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Enrichi des splendides photos intimistes de Jacques Pérez, cet ouvrage est une reprise de “Juifs en terre d'islam” initialement publié en 1985. Les auteurs — Lucette Valensi, directrice à l'EHESS, spécialiste des relations entre l'islam et le judaïsme, et Abraham Udovitch professeur à Princeton, ancien directeur de la revue Islamica (auj. Studia Islamica)— ont su nous faire revivre ce que fut cet isolat culturel juif à Djerba.

 

Si loin de Jérusalem, les juifs sont probablement installés à Djerba depuis l'époque de la chute du Temple (- 587), ce qui expliquerait leur originalité par rapport au reste de la diaspora juive de Méditerranée. Cette spécificité, ils ont su la conserver à travers les siècles, même avec l'installation de juifs venus d'Espagne après 1492. Comment ? Essentiellement par leur façon de résider et leur pratique rituelle stricte accentuée par leurs rabbins à travers les siècles. Deux villages, Hara Sghira et Hara Kbira, au milieu de l'île regroupent les familles juives, dans des bâtiments délimités par l'érûv (erouv) qui les distingue de leurs voisins musulmans, eux aussi fort rigoristes. Leur refus de l'intégration à l'époque coloniale (entre 1881 et 1956) est particulièrement forte ; c'est ainsi que l'Alliance Israélite Universelle, autour de 1900, ne parvint pas à les séduire avec son école ouverte vers l'Occident. L'enseignement restait traditionnel. Après 1948, une partie de la population émigra, notamment vers Israël, et après 1956 l'enseignement d’État tunisien fut relativement accepté. Ce n'est qu'à cette époque que les filles furent instruites, parce que dans la tradition seuls les hommes avaient charge du culte et de l'étude des textes et de leurs commentaires.

 

Le pèlerinage annuel de la Ghriba, leur synagogue principale, reconstruite au XIXe siècle, constitue l'événement médiatique qui souligne encore en plein XXIe siècle la notoriété de Djerba et de sa minorité juive, bien que celle-ci soit passée de plus de 4000 personnes à l'époque de la Seconde guerre mondiale, à 1200 à l'époque de la rédaction de l'ouvrage (et pas plus de 700 aujourd'hui). Ce pèlerinage attire des Juifs venus du monde entier. De nos jours, dans une île inondée par le tourisme balnéaire international, cette minorité israélite s'est presque entièrement spécialisée dans les métiers de la bijouterie, abandonnant une activité économique jadis diversifiée, largement commerciale — voire itinérante — mais jamais agricole. Quant aux activités spirituelles elles semblent n'avoir jamais cessé, comme en témoignent une multitude de livres de commentaires bibliques en hébreu, restés manuscrits, édités à Livourne, ou plus récemment à Djerba même quand l'invention de l'imprimerie cessa d'y être maudite par les rabbins.

 

Voilà pourquoi Djerba est unique.

 

Lucette Valensi, Abraham L . Udovitch, Jacques Pérez : Juifs de Djerba. Regards sur une communauté millénaire. - Éditions Déméter (Tunis), en co-édition avec les Éditions de L’Éclat, juin 2022, 192 pages. ISBN : 9782841625819.

 

Tag(s) : #TUNISIE, #MONDE JUIF, #MEDITERRANEE
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