Ce petit « Guide de voyage interculturel » ne répertorie ni les meilleurs hôtels, ni les sites incontournables en Tunisie. L’auteur, Romain Costa, aide le voyageur à « Comprendre les Tunisiens » à travers l’histoire de leur pays, leurs modes de vie et leurs valeurs pour qu’il puisse les rencontrer avec « bienveillance et respect ». C’est « un témoignage subjectif sur une altérité tunisienne qui n’a pas d’autre ambition que celle de participer à la déconstruction des préjugés et des stéréotypes sur les Tunisiens » .
Leur identité n’est pas seulement arabo-musulmane mais largement métissée depuis des siècles. Entre la chute de Carthage en 146 avant J.C. et son indépendance en 1956 , la Tunisie a vécu quatorze invasions : mais la coexistence a toujours été pacifique entre envahisseurs et vaincus, facilitant l’intégration des apports étrangers. C’est l’histoire de ce pays qui permet d’en comprendre la complexité et les actuelles contradictions.
Certes la religion structure la société tunisienne, mais toujours entre respect et transgression des règles. L’islam s’efforce de s’adapter face à la montée de la pensée laïque et du sentiment antireligieux. Les Tunisiens sont de culture musulmane mais pas nécessairement pratiquants. La prière n’est plus systématique que pour les plus âgés, les non-jeûneurs sont de plus en plus nombreux et l’apostasie se répand. Par ailleurs la Tunisie est le plus gros pays consommateur d’alcool en Afrique du Nord : nombre de Tunisiens en boivent en privé, en particulier de la bière Celtia de production locale.
Mais c’est un préjugé que de réduire la société tunisienne à la religion. Les diktats familiaux d’entraide et de solidarité ligotent chaque jeune Tunisien qui ne peut devenir autonome et responsable que lorsqu’il se marie. Malgré tout l’individualisme progresse en ville dans les familles modernes et cultivées. Mais depuis 2011, les jeunes dépendent de plus en plus de la solidarité familiale car il leur devient difficile de trouver un emploi. Mais les Tunisiens sont très résilients et savent distancer ce fatalisme culturel par l’humour et la dérision.
Bien qu’elle se soit libérée de l’autoritarisme, la Tunisie demeure dans une impasse : aux dysfonctionnements socio-économique s’ajoute la généralisation de la corruption en raison, selon l’auteur, « d’une oligarchie affairiste qui veut conserver ses privilèges ».
De plus, la société tunisienne s’est toujours renouvelée en accueillant les populations étrangères. Or cette diversité s’est réduite : ce pays autrefois terre d’accueil devient « une terre de départ ». Cette évolution pourrait expliquer, selon l’auteur, la montée en puissance de la radicalisation.
Ce petit guide au ton léger, précieux pour tout visiteur, l’est aussi pour qui souhaite mieux connaître la société tunisienne. Cependant il est regrettable que l’auteur, marié à une Tunisienne, n’évoque que brièvement l’évolution du statut de la femme et ne s’attarde guère sur l’importance de la scolarisation alors que cet essai est paru en 2021.
• Romain Costa : Comprendre les Tunisiens. Guide de voyage interculturel. Préface de Sophie Bessis. Editions Riveneuve, 2021, 139 pages.
Chroniqué par Kate