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Calcutta, alors capitale de l’Empire des Indes, est dans l’attente de la mousson qui submergera les zones basses où divague le Gange en direction du delta. Le vice-consul de Lahore est dans l’attente d’une nouvelle affectation suite à la faute qui submerge son esprit divaguant.

Jean-Marc de H., le vice-consul a donc été rappelé de Lahore. Comme ces Occidentaux que l’Inde rend fous (Cf. Régis Airault, « Les Fous de l'Inde » ), qu’ils soient touristes ou expatriés, il a “pété les plombs” — concrètement il a tiré sur les lépreux qui sont installés la nuit dans le parc de Shalimar (visite) et pas seulement explosé les miroirs de sa résidence. L’ambassadeur de France à Calcutta (c’est après 1947 qu’il s’installera à New Delhi), parce qu’il est à la fois diplomate et ennuyé, tarde à traiter son dossier. Pendant ce temps le vice-consul traîne son ennui dans le quartier européen, accable de ses propos le directeur du club, lorgne sur le petit vélo abandonné près du tennis, et sur l’ambassadrice aussi, Anne-Marie Stretter. Celle-ci, qui a eu la faiblesse de l’inviter à une soirée donnée à l’ambassade, est entourée de jeunes citoyens de Sa Majesté, plus soucieux de flirter avec elle que de gagner des roupies. L’un d’eux, Peter Morgan, essaie d’écrire l’histoire d’une jeune Cambodgienne de Battembang, chassée par sa mère, qui aurait jadis abandonné son enfant auprès d’une jeune Européenne, et puis s’en allée à travers Siam et Birmanie jusqu’aux bords du Gange à Calcutta. Le roman s’ouvre d’ailleurs sur ce roman en cours. Les conversations reviennent sans cesse sur les rumeurs concernant le vice-consul. Mais roulent aussi sur le passé de l’ambassadrice. Dix-sept ans auparavant, l’ambassadeur l’aurait enlevée à un administrateur français dans un poste reculé de l’Indochine française, au Laos à Savannakhet peut-être...

 
Delphine Seyrig et le miroir (India Song, 1974)
 
A la fin de la fête, le vice-consul devenu saoul tente ridiculement de s’imposer auprès d’ Anne-Marie. Elle refuse de l’inviter dans le confort de l’hôtel “Prince of Wales” dans la palmeraie au bord de la mer, où elle se retire pour jouer du piano, du Schubert comme jadis à Venise, pour ses amants anglais, Michael Richard, Charles Rossett et Peter Morgan. Le vice-consul souhaiterait, dit-il, un poste à Bombay, l’ambassadeur l’y enverra peut-être, ne serait-ce que pour que sa femme ne soit plus importunée par ce zombie. A moins qu’on ne le rapatrie.

Ce sujet aurait pu être raconté —mais longuement — par E.M.Foster ou Rabindranath Tagore : ah! le romanesque de l’Empire des Indes. L’atmosphère coloniale chère à Marguerite Duras se retrouve ici. Avec l’opposition entre la misère de la fille perdue qui contourne le Tonlé-Sap et le glamour de l'ambassadrice et l’opulence des Occidentaux de la capitale. Avec le style minimal de ses phrases courtes et de peu d’adjectifs, le récit pointilliste délicat et à deux doigts de sonner creux. Un livre vraisemblablement désuet pour beaucoup de lecteurs actuels.

Marguerite DURAS. Le Vice-Consul
Gallimard, 1966. Collection “L’Imaginaire” n°12 (1977 et 2005).







 
Tag(s) : #LITTERATURE FRANÇAISE
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