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« Ici, les contes ne servent pas à endormir, mais à réveiller.»  Cette sentence résume l'esprit du livre de Léonora Miano. Il s'agit d'ouvrir les yeux de Musango, fille d'Ewenji, sur ses origines personnelles et sur les maux de l'Afrique. De lui faire découvrir « les contours du jour qui vient » en vivant comme un douloureux rite de passage.


L'histoire de Musango est celle d'une fille chassée par sa mère sur les conseils de Sésé, « la diseuse de nos mésaventures ». Musango avait neuf ans, elle en a maintenant douze et raconte, à l'adresse de cette mère tutoyée d'un bout à l'autre du récit, les évènements qui ont peuplé ces trois années passées à la haïr et à se préparer à la retrouver. Ewenji a été violente à son égard quand elle s'est aperçue que le père était mort sans rien lui laisser en héritage n'étant pas une épouse légitime. Adieu les robes et les parfums de luxe. À son tour, Ewenji s'est retrouvée à la rue et sa fille errante est tombée entre les griffes d'une secte évangélique liée à un réseau de prostitution. Musango a pu s'échapper du village où les filles sont détenues, puis de l'église de la secte dans la capitale, avant de rejoindre sa grand-mère près des ordures du bidonville d'Embényolo. L'aïeule lui révèlera les secrets de ses origines et la confiera à Mbalè, un adolescent qui la mettra sur la piste de sa mère.

Le Mboasu, imaginaire pays d'Afrique équatoriale où l'action est située, porte la marque réelle et abominable de la traite négrière : « Nous ne pourrons jamais lire l'obituaire des disparus sans sépulture qui forment une nation sous les flots.» La colonisation, non contente de piller la terre a imposé une culture étrangère et la décolonisation a ensuite dégénéré en guerre civile. Les cadavres traînent dans les rues en attendant la fosse commune. Sur ces ruines des valeurs traditionnelles, prospèrent les sectes. Le "Soul Food" est une ancienne boîte de nuit devenue "centre de rééducation spirituelle". Aux "Portes ouvertes du Paradis"  officient les ambitieux disciples de Papa et Mama Bosangui : Lumière, Don de Dieu, Colonne du Temple et Vie Éternelle. Ils séquestrent des filles en attendant de les expédier "faire l'Europe", après les avoir prétendument "purifiées". Soutenue par son ancienne institutrice, Musango parvient à échapper à cette secte après avoir retrouvé dans la chorale des "Fruits du Paradis", non pas sa mère, mais sa tante Épéti.


Avec ce second roman superbement écrit, Léonora Miano nous plonge à nouveau "à l'intérieur de la nuit" africaine. Elle en exhume à la fois les tristes figures, celles des bandits sanguinaires et des prédicateurs ripoux, et celles des aïeules porteuses de la sagesse africaine. On y invoque Nyambey aussi bien que "Celui qui est tout ce qui est". Attention tout de même aux sortilèges qui sont dans les besaces de Lumière et avant d'entrer gare "aux maléfices du seuil" : …c'est édité chez Plon.

 

• Léonora MIANO : Contours du jour qui vient. Plon, 2006, 274 pages.

Tag(s) : #LITTERATURE AFRICAINE
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