagine que Priscus et Libanios, deux vieux philosophes grecs, sont en relation épistolaire. Pour écrire une biographie de l'empereur défunt, Libanios —qui a été un célèbre professeur à Antioche— doit compléter sa documentation auprès de Priscus, autrefois compagnon de Julien. Priscus lui envoie la copie des Mémoires que l'empereur aurait dictés pendant sa fatale campagne d'Orient et ensuite subtilisés... dans la confusion qui avait suivi sa mort. En mettant en scène Libanios, Gore Vidal adhère à son interprétation : le souverain helléniste et antichrétien a été victime d'un complot sur le champ de bataille même. Un vétéran devenu homme d'affaires, Callistus, ne se vante-t-il pas d'avoir lui-même tenu la lance régicide ? L'empereur Théodose finira par interdire la publication de l'ouvrage supposé de Libanios — dont on connaît par ailleurs des textes concernant le règne de Julien, lui-même édité aux Belles Lettres (collection Guillaume Budé).

 

En quoi le lecteur d'aujourd'hui peut-il se trouver concerné par ce gros livre s'il n'est pas un passionné d'histoire ancienne ? Plus que les considérations sur la situation militaire de l'Empire, ou le redressement de la Gaule, il s'attachera sans doute à l'histoire de la dynastie au pouvoir puisque Julien a vécu ses années de formation à l'ombre de son oncle Constance responsable à la fois de la mort du frère et du père de Julien et de son élévation au statut de vice-empereur en 360. L'ambiguïté se retrouve aussi dans l'attitude d'Eusebia, l'épouse de Constance : elle passe pour le protéger en même temps qu'elle serait responsable de la mort des nouveaux-nés de l'épouse de Julien. À la mort de Julien, qui ne s'était pas remarié, la dynastie n'avait plus d'héritier direct !

 

Mais l'essentiel reste le projet de renaissance religieuse que porte de façon brouillonne l'éphémère souverain dans sa précipitation à relever les vieux temples de leurs ruines, politique qu'il est un peu forcé de qualifier de tolérance religieuse malgré l'édit pris en ce sens à Constantinople. Zeus, Hélios, Hermès, Cybèle, Mithra... à eux tous il lui plait de sacrifier alors qu'il s'oppose aux « galiléens » et dénonce les églises comme autant de « charniers ». « Le seul reproche que je puisse faire à Julien c'est qu'il était trop pressé. Il voulait tout restaurer à la fois. En quelques mois nous devions revenir à l'époque d'Auguste.» On ne peut que suivre l'opinion de Libanios. Le chef de l’État a souvent consulté les oracles et souvent sollicité la flatterie des devins plutôt qu'écouté la raison en laquelle il disait croire quand il était étudiant à Athènes.

 

• E.L. Gore Vidal : Julien. Traduit par Jean Rosenthal. Galaade éditions, 2006, 736 pages. (Existe aussi en "Points").

 

 

Tag(s) : #BIOGRAPHIES, #EMPIRE ROMAIN, #LITTERATURE ETATS-UNIS
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