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« Je dédiai le premier de mes livres, où rien n'était de moi que le titre, à la mémoire de mon ami Leo Himmelfarb.» Ce court roman superbement écrit porte un nom qu'on associera désormais à des aventures ethnologiques en Amazonie. Himmelfarb, le héros du livre, est un juif de Galicie qui après s'être battu contre le fascisme au sein des Brigades Internationales a trouvé refuge au Brésil chez des Allemands de Blumenau. Richard, un jeune chercheur de l'université de Leipzig, est venu au Brésil avec une bourse du IIIe Reich. À São Paulo, en 1940, Luisa, une femme plutôt avenante lui présente Himmelfarb qui deviendra son guide, son assistant, le véritable artisan de cette mission et jusqu'à l'origine de sa fortune. Mais certainement pas « son ami ».

Au contraire de son partenaire, Richard, qui a tout métissage en horreur, se met à détester aussi bien ce travail que les Indiens Hopis. « J'aurais même pu atterrir dans une marmite, un privilège auquel n'ont plus droit les voyageurs actuels.» Leo le qualifie non sans raison d'« ethnologue de hamac.» Au bout de deux années de mission, Richard abandonne Leo dans la forêt amazonienne le laissant, malade, aux mains d'un groupe d'Indiens. De retour en Allemagne il publie dans les années 50 à 80 des livres traitant des Indiens d'Amazonie, plagiant les documents rédigés ou dictés par Leo. Ces publications l'enrichissent et il devient célèbre. Les éditeurs lui adressent toutes les nouveautés qui touchent à cette science réduite à ses yeux à « une sorte de tourisme haut de gamme ». À chaque nouveau volume, dira Richard, « je consulte l'index pour voir si mon nom y figure.» Et il boude tous les autres. Il était devenu « un vieil homme grognon qui tenait le monde à distance grâce à un doberman…» Un jour, alors qu'il vient de fêter ses quatre-vingts ans il reçoit une lettre postée de Haïfa. Il reconnaît tout de suite l'écriture de Leo Himmelfarb... 

Ce courrier inattendu oblige le faussaire à se remémorer de vastes pans de son existence, tant des épisodes de sa vie au Brésil que des années confortablement passées à Munich, à rechercher les souvenirs de celui qu'il a trahi et dont il ignorait tout depuis la fin de l'intermède brésilien, le croyant décédé. Après avoir accumulé l'argent et les livres, et ignoré sans remords son bienfaiteur, Richard va-t-il chercher à se racheter et répondre à l'invitation venue d'Israël ? Ou continuer de se terrer dans sa grande maison, simplement visité par son facteur et sa femme de ménage ? Michael Krüger nous réserve une fin assez surprenante, plus symbolique que réaliste malgré les détails du récit. Le thème du plagiat se retrouve dans l'œuvre récente de cet auteur : "La comédie de Turin".

Michael KRÜGER  -  Himmelfarb. Traduit de l'allemand par Claude Porcell, Le Seuil, 1996, 170 pages.

 

 

 

Tag(s) : #LITTERATURE ALLEMANDE
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