Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

La littérature nous ouvre rarement les portes d'une boucherie...

Ce roman bref aux allures de conte cruel nous entraîne au nord du Chili, dans la petite ville de Tocopilla, non loin d'Arica ville natale de Gaetaño Bolán en 1969. Le petit Tom, orphelin d'une maman morte à l'accouchement, vit avec son père Juan le boucher resté veuf et presque autant chez Chico le vieux coiffeur qui avait fait le tour du monde. Avec quelques autres, Juan et Chico forment une bande de copains qui se retrouvent pour boire de l'eau-de-vie ou du vin chilien en rêvant de révolution pour renverser le président Pinochet.

 

Le petit Tom a un secret : en y pensant très fort, un souhait se réalise. Et son souhait, plutôt que de retrouver la vue, c'est de retrouver la douceur d'une maman. Effectivement, Dolores l'institutrice et Juan le Boucher ne tardent pas à tomber amoureux et à se retrouver à « la boucherie des amants ». Le boucher n'est pourtant pas l'idéal masculin de Dolores qui aime se réciter les poésies de Marina Tsvétaïeva. Reconnaissons que la magie de Tom doit y être pour quelque chose.

Quand la boucherie est fermée, Juan et Dolores font l'amour. Puis arrive le moment où ils se lancent de nuit dans des actions subversives ! Certes, il ne s'agit que d'affiches figurant des victimes du régime légendées du seul mot « No », mais cette provocation n'est pas sans conséquences sous une dictature policière et sanglante. Après Paco le taxi fan de Madonna, voilà que Dolores disparaît. Le tour de Juan le boucher va venir… On n'en dira pas plus ici.

 

En peu de mots et avec délicatesse, l'auteur de ce premier roman réussit à créer une communauté de personnages attachants dans une atmosphère douce et tranquille, principalement animée par les retransmissions de matches de football et par le juke-box du bal du carnaval, alors que bientôt… le récit court à l'horreur sanglante.

 

Gaetaño Bolán, qui était bilingue et réfugié en France, publia un autre roman (Treize alligators, également paru au Livre de poche) avant de retourner vivre au Chili après la chute de la dictature. La boucherie des amants prolonge ainsi en ce début de XXIe siècle la déjà longue liste des romans latino-américains qui ont merveilleusement su nous parler des dictatures.

 

Gaetaño Bolán – La boucherie des amants. La Dragonne, Nancy, 2004, 80 pages.

 

 

Tag(s) : #AMERIQUE LATINE, #CHILI
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :