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« Et maintenant, basta. Il va bientôt faire jour et j'ai encore beaucoup de gens à tuer.» Voilà donc un roman burlesque, un faux polar, une enquête loufoque conduite par un paumé tout juste libéré d'un asile psychiatrique qu'on vient de fermer pour permettre une opération immobilière. Les hasards de l'existence et la découverte d'un beau-frère l'amènent à tenir un miteux salon de coiffure pour dames (d'où le titre), activité qui assure à peine sa subsistance dans un pittoresque quartier populaire de Barcelone. En sortant de l'asile comme à la fin du livre, il croise Cañuto, personnage récurrent de Mendoza, mais qui n'assure ici qu'un rôle de figurant. Entre temps, notre narrateur anonyme se trouve amené à résoudre l'énigme du meurtre de Pardalot, pdg et co-fondateur d'une importante société aux activités indéfinissables mais à l'appellation sans équivoque : « Le Filou Espagnol, S.A.R.L. »

 

En effet, Manuel Pardalot i Pernilot a été assassiné en pleine nuit à coups de revolver, dans son bureau, au siège de son entreprise. Comme le narrateur est entré illégalement dans ce bureau à la demande d'une certaine Ivette pour y voler des documents il y a de quoi le soupçonner du meurtre. Le narrateur devient enquêteur pour se disculper mais aussi pour répondre à la demande de sa cliente : ainsi rencontre-t-il toute une galerie de personnages truculents dont les comportements et les propos, ajoutés à ses faits et gestes, créent un embrouillamini extravagant. Agustin Taberner alias Le Gaucho a été l'amant de Reinona : ainsi naquit la plus séduisante des deux Ivette tandis que la plus intelligente des deux est la fille de Pardalot. Diplômée d'une université américaine, celle-ci s'est débrouillée pour prendre la direction de l'entreprise que son père avait fondée avec Le Gaucho et le futur Maire de Barcelone, représenté dans l'affaire par l'avocat Miscosillas.

 

Le Maire est en pleine campagne pour sa réélection et à la recherche de financement illégal ; mais il répète sans cesse « Pouah, ce sont là des choses que je ne dois pas entendre » car c'est un homme délicat. De nombreuses scènes hilarantes attendent le lecteur et plutôt que de chercher à élucider le mystère du crime, il lui est conseillé de savourer les gags qui se produisent en permanence, les comportements bizarres, ou les déclarations amusantes car ainsi que le note Monsieur le Maire « je ne suis pas le seul à avoir une araignée au plafond ».

 

Pour que cette parodie de polar soit complète, les protagonistes manipulent diverses armes à feu, au risque de s'en servir maladroitement comme dans cette villa de Castelldefels « en catalan château des douleurs » où le narrateur –entouré de tous les suspects comme Hercule Poirot à la fin d'une histoire d'Agatha Christie– se trouve menacé par plusieurs armes à la fois, tandis que l'humour pointe : « – Mon grand-père avait été fétichiste, a poursuivi Ivette Pardalot, et c'est pour ça qu'il avait un pistolet. – Phalangiste, mon biquet, pas fétichiste, l'a corrigée maître Miscosillas. Dans l'après-guerre, certains avaient des pistolets, et d'autres des femmes légères. Mais les pistolets et les femmes légères à la fois, c'étaient seulement les phalangistes...» Le narrateur en réchappera de justesse. Et l'on apprendra même qui a tué Manuel Pardalot...

 

• Forcément décevant par rapport à « La Ville des Prodiges » qui est un chef-d'œuvre incontestable, et le grand roman de Barcelone, cet opus d'Eduardo Mendoza est à ranger au rayon des trop rares bouffonneries de la littérature contemporaine.

 

• Eduardo Mendoza : L'Artiste des dames. Traduit par François Maspéro. Éditions du Seuil, 2002, 345 pages.

 

Tag(s) : #LITTERATURE ESPAGNOLE
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