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Avec la chute du Rideau de fer une vague de démocratie déferla sur le monde en apportant l'espoir. Mais quand elle atteignit l'Algérie ce fut la catastrophe : les barbus étaient aux portes du pouvoir dès le premier tour des élections. Et catastrophe dans la catastrophe, les généraux prirent toutes les commandes d'un pays qui s'enfonçait dans la guerre civile.

 

Le nouveau roman de Frédéric Paulin fait revivre, sur les deux rives de la Méditerranée, ces premières années de terrorisme et de chaos islamistes sur lesquels certains des généraux d'Alger légitimeraient cyniquement leur dictature, aussi incroyable que cela puisse paraître aux services secrets étrangers, et en l'occurence aux cadres de la DGSE.

 

Parmi eux, Tejd Benlazar est le premier à prendre conscience de ce qui se trame. Mère française et père algérien, le lieutenant Benlazar est ce survivant de l'attentat qui a détruit le Drakar à Beyrouth en 1983, tuant plusieurs dizaines de soldats français. Comme si ce « tremblement de terre » ne suffisait pas, un drame familial a pourri sa vie. On va donc revivre ces années 1993-1995 en compagnie d'un héros névrosé, apprécié de son chef, Bellevue — le patron de la mission militaire auprès de l'ambassade de France à Alger —, mais suspect aux yeux d'à peu près tous ses collègues français, et méprisé par ses contacts algériens du DRS qui le croient incompétent.

 

Le FIS s'étant vu barrer in extremis l'arrivée au pouvoir par la voie électorale, le GIA s'organise pour semer le chaos et multiplier les massacres. Très vite Benlazar suspecte un officier du DRS, l'ambitieux colonel Bourbia, d'avoir favorisé l'ascension de Djamel Zitouni à la tête du GIA. Mais gare à ceux qui iraient deviner une certaine collusion entre des militaires et des tueurs dans le rôle d'idiots utiles. Les témoins qui flairent l'immonde vérité doivent être liquidés. En même temps, il faut que la situation soit grave et que le péril menace le territoire français pour que les autorités de Paris comprennent que la dictature militaire dont elles ne voudraient pas à Alger devra quand même être acceptée et soutenue pour que les islamistes soient éradiqués. C'est de la Realpolitik. L'auteur s'est parfaitement documenté et de son travail résulte un roman historique fort convaincant, plein d'action, de rage, et de sang.

 

Les soucis personnels de Benlazar croissant en même temps que le nombre des victimes des attentats, la compagne africaine du défunt Belleville, la fille blessée de Benlazar, et une belle Algéroise arrachée in extremis aux tueurs, donnent un peu d'épaisseur sentimentale à ce puissant roman d'action qui se lit d'une traite.

 

• Frédéric Paulin. La guerre est une ruse. Agullo noir, 2018, 368 pages.

Tag(s) : #LITTERATURE FRANÇAISE
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