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Voici le sombre tableau de la condition des femmes en milieu rural avant 1968. Pour « elle », qui n’a même pas de prénom, le mariage a été « l’entrée dans une sorte d’hiver qui n’en finira pas ». Face à Pierre, ce mari qui la cogne, lui flanque des « roustes » depuis sept ans, le corps lourd et mou, saccagé par trois césariennes, elle ne parvient plus à faire face aux besognes quotidiennes ni à surmonter la peur, pour elle et pour ses enfants. Toujours agir, servir, « tenir son rang » et « laisser faire l’époux » car « il faut y passer » : ces préceptes maternels enracinés en elle la laissent épuisée et dépressive.

 

Elle « rumine  sa vie » : s’il avait été tué en Algérie au lieu de revenir de son service militaire au Maroc, « Elle [aurait eu] une vie normale ». Jamais il n’est venu en permission. Puis elle a découvert ces photos d’une femme marocaine, son aventure à lui.. Elle, dans ce bout du monde, ne voit personne que ses parents et beaux-parents le dimanche. Alors, ce dimanche 11 Juin 1967, elle a enfin trouvé la force de s’enfuir avec ses enfants.

 

Lui aussi se souvient, mais lui ne rumine pas. Sept ans après leur séparation qui a scandalisé le pays, libéré, délivré, il ne regrette rien et ne songe qu’à ses intérêts, au moyen de racheter la part de son épouse. Elle était « un boulet, un tas, un poids mort, toujours enceinte : une femme molle et nulle en tout ». Il sait qu’aucun des enfants ne reprendra la ferme, même pas ce fils, cette « nouille » qui ressemble à sa mère.

 

En 2021 Claire — sa fille — rencontre les nouveaux propriétaires de la ferme. À la soixantaine ces lieux où elle n’a vécu que cinq ans constituent ses racines, ses « sources » comme pour Isabelle et Gilles. Inoubliables.

 

En ne  prénommant pas cette épouse, Marie-Hélène Lafon fait mieux ressentir à quel point les femmes étaient néantisées dans ces campagnes reculées il y a cinquante ans. Dans son Cantal natal les relations conjugales sont elles désormais plus apaisées ?

 

• Marie-Hélène Lafon : Les Sources. Buchet-Chastel, 2023, 117 pages.

Chroniqué par Kate.

A propos d'autres œuvres de l'auteure :

— L'Annonce

— Les Pays

Histoire du Fils

Nos Vies

 

 

 

 

Tag(s) : #LITTERATURE FRANÇAISE
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