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Sans le pangolin, rien de tout ça ne serait arrivé ! Ermelindo Mucanga aurait été sorti de sa tombe irrespectueuse des usages de sa tribu, il serait devenu le soldat inconnu de la lutte de libération nationale. Oui, mais le pangolin est venu lui proposer de revivre et de re-mourir et d'être enseveli comme il faut. Alors il a accepté de passer six jours dans la peau d'un autre être humain, tout en le surveillant. Il s'agit de l'inspecteur Izidine Naïta venu enquêter sur la mort de Vasto Excelêncio directeur de l'asile des vieillards aménagé dans  une ancienne forteresse isolée au bord de la mer, pas très loin de Maputo (Mozambique).

On a donné six jours au policier pour s'acquitter de sa tâche… À un premier niveau de lecture voici donc un polar. Une parodie de roman policier en fait. Avant de descendre de l'hélicoptère qui l'amenait au fort, Izidine a aperçu le corps de la victime sur les rochers. Sans se préoccuper de la carapace de pangolin qui se retrouvé dans ses affaires, le policier, tout à son enquête, entreprend d'interroger un à un les occupants des lieux. Or, tous s'avouent coupables d'avoir assassiné d'une manière ou d'une autre ce fichu directeur…
« Les meilleures années de sa vie il les avait données à la révolution » dit-on du défunt qui s'était ensuite empêtré dans un trafic obscur quand la décolonisation avait dégénéré en guerres civiles. On l'avait supprimé pour cela…

Naturellement, l'enquête policière n'est qu'un prétexte, un masque qu'il faut retirer. Avec ces secousses de l'histoire, les traditions ancestrales sont menacées et vainement les vieillards s'érigent en gardiens de ce monde qui meurt : Navaïa Caetano l'enfant-vieux, Domingo Mourão le vieux Portugais, Nhonhoso son alter ego, Man Nenni la prétendue sorcière, devenue en même temps veuve et orpheline. Même Marta l'infirmière n'échappe pas aux superstitions locales et passe la nuit hors des murs pour « recevoir de la terre des forces secrètes.» Un vieux monde fragile comme le frangipanier qui seul perd ses feuilles quand les autres arbres de la région restent verts. Un monde fragile où un animal d'une espèce menacée, le pangolin, ou plutôt le « halakavuma », représente le lien entre l'homme et les puissances occultes. Enfin viendra le « wamalambo », le serpent des orages, pour rendre la justice des dieux et redonner vie au frangipanier.

Mia Couto mêle magiquement les traditions africaines de la culture mozambicaine et les allusions aux conflits issus de la décolonisation, dans un récit captivant qu'on regrette de finir de lire aussi vite.


Mia COUTO : La véranda au frangipanier. Traduit du portugais par Maryvonne Lapouge-Pettorelli. Albin Michel, 2000, 201 pages. [Edition originale : Lisboa, 1996]




 

Tag(s) : #LITTERATURE AFRICAINE, #PORTUGAL
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