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Curieux roman que ce premier opus d'Antonio Tabucchi dont la publication initiale remonte à 1975. La célébrité de l'auteur, né en 1943, professeur à l'université de Sienne, s'est fondée sur d'autres titres comme "Péreira prétend" ou "Nocturne indien" dont Alain Corneau a tiré un film très réussi. Elle s'est aussi fondée sur son opposition à Berlusconi et sa connaissance de l'œuvre de Fernando Pessoa, ce qui est sans doute plus original.

J'avoue d'emblée qu'on peut être vite déçu par "Piazza d'Italia" tant ce roman donne l'impression d'être une création inachevée, non pas comme des tableaux de Leonardo da Vinci où l'on s'extasie du "non finito", mais comme une automobile incomplète à laquelle, de ci de là, il manquerait une roue, deux bougies, un amortisseur, ou une portière, etc... L'incipit voit déjà périr un premier personnage du nom de Garibaldo : il avait crié "A bas le roi !" alors que son modèle — Garibaldi on suppose — avait tant contribué à l'unité nationale, à l'accomplissement du Risorgimento. Vient ensuite un autre Garibaldo qui sera lui victime du garde-chasse. En attendant que le troisième du nom tombe pour la Démocratie, mais à l'âge de soixante ans, alors que les deux premiers avaient trouvé la mort à trente ans.

Entre temps, loin du village de Borgo, les jumeaux Quarto et Volturno ont trouvé la mort dans l'aventure coloniale italienne, enfin, l'un des deux, dont la dépouille a été rapatriée et dont le cadavre sera re-tué sur ordre d'un officier allemand en 1943, tandis qu'un autre membre de la famille, Melchiorre, celui qui a mal tourné — après avoir fait des études et être devenu l'ingénieur de la Fattoria Vecchia, il est devenu fasciste —, aura finalement le bon goût de s'empoisonner alors que les nazis brûlent l'église, que la cloche fond, et que le curé don Mulvio prend le maquis, non pour rejoindre les partisans qui ont quitté le village et sont pourchassés par l'envahisseur, mais pour trouver la sainteté d'un ermite au fond d'une grotte, lui l'admirateur de saint Jérôme.

« Être pauvre, à Borgo, cela voulait dire qu'on coupait des roseaux dans les marais.» L'auteur dessine la vie d'un village pauvre de la côte toscane, trois ou quatre générations d'une même famille. Des hommes, j'ai déjà parlé. Ils sont placés au premier plan et ils ont ouvertement des idées politiques. En retrait viennent les femmes de cette famille de ruraux : Anita, Esperia, Asmara, elles vieillissent sans se plaindre en attendant le retour des hommes : de la guerre, de la France, de l'Amérique ou de l'Argentine. Parmi les personnages secondaires, il y aussi Zelmira et son penchant pour l'astrologie, Gavure le bossu qui distribue la presse anarchiste, et un cinéma, le Splendide, qui perd son "e" final à force d'attendre son inauguration. Tout cela est très décousu, fait d'un patchwork de petits chapitres souvent incisifs, j'allais dire "déstructuré" ce qui serait exagéré. Ça se veut militant, contre le roi, contre la guerre, contre le fascisme. Deux des personnages principaux prennent la carte du PCI tandis que le "Splendid" va devenir une coopérative. Je n'ai pas été vraiment convaincu... mais la lecture de cette œuvre de jeunesse n'est pas astreignante. Bref, ni le meilleur ni le pire dans l'œuvre de Tabucchi dont on comprendra qu'une partie de la notoriété n'est pas due à la littérature mais à l'engagement politique à gauche.

Antonio TABUCCHI - Piazza d'Italia. Traduit par Lise Chapuis. Christian Bourgois, 1994, 188 pages (10-18). Réédition: Folio, 2009.
 
Tag(s) : #LITTERATURE ITALIENNE
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