Célèbrissime roman de mer, « Typhon » de Joseph Conrad navigue entre deux centres d'intérêt : la tempête effrayante, les caractères des hommes à bord.
• Dans l'Atlantique nord on parle d'ouragan et en mer de Chine de typhon. Le « Nan Shan », capitaine MacWhirr, battant pavillon du Siam, fait route vers un port chinois où il ramène deux cents coolies qui ont effectué un contrat de sept ans dans une colonie quelconque. Il essuie un typhon terrible — on est tenté de dire de catégorie 5 mais l'échelle de Saffir-Simpson n'existe que depuis 1969. Conrad qui a l'expérience de la navigation donne une description du déchaînement des forces de la nature qui est particulièrement impressionnante et le lecteur imagine que ce cargo solide puisque lancé par un chantier naval de la Clyde, Dumbarton, ne résistera pas longtemps à l'association infernale du vent et des vagues et qu'il fera son trou. « Le navire était comme une créature vivante, livrée à la rage d'une populace : bousculé, frappé, soulevé, culbuté, écrasé ».
• Pour la plupart des lecteurs l'intérêt de « Typhon » résidera principalement dans les caractères des personnages. MacWhirr que Jukes son second lieutenant a jugé têtu, borné et incapable de sauver le navire et les hommes, a finalement réussi. « Je pense qu'il s'en est très bien sorti pour un homme aussi stupide » confiera Jukes à un collègue embarqué sur un paquebot. A l'image de son allure, les lettres que MacWhirr envoie à sa chère épouse sont totalement insipides, d'ailleurs elle en saute des passages. Le capitaine MacWhirr, natif de Belfast, passe à l'évidence pour un ours, un homme sans conversation, ayant tout oublié de ses études, buté et incapable de s'adapter aux circonstances. Quand le typhon menace, Jukes cherche à convaincre son patron de dévier sa route, de changer de cap. « Jukes avait autant de détermination qu'une bonne demi-douzaine de ces jeunes seconds que l'on peut attraper en jetant un filet sur la mer ». Mais c'est en vain. Le chef mécanicien, Salomon Rout, lui, reste calme et en homme d'expérience il contrôle la situation devant ses machines. Dans l'entrepont c'est un autre enfer que sur la passerelle où l'on affronte les éléments : les Chinois se battent entre eux pour les dollars qu'ils ont gagnés, au milieu des malles désamarrées et éclatées par les chocs contre les parois. On ajoutera au tableau l'aveu d'un certain racisme de plusieurs membres de l'équipage à l'endroit des « Chinetoques » et leur regret de ne plus naviguer sous pavillon britannique. Il est vrai qu'à la date où Conrad écrivait son roman l'Empire britannique dominait encore le monde...
• Joseph Conrad. Typhon. (1903). La traduction d'André Gide en 1918 pour la NRF est reprise par Wikisource. Dans la collection Librio la traduction est de François Maspero.
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