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Giorgio TODDE a écrit avec "L'état des âmes" un polar récompensé par le prix Berto, autant dire le Goncourt en Sardaigne.
C'est un vrai polar. Avec un meurtrier et son complice — et je ne vous dirai pas qui. Avec trois victimes, dont une très jolie femme qu'Efisio Marini va momifier après l'avoir autopsiée. La première victime est une veuve âgée, morte de la consommation d'une hostie empoisonnée. Comment cette hostie a-t-elle pu arriver dans le ciboire et passer entre les mains du curé ? La seconde victime, c'est la belle Graziana Bidotti : n'est-ce pas elle l'assassin puisque Milena Arras voulait la déshériter ? Et quand meurt le gros député libéral Rais Manca, ne peut-on pas supposer que l'assassin est un de ces bandits illettrés tel Serafino Lovicu ? Beaux contrastes entre ces bandits et le curé qui cite Xénophon en plus d'être latiniste. Mais qui n'est pas troublé par les beaux yeux de Graziana ? Même l'auteur, qui sait de quoi il parle, étant ophtalmologue.
C'est une histoire sarde. Avec forte chaleur, femmes tout en noir, bandits de grands chemins et débiles qui prennent le maquis et deviennent bergers de chèvres qui se gardent toutes seules. L'action se passe principalement dans un village hors du temps et perdu dans la montagne, Abinei, où la population stagne, avec ses huit cents âmes que décompte le curé, don Càvili, lui qui connaît à l'unité près, le nombre des hosties qu'il lui faut consacrer chaque dimanche. S'il calcule le nombre exact des habitants, tenant l'état des âmes, ce n'est pas parce que l'Institut italien de statistiques n'existe pas encore, mais parce qu'à chaque naissance dans le village correspond une mort qui équilibre le nombre des vivants. L'accoucheuse met le curé au courant des futures naissances et il peut se soucier des futurs défunts. Plusieurs personnages semblent avoir l'esprit aussi tordu que les chênes rabougris qui poussent sur les versants de la Barbagia. Ce milieu a attiré des chercheurs avant d'inspirer Giorgio Todde. En 1897, Alfredo Niceforo a publié une théorie scientiste sur "La Délinquance en Sardaigne". Ce milieu sauvage, Maurice Le Lannou l'avait superbement étudié dans sa superbe thèse de géographie : "Pâtres et paysans de la Sardaigne" (1941).
C'est un hommage à un savant du XIXè siècle. Dans cette île du Mezzogiorno, qui en est en 1892 plus près de l'âge du bronze qu'à l'âge du bronzage, l'enquête de la police est évidemment animée par un officier venu du Nord, le capitaine Pescetto, vite exaspéré par la situation insulaire et l'archaïsme de la mentalité du village sarde. L'enquête est aussi et surtout menée par le médecin Efisio Marini (1835-1900), un personnage réel qui allie la psychologie à ses connaissances médicales, et que ne découragent pas les 170 kilomètres de routes poussièreuses qui séparent Cagliari du terrain des crimes. Ce Merisi était célèbre pour ses momifications par pétrification et Napoléon III lui a décerné la Légion d'honneur. Il était aussi inspiré par les recherches sur la forme du crâne, et lorsqu'il visite Lovicu en prison, le voyant atteint d'épilepsie, il tient à mesurer son crâne : « Il est dolicocéphale ! Alfredo Niceforo, tu t'es trompé ! Alfredo, tu n'es qu'un âne! Lovicu est dolicocéphale, comme moi, comme vous, capitaine !»
 
• Giorgio TODDE : L'état des âmes. Traduit de l'italien par Thierry Laget. Folio policier, n°378, paru en 2005.
1ère édition italiennen en 2002, par Edizioni Frassinelli.
1ère édition française chez Albin Michel. 2003.
 

Tag(s) : #LITTERATURE ITALIENNE, #SARDAIGNE
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