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"Une grande fille"… Un titre d'une trop évidente simplicité ? 

Ancien élève d'Alexandre Sokourov, le réalisateur Kantemir Balagov est né en 1991 à Naltchik, capitale de la République de Kabardino-Balkarie. Dans ce deuxième long-métrage, il a quitté sa région natale pour l'ancienne capitale des tsars. C'est en effet à Leningrad que se déroule Une grande fille dont l'histoire se situe en 1946, dans l'hiver qui a suivi la victoire sur le nazisme. Mais plutôt qu'un film historique sur l'immédiat après-guerre, il nous montre d'abord une histoire particulière, celle de deux jeunes femmes, l'une d'allure froide et éthérée, l'autre plus enjouée, plus sensuelle.

 

Iya (Viktoria Miroshnichenko)

Iya et Masha sont devenues amies au front durant la guerre, mais on n'abordera qu'en fin de film le vécu réel de Masha dans l'Armée Rouge. Souffrant d'un trouble tétanique mystérieux, Iya est rentrée vivre dans sa chambre d'un appartement communautaire avec le petit Pashka que Masha lui a confié et qui ne va pas survivre. Elle travaille dans un hôpital qui a en charge de très nombreux blessés de guerre. Presque mutique, Iya est bien différente des autres infirmières et soignantes, ne serait-ce que par sa taille qui explique son surnom de « Girafe ». Quand Masha la rejoint à l'hôpital, Iya bénéficie déjà de la confiance du médecin-chef du service, comme on nous le montre quand elle s'occupe du cas d'un tétraplégique. Vite, Masha prend l'ascendant sur sa camarade : elle lui demande d'avoir l'enfant qu'elle ne peut plus avoir puis que le sien est mort. Mais Iya n'a pas la vocation de mère-porteuse. N'importe, Masha devient manipulatrice. Elle devra insister et imaginer un stratagème pour décider et Iya et l'homme qu'elle a choisi comme géniteur. En même temps, la présence répétée de Sacha, un jeune garçon qui travaille aussi à l'hôpital, et qui voudrait d'elle pour femme avant d'avoir connaissance de son passé, amène Iya a rencontrer un couple privilégié. Le style aristocratique de l'épouse présente un fort contraste avec la vraie vie de Masha au front. L'impossible mariage semble devoir pousser Iya et Masha à former un couple lesbien pour se reconstruire.

 

Masha (Vassilisa Perelygina)

Ce très beau film n'empile pas des décors grandioses, ni n'assène un déluge de faits au spectateur. À lui de se débrouiller pour reconstituer ce qui n'est pas explicite dans le passé de Masha et d'Iya, ou dans leur vie à l'hôpital et en dehors. Le réalisateur a aussi juste suggéré une époque de pénuries (de produits alimentaires, de vêtements, de logements…) et il n'a pas cherché à dramatiser à l'excès la présentation d'une période où les morts sont légion : une simple photo de deux enfants posée dans un petit cadre sur le bureau du médecin dit bien la souffrance vécue. Mais l'espoir lui n'est pas mort. Quand vient la nouvelle année, on doit porter un toast : Hourra pour la victoire !

 

Une grande fille (Дылда). Film de Kantemir Balagov. Russie, 2019, 2h10.

Prix de la mise en scène, section Un certain regard du festival de Cannes.

 

 

 

Tag(s) : #AU CINEMA, #RUSSIE
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