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Le roman se présente comme une suite de cahiers rédigés par une femme africaine pourchassée par un conflit ethnique et qui tente d'échapper à ceux qui la menacent en se réfugiant provisoirement au village de Louboulé où seule la vieille Mam'Soko l'accueille avec sympathie.


Hortense Iloki note ainsi ses souvenirs de jeune fille, évoque sa rencontre avec Kimbembé, un de ses professeurs du collège Aimé Césaire, et le mariage d'amour qui en résulta. Elle est du Nord. Il est du Sud. Les préjugés sont importants entre habitants du pays. L'action se passe au pays natal de l'auteur, mais les noms sont masqués, le Congo est le Viétongo, Brazzaville est Mapapouville, Pointe-Noire est Pointe-Rouge. Ces masques sont si transparents que l'auteur aurait pu s'en dispenser. Ce procédé est utilisé aussi pour nommer les leaders politiques qui ont déclenché la guerre civile. On peut espérer que le lecteur français se souvient encore du conflit interne que le Congo a vécu ces dernières années : Denis Sassou N'Guesso avait ainsi reconquis le pays et repris le pouvoir en 1997 au terme de cinq mois de guerre.  Un président chasse l'autre et, dans le roman, un ancien Premier ministre, surnommé Vercingétorix, fait régner la terreur dans une partie du territoire sudiste en s'appuyant sur sa milice, ses "petits-fils nègres". Le mot peut étonner, mais on sait que Mabanckou n'aime pas la langue de bois.

Ceux qui viennent de lire avec jubilation "Verre cassé" ou "African psycho" seront peut-être surpris de trouver ici un  style sobre et grave, propre à la tragédie que vivent Hortense et sa fille Maribé, sans aucune bouffonnerie et très économe en tournures populaires et savoureuses. Même le discours de Vercingétorix qui promet à ses irréductibles Gaulois la victoire sur les Romains ne vous fera pas vraiment tordre de rire : la scène se passe à Batalébé, là où exerce Kimbembé, là où Gaston a déjà été la victime du conflit ethnique, lui qui est de la même région du Nord qu'Hortense et que le général Edou qui a pris le contrôle de Mapapouville. L'engagement de son mari au côté de Vercingétorix, son attitude devenue agressive, la disparition du voisin, le viol subi par la voisine : désormais tout pousse Hortense a décider de fuir avec sa fille. Y parviendra-t-elle ?

Ce roman nous montre la diversité du talent d'Alain Mabanckou dont l'écriture se moule ici habilement dans le récit émouvant de la narratrice. Cette œuvre nous montre aussi comment un conflit politique interne détruit un couple heureux et "mixte" au sens où elle vient du Nord et lui du Sud. Le Congo natal d'Alain Mabanckou n'est pas le seul pays à vivre de tels drames. L'auteur, qui enseigne aux États-Unis, nous donnera-t-il un jour prochain un témoignage de son regard sur l'Amérique, ses préjugés et ses campus ?

 
• Alain Mabanckou : Les petits-fils nègres de Vercingétorix Le Serpent à Plumes, 2002 et réédité en poche en 2006 (Points n° 1515).

 







 
Tag(s) : #LITTERATURE FRANÇAISE, #AFRIQUE
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