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Le "coolie trade" vu par Natacha Appanah... L'écrivaine née à l'île Maurice a bâti son premier roman sur une réalité historique qui a marqué également l'île de la Réunion : le "coolie trade". De quoi s'agit-il ? Après la suppression de la traite négrière et de l'esclavage, les plantations de canne à sucre recherchaient une nouvelle main-d'œuvre docile et bon marché. Entre les années 1840 et 1910, des armateurs britanniques français et autres entreprirent d'aller la chercher en Inde en la recrutant par contrat d'une durée de cinq ans. Dans la pratique, quelle différence avec la poursuite de l'esclavage ? Le roman très réussi de Natacha Appanah nous éclaire sur ce point.

 

Nous ferons la connaissance de diverses personnes du Bengale, du Bihar et d'autres régions de l'Inde (en ce temps c'était l'Empire des Indes…) qui pour telle ou telle –mauvaise ?– raison signent sans pouvoir le lire un contrat qui leur est proposé par un "maistry". Cet intermédiaire les conduit au navire qui les embarque à Calcutta puis à Madras pour traverser l'océan Indien jusqu'à l'île Maurice. Le jeune Badri aimait trop jouer aux cartes et il voulait voir la mer. Chotty Lall était trop endetté auprès du "zamindar".  Vythee voulait rejoindre son frère aîné. Ganga aurait dû épouser le rajah de Bangalore mais le décès du fiancé l'exposait au pire. Tous se retrouvent dans les cales de l' Atlas, un méchant rafiot qui porte presque toute la misère du monde. Grant, le médecin du bord — qui lit, devinez quoi ? la Tempête  de Shakespeare ! — nous raconte entre deux whiskies le long calvaire vécu par les passagers, lui-même en perd la raison. Ces pages sont très poignantes et sans doute les plus fortes du roman.

 

Dans la seconde partie du livre, les travailleurs immigrés rejoignent les plantations tenues par des Français, comme les Rivière, mais la vie rêvée ne sera pas au rendez-vous. Sans dévoiler la fin du récit, je tiens à dire que ces Indiens vont travailler dur. Badri, trop malingre pour bien réussir à couper les cannes, s'enfuit et sa rencontre avec les Noirs, dans le village des anciens esclaves, est un morceau de choix du livre. Badri ne sera pas, comme il le redoutait, dévoré par les Noirs (les "hubshis") mais son sort sera-t-il plus enviable ? Quant à la jolie Ganga, le lecteur devine à la fin de chaque partie que son avenir est lié à ses charmes.

 

Le "coolie trade" ne s'est pas limité aux îles de l'océan Indien. Il s'est aussi dirigé vers les Antilles comme le trafic des "engagés" du XVIIè siècle. Il a ainsi contribué à façonner les bases de la diaspora indienne et Natacha Appanah n'est pas le premier auteur à s'en réclamer, pensons à V.S. Naipaul...

 

• Natacha Appanah - Les rochers de Poudre d'Or
Gallimard, 2003 et Folio, 231 pp.

 

Tag(s) : #TRAITE, #ESCLAVAGE & COLONISATION, #LITTERATURE FRANÇAISE
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