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Reporter au magazine « Saveurs » et documentariste, J.-L. André raconte, entre humour et amertume, l’évolution de la cuisine française de 1945 à nos jours. Son credo : « Dis-moi ce que tu manges, je te dirai qui tu es ». Pour lui, les diverses façons de se nourrir reflètent autant les tendances du moment que les choix idéologiques du mangeur : Voyons  « ce que manger veut dire ».

Au lendemain de la seconde guerre mondiale, on se réunissait pour partager les mêmes plats et retrouver le plaisir de manger à sa faim selon les particularités régionales.

 

Peu à peu la généralisation de l’électroménager, l’apparition de l’agroalimentaire, de la grande distribution et des produits transformés ont en partie libéré les femmes des tâches culinaires et diversifié les goûts. Ce fut le triomphe de la malbouffe et du poulet aux hormones stigmatisé par Jean Ferrat. Car le progrès ne garantit pas une vie plus saine. Depuis les années 1980, on balance entre fast-food et slow-food, on valorise les terroirs, on multiplie les AOC, on goûte à toutes les saveurs du monde grâce aux immigrés beurs et blacks : on désacralise la cuisine française. Néanmoins les fractures sociales se reflètent dans les assiettes. Si les nourritures industrielles permettent à « ceux d’en bas » de se rassasier en quantité plus qu’en qualité, « ceux d’en haut », les élites urbaines, picorent, entre bio et local, les aliments les plus « naturels » possible, sous prétexte de se garder en santé, même s’ils ne se refusent pas parfois le plaisir de « se faire un Macdo ».

On devient vegan pour défendre le bien vivre animal, on refuse l’huile de palme pour sauver la forêt, on consomme halal ou kasher par conviction religieuse.

On assiste désormais à l’éclatement de la commensalité française : faire table commune ne va plus de soi, sauf si les convives partagent les mêmes valeurs. On mange « entre soi ».

Après la Libération on a cru pouvoir se retrouver autour d’une même table pour, à nouveau, « former un pays ». Selon l’auteur ce n’est plus qu’un voeu pieux : le plaisir d’être ensemble suit d’autres chemins...

On prend goût à ce récit très documenté ; toutefois J.-L. André force un peu sur le communautarisme alimentaire : pourquoi un « gilet jaune » ne partagerait-il pas son repas avec un bobo-bohème ? La découverte d’autrui reste une belle aventure selon le désir de chacun.

 

• Jean-Louis André : Dis-moi ce que tu manges. Une histoire de la France à table. Odile Jacob, avril 2022, 232 pages.

Chroniqué par Kate.

 

Tag(s) : #ESSAIS, #SOCIETE
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