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Le roman se situe évidemment rue Félix-Faure : nous sommes à Dakar dans le quartier du Plateau, près du marché Sandaga. Héritage colonial, l'artère est  animée, riche de lieux de plaisir et de débits de boissons, un tous les cinquante mètres. Les colons partis, de nombreux Cap-Verdiens immigrés ont investi le   quartier, dont Tonio le coiffeur qui joue au violon des airs de morna. De l'autre côté de la rue, c'est en fond de cour, le domaine de Drianké qui chante le blues. 

 

L'histoire c'est la mort d'un gros moqadem, trafiquant en médicaments douteux, faux prophète de Dieu et vrai arnaqueur de femmes (de préference jolies et cultivées) qu'il jette après usage sexuel et monétaire. Elles croient l'aider à trouver Dieu ; il prétend les "purifier"; elles n'en retirent que la lèpre, car le "saint homme" s'est fait contaminer par une pute. Au début du livre, le cadavre coupé en morceaux est trouvé sur le trottoir au petit matin par le Muezzin qui va en oublier son travail. À la dernière page, quelques heures plus tard, le corps est arrivé à la morgue en attendant la fosse commune.

 

Un roman policier ? Pas du tout. Dès la première page, deux policiers sont arrivés rue Félix-Faure pour garder le cadavre du gourou et ils y restent jusqu'à la fin, tandis que leur contribution est voisine du néant. Personne n'est arrêté pour le crime, même quand le Chef de la police finit par arriver. Au lieu d'une enquête à la Colombo, Montalban ou Driss Chraïbi, c'est Muñ, la servante silencieuse qui nous livrera progressivement la clef de l'énigme tout en lisant le tapuscrit qu'elle a trouvé et dont le texte rejoint sa vie pour en faire un scénario et Djib un film : Vengeance !
 

À travers cette histoire d'un Tartuffe africain, l'auteure dénonce la domination de la religion dévoyée sur la société sénégalaise et particulièrement l'écrasement des femmes par des hommes malades de sexe et de religion mêlés. Mais le résultat n'a rien d'une pesante démonstration féministe ni d'une dissertation anti-islamique malgré la présence du Philosophe. Par la magie du verbe, par les répétitions poétiques où l'on pourrait discerner un mode narratif de griot, l'auteure nous attire dans le piège de son récit à l'efficacité… diabolique !


La quatrième de couverture nous apprend que Ken Bugul est un pseudonyme qui signifie "Personne n'en veut" en wolof. Des livres comme ça, on en redemande, encore et encore!   

 

• Ken Bugul : Rue Félix-Faure. Hoëbeke, 2005, 273 pages.

 

••• À consulter sur le site de l'Université d'Australie occidentale •••

Dernière œuvre parue : La pièce d'or, éditions Ubu, Paris 2006.   

Extrait

Tag(s) : #LITTERATURE AFRICAINE, #SENEGAL
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