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S'il y a effectivement des oncles dans Les Oncles de Sicile, les thèmes principaux de ces quatre nouvelles dont aucune ne porte le titre du recueil sont plutôt l'attitude des hommes devant la guerre et les aléas de l'engagement politique, depuis le Risorgimento jusqu'à l'après Seconde Guerre mondiale. Qu'on en juge.

 

Quarante-Huit. À Castro (en réalité Mazara del Vallo) le baron et son voisin l'évêque incarnent le conservatisme de la monarchie des Bourbons. Quand Palerme se soulève en 1848 le baron convaincu par l'évêque se rallie bien vite au Comité Révolutionnaire. Quelques semaines plus tard, le hobereau applaudit à la restauration de l'ancien pouvoir. Puis en 1869, quand les Chemises rouges débarquent à Marsala, le baron d'abord furieusement hostile à la révolution, écoute son gendre et accueille avec enthousiasme Garibaldi dans son palais d'où l'on a fait disparaître les portraits des Bourbons. Ces revirements sont racontés par le fils du jardinier, jadis témoin de l'amusante mésentente entre le baron et son épouse sur fond d'adultère.

 

L'antimoineL'action s'est déplacée en 1936. Le narrateur, ancien mineur sicilien, s'est engagé dans le corps expéditionnaire italien parti à la rescousse de Franco. Il se fait un ami en la personne de Ventura qui rêve de rejoindre l'Amérique où vit sa mère. Les deux hommes participent aux combat depuis Malaga jusqu'à Saragosse ; ils sont témoins des atrocités commises par les troupes du caudillo. Le narrateur constate la misère des campagnes qu'il traverse et compatit avec ses adversaires républicains. Blessé à la main et revenu dans son île, il refuse qu'on le prenne pour un héros du régime fasciste et libère sa conscience. Son oncle Pietro ne reconnaît plus le garçon timide qu'il était avant de s'engager.

 

La tante d'AmériqueDe nouveau le narrateur est un jeune homme. Avec son copain Filippo, il attend les Américains. Bientôt ceux-ci débarquent à Gela sur la côte méridionale de la Sicile et le pouvoir fasciste s'écroule laissant consterné le jeune oncle du narrateur. Par un GI d'origine calabraise, la famille reçoit des lettres et des colis de la tante qui tient un « store » à Brooklyn et imaginait sa famille dans le besoin. Émigrée vingt ans et quelques années plus tôt, la tante promet de faire un pèlerinage à son village natal dès le retour de la paix. De fait, elle débarque en 1948 avec mari, garçon et fille étudiante. La joie des retrouvailles laissera peu à peu place à la désillusion.

 

La mort de Staline. La nouvelle couvre une période allant de 1939 à 1956. Calogero, cordonnier de son état, professe une si grande confiance et admiration aveugle pour la personne de Staline qu'il lui arrive de rêver de lui. Aussi fait-il part de ses doutes à ses interlocuteurs, l'archiprêtre de la paroisse et des camarades communistes, quand Staline s'allie à Hitler en 1939. Plus tard, lorsque le régime fasciste vacille, le cordonnier s'imagine que l'Armée Rouge viendra jusqu'à Rome libérer les prolétaires. Ses déceptions continuent et pourtant il garde la foi au point de prendre le rapport Khrouchtchev pour une mystification : « Tu vois jusqu'où ils arrivent, ces enfants de putain d'Américains, ils ont fabriqué ça de A à Z ». Comme Calogero, ouvriers agricoles et mineurs de soufre croient à la bienveillance du dictateur russe qu'ils appellent familièrement « lu zi' Peppi » avec les mêmes mots que leurs pères saluaient Garibaldi : l'oncle Joseph.

 

Leonardo Sciascia : Les oncles de Sicile. Traduit par Mario Fusco, Denoël, 1967, et Folio, 1985, 273 pages. [Gli zii di Sicilia, Einaudi, 1960].

 

Tag(s) : #LITTERATURE ITALIENNE
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