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L'intrigue de ce roman d'un auteur libanais est fondée sur l'échec du mariage arrangé de Rachid (le narrateur bien sûr) avec une femme dont le prénom n'est jamais cité, qui lui avait été chaudement présentée par sa tante : « Un bijou ! ». Mais la jeune mariée retourne chez sa mère pour un oui ou non dès le début de leur vie commune. Et dès la page 45, elle y retourne définitivement ; on en comprend la raison puisque Rachid a tenté de séduire chez lui la jeune couturière qu'il venait d'inviter à retoucher des rideaux juste posés et ainsi provoqué un terrible scandale.

 

En fait cette mise en scène n'est pas loin de n'être qu'un prétexte pour traiter de la question du couple et des relations sexuelles dans la culture arabe à Beyrouth au temps où la télévision a multiplié les chaînes y compris celles qui passent des films occidentaux et pornographiques. Sur sa télé toute neuve, allumée en l'absence de sa femme, Rachid tombe ainsi sur ''Kramer contre Kramer'' quand Meryl Streep et Dustin Hoffman se quittent... D'où le titre.

 

Le thème de la virginité avant le mariage est longuement détaillé. Au fil des jours et de ses souvenirs, Rachid comprend que sa femme a avancé dans la ''modernité'' bien plus loin que lui, qu'elle avait déjà perdu sa virginité longtemps avant leur mariage et que celle-ci avait été reconstruite selon l'usage local. Il explore le détail de ses attitudes dans l'intimité, se remémore ses propos et s'inquiète rétrospectivement de l'avoir entendu parler de préservatif. Alors surgissent dans son souvenir les relations coquines qu'elle a eues avec un cousin pendant plusieurs années, puis avec un étudiant étranger soucieux d'apprendre les mots arabes pour dire ''la chose'' tout en la faisant. « Mon Dieu ! S'est-elle mariée pour éviter le scandale que la présence du Français avait provoqué dans sa vie ? (…) À tous les coups, tout ce qui est arrivé était un complot bien organisé dans lequel ma tante joue un rôle essentiel ». Très souvent Rachid songe aux positions du couple, et il gamberge sur ce que sa femme appréciait ou pas ; il se souvient lui avoir dit « Tu es comme une pomme, de quelque côté qu'on la prenne elle est bonne !» Il se souvient aussi d'une publicité volontairement équivoque de la télévision par câble : « La fille disait, avec coquetterie et un accent libanais : Où tu veux, comme tu veux et quand tu veux ! Et à chaque expression elle se levait, ou s'asseyait ou se couchait de telle manière qu'on eût l'impression qu'il s'agissait d'elle, tellement son corps était excitant et sa magie envoûtante.» Rachid se rêve en roi des ''Mille et Une Nuits''...

 

Centré sur l'état d'esprit du mâle méditerranéen et sur le poids des traditions de son pays, le roman d'El-Daïf manquera un peu d'action et d'épisodes romanesques aux yeux de certain(e)s ; mais n'exagérons pas au point de n'y voir qu'un traité de sexologie. On peut aussi sourire de temps à autre en le lisant.

 

• Rachid EL-DAÏF : Qu'elle aille au diable, Meryl Streep ! - Traduit de l'arabe par Edgard Weber. Actes Sud « Babel », 2004, 172 pages.

 

 

Tag(s) : #MONDE ARABE
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