
Comme Victor Hugo dans "Histoire d'un crime", Abdelwahhab Meddeb a identifié un coupable principal. Plutôt qu'Ousama ben Laden, son Napoléon le petit est donc Abd al-Wahhâb, l'illuminé du XVIIIè siècle, dont la vision rabougrie et caricaturale d'un islam maigre, pauvre et pudibond s'est trouvée connaître un improbable destin suite à la semi-réunification de la péninsule arabe par la dynastie d'Ibn Saoud enrichie par les pétrodollars. L'intégrisme made in Arabia est un article d'exportation dont le succès doit aussi à d'autres acteurs passés et présents. Abdelwahhab Meddeb remonte ainsi aux premiers siècle de l'hégire pour trouver un islam rationaliste, le mouvement des Motazilites, d'abord soutenu par le calife al-Mamûn, a été brisé en 847 par Mutawakkil.
« En islam, cette maladie s'est exprimée maintes fois à travers l'histoire. Elle s'est manifestée par deux fois dans l'Occident musulman, à travers les deux dynasties d'origine berbère, au XIIe et au XIIIe siècle, celle des Almoravides, suivie par celle des Almohades. Les premiers prônaient un malékisme élémentaire, exclusif, fruste. Ils étaient, à leur commencement, ennemis des arts. Après avoir conquis Séville, ils firent d'énormes bûchers avec les instruments de musique ; des bibliothèques entières nourrirent les flammes de leur autodafé...»
Quel traitement prescrire ? Selon Abdelwahab Meddeb il faut mettre fin à l'exclusion occidentale de l'islam, dont les racines sont anciennes : « l'incompatibilité occidentale avec le despotisme oriental , dont la première expression poétique date des "Perses" d'Eschyle, une tragédie politiquement fondée sur l'opposition entre l'acceptation du joug de la servitude par le sujet perse et l'insoumission au nom de la liberté qui animé le citoyen athénien.» Et l'auteur de citer l'exemple de ces Occidentaux qui ont su s'inspirer de la culture islamique : Goethe et son "Divan occidental-oriental", ou bien Aragon et son "Fou d'Elsa". L'auteur invite aussi l'Occident à résoudre la question palestinienne et à libérer le peuple irakien du joug qu'il subit. Sur ce dernier point, je doute que l'auteur ait été satisfait des résultats à ce jour du renversement de Saddam Hussein.
L'auteur conclut en invitant le lecteur à ouvrir le Coran pour y lire ce verset — comme l'avait fait Voltaire dans son "Traité de la tolérance" — « Point de contrainte en religion.» (Coran, II, 256). Ce livre n'est pas qu'un pamphlet ; il sera lu avec plaisir par tous ceux qui s'intéressent à l'histoire du temps présent comme par tous les lecteurs férus d'histoire des idées : l'érudition d'A. Meddeb fait merveille, enjambant les siècles et les rivages du monde méditerranéen.
• Abdelwahab MEDDEB : La maladie de l'islam. Seuil, Paris, 2002, 221 pages.
• Réédité en collection "Points"
• Réédité en collection "Points"