Des clients qui ne savent pas pourquoi ils sont dans cet hôtel. S'il s'agit d'un hôtel et non d'un hôpital psychiatrique. Quelle est la tâche du Docteur S... Un docteur ? Donc un hôpital. Et ces ascenseurs : pourquoi n'y a-t-il pas de bouton pour l'appeler? Et ces couloirs : pourquoi sont-ils nommés A et V ? Et ce docteur, est-ce un homme ou une femme ? Et qui sont les deux personnages en blanc qui l'escortent : des infirmiers ? ne dirait-on pas des anges ?
Ces quelques personnages sont entre la vie et la mort, mais ils ignorent leur situation. Le Docteur S… possède leurs dossiers et ne peut décider de rien par lui-même. Quand vient le tour de chacun, on le mène à l'ascenseur définitif qui redescend sur terre ou monte vers l'au-delà s'il existe. On nous explique la situation : Julien vient d'avoir un grave accident de la route, le Président Delbec a été simplement renversé par un cycliste, il redescendra sur terre gérer ses sociétés. En revanche, Marie a le cœur usé et pour elle c'est fini. Laura, elle, est en attente de greffe cardiaque. C'est le cœur du Mage Radjapour qui lui sera finalement greffé car le hasard —et non la Providence— parfois fait bien les choses, et que le Docteur S… force le destin parce que Julien et Laura ont le coup de foudre. Mais se reverront-ils et se reconnaîtront-ils en sortant de l'ascenseur?
Ce sujet légèrement original est écrit dans une langue simple à la portée de tous. Avec ou sans majuscule, "Dieu" revient 18 fois dans les dialogues alors que le "diable" se manifeste une seule fois et que le mot "athée" est rigoureusement absent. On peut donc dire qu'aucune référence cultuelle ou culturelle compliquée ne vient freiner l'adhésion du lecteur ou du spectateur. Il n'y a pas d'autre trace de réflexion philosophique. Il en résulte une coloration absurde de l'action qui se déroule sous nos yeux. Mais c'est un absurde éloigné de la manière de Beckett. Ici le tragique de la vie, de l'amour et de la mort n'interdit pas une place au comique provenant des efficaces ambiguïtés de situation et de dialogue.
La seule difficulté provient de l'absence de découpage du texte en scènes séparées et numérotées.
• Éric-Emmanuel SCHMITT. Hôtel des Deux Mondes. Albin Michel, 1999, 185 pages.